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Des délinquants remis en liberté faute de place en prison... un événement malheureusement banal
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Comme d'habitude...

Trois jeunes délinquants interpellés jeudi dernier par la police de Dreux et condamnés à trois mois de prison ferme ont été remis en liberté faute de place à la prison de Chartres. Embarrassée, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a demandé des explications au parquet.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : La remise en liberté, le 1er août dernier, de trois malfaiteurs censés être placés sous écrou par le parquet de Chartres au prétexte que la prison locale était pleine a suscité l'indignation politique et médiatique. Mais, cet évènement est-il vraiment un cas isolé ? Toutes les peines de prison  sont-elles exécutées en France ?  

Alexandre Giuglaris : Dreux n'est malheureusement pas une exception mais juste le révélateur d'un dysfonctionnement bien courant dans notre pays, l’inexécution des peines de prison. Chaque année entre 80 000 et 100 000 peines de prison sont inexécutées ou en attente d’exécution. C’est même plus que le nombre de personnes qui entrent en prison chaque année (88 058 en 2011). L'impunité n'est pas seulement une impression, c'est un fait statistique.

Cette inexécution des peines est un scandale car c'est une rupture de l'égalité de tous devant la justice, principe fondamental de notre démocratie et c’est, par ailleurs, une attaque directe de l’autorité et de la crédibilité de la justice. On ne peut comprendre le sentiment d’impunité, si répandue dans notre société, sans avoir à l’esprit ces chiffres alarmants et malheureusement constants depuis plusieurs années.

Cette impunité est dramatique dans le cadre de la prévention de la délinquance, car elle encourage récidive et réitération. L'impunité est le mal de notre justice pénale et le manque de places de prison en est l’un des principaux facteurs.

Christiane Taubira a demandé des explications au parquet. Pourtant, la ministre a récemment émis une  circulaire dans laquelle  elle demande, de façon très explicite, aux magistrats placés sous sa tutelle de "veiller tout particulièrement à l'aménagement des peines d'emprisonnement." N'y a-t-il pas une forme d'hypocrisie dans sa réaction ?  Cette affaire peut-elle être vue comme la conséquence directe de la politique pénale de la garde des Sceaux ?

La non incarcération des trois personnes condamnées n’est malheureusement pas une surprise. En effet, cela correspond tout à fait à la politique pénale que souhaite mettre en œuvre Christiane Taubira, notamment à travers sa circulaire du 19 septembre 2012 qui incite à tenir compte de la surpopulation carcérale ou lors de la conférence dite de consensus sur la récidive.

Madame Taubira se trouve aujourd’hui confrontée à la concrétisation de la politique pénale qu'elle défend depuis plus d'un an maintenant. On en voit les résultats et les critiques légitimes. L'onde de choc de cet événement dans l'opinion démontre le décalage entre la volonté de la Garde des Sceaux et les attentes des justiciables. C’est ce que nous ne cessons de dire à tous les parlementaires que nous rencontrons, majorité et opposition confondues.

François Hollande doit à présent mettre un terme a ces errements et trancher le conflit entre ses ministres. Ce qui est certain, c'est qu'il est irresponsable d'engager la réforme pénale prévue à la rentrée alors que des membres du Gouvernement ont manifesté publiquement leurs désaccords sur la politique à mener. Cette réforme doit être abandonnée.

Peut-on parler "d'impunité institutionnellement organisée" ?

Il y a dans les discours laxistes et dans les actes de la Garde des Sceaux depuis un an des éléments qui sont parfaitement compris par les délinquants et entretiennent un climat d’impunité qui n’est malheureusement pas nouveau. Mais la question qui se pose aujourd’hui est peut-il y avoir d’autres situations de ce type ? La réponse est évidemment oui tant que l’on n’aura pas engagé le plan de construction de 20 000 places de prison qui manquent dans notre pays.

Le Ministre de l’Intérieur semble prendre conscience de l’ampleur des dysfonctionnements dans notre système judiciaire tout comme il regrettait, il y a quelques années et à juste titre dans un de ses livres, l’ampleur de l’inexécution de peines. Il est en même temps, le Ministre le plus populaire car dans l’opinion publique il n’y a pas de clivages sur ces questions comme nous le mesurons régulièrement avec l’Institut CSA. Il faut que l’idéologie laisse la place au pragmatisme et que la réforme pénale prévue par Mme Taubira soit abandonnée.


Cette affaire met également en lumière le surpeuplement des prisons françaises. En période de crise, comment résoudre ce problème de manière réaliste ?

Les projets de Madame Taubira face à la situation inacceptable de la surpopulation carcérale nous paraissent extrêmement dangereux. Elle souhaite que l’on condamne moins à des peines de prison malgré un nombre de détenus largement inférieur à la moyenne européenne, à population comparable.

Le réalisme en période de crise est de répondre aux inquiétudes de la population et de mettre en oeuvre des solutions de bon sens approuvées par les Français. Mettre fin à l’impunité et faire diminuer durablement et fortement la criminalité passe par la construction de 20 000 places de prison.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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