La discrète opération séduction de François Hollande en banlieue n’est pas sans risque<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chef de l'État s'est rendu mercredi à Clichy-sous-Bois, la ville d'où étaient parties les émeutes de 2005.
Le chef de l'État s'est rendu mercredi à Clichy-sous-Bois, la ville d'où étaient parties les émeutes de 2005.
©Reuters

Quitte ou double

Le gouvernement va examiner ce vendredi un nouveau projet de loi sur les banlieues. Présenté par le ministre de la Ville François Lamy, celui-ci prévoit de concentrer les crédits sur les poches de grande pauvreté, de poursuivre la rénovation urbaine et de créer une dotation spécifique.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Le chef de l'État s'est rendu mercredi à Clichy-sous-Bois, la ville d'où étaient parties les émeutes de 2005. En plein cœur de l'été, François Hollande tente d'adresser un message aux habitants des banlieues qui ont voté massivement pour lui lors de la dernière présidentielle alors même que 56 % des Français jugent que le gouvernement n’a pas assez fermement agi en réponse aux violences urbaines de Trappes (Voir le sondage de Valeurs Actuelles ici). Cette stratégie est-elle à double tranchant ?

Jérôme Fourquet : Effectivement, les différentes enquêtes que nous avons publié, notamment sur Atlantico (voir notre sondageici), montrent qu'il y a une demande de fermeté très forte qui s'exprime pour réprimer la violence dans les banlieues. Cette demande de fermeté trouve son origine dans le fait que le regard sur les causes de la violence dans les banlieues a évolué au cours des dernières années. Nous sommes passés d'une lecture sociale de la violence dans les banlieues à une lecture beaucoup plus dure qui incrimine d'abord la dérive délinquante, voire mafieuse qui gangrènerait ces quartiers. Un certain niveau d'exaspération a été atteint et Manuel Valls tente d'y répondre par un discours d'autorité.

Cela étant, François Hollande a son propre agenda. Il faut effectivement rappeler les scores spectaculaires qu'il a recueillis dans certaines villes de banlieue :  Clichy-sous-Bois (72%), Aubervilliers (73%), Bobigny (77%). Les communes de banlieue ont été très durement touchées par la crise et il n'est pas anormal que François Hollande aille sur le terrain dans ces communes. L'objectif du président de la République est de montrer qu'il mène une politique qui marche sur ses deux jambes : à la fois fermeté et rétablissement de l'ordre républicain partout sur le territoire avec Manuel Valls au ministère de l'Intérieur, mais aussi politique sociale de lutte contre le chômage et les inégalités. Si François Hollande arrive à articuler ces deux orientations politiques, cela peut être accepté, compris et bien reçu.  

En s'adressant en priorité à l'électorat des banlieues urbaines, François Hollande ne prend-t-il pas le risque de s'aliéner une autre partie de l'électorat, notamment les classes populaires habitants les zones périurbaine et qui se sentent de plus en plus délaissées ?

Le risque est que les dispositifs d'emplois d'avenir soient perçus par l'opinion publique comme uniquement réservés aux jeunes des quartiers à l'exclusion de tous les autres. Il faut tenir une ligne de crête : affirmer que ces quartiers sont dans la République et doivent être aidés mais aussi affirmer qu'il faut mener une lutte très ferme contre les trafics. Par ailleurs, dans une période de crise, il ne faut pas laisser s'installer l'idée dans l'opinion que les maigres ressources dont dispose l'Etat sont concentrés uniquement sur ces quartiers au détriment de zones rurales, elle aussi, fragilisées.

Tout est une question de dosage. On peut comprendre que François Hollande aille sur le terrain dans ces communes de banlieue car une part importante de la population y réside. Cela ne peut pas lui être reproché. Mais, encore une fois, il ne faudrait pas laisser penser que l'ensemble du travail gouvernemental est tourné vers ces quartiers et que les quelques dispositifs d'aide à l'insertion professionnelle de jeunes sont fléchés uniquement vers ces quartiers. Objectivement, en terme de nombre de déplacements officiels que François Hollande a effectué depuis son élection, on ne peut pas dire que les communes de banlieue ont été privilégiées. Les élections présidentielles ont montré que nous sommes dans une société très fragmentée avec des clivages sociaux-territoriaux marqués. Si on donne du temps et des moyens à certains type de territoires, il ne faut pas pour autant en oublier les autres sous peine d'un effet boomerang qui peut être assez violent. 

Dans un rapport intitulé "Gauche, quelle majorité électorale pour 2012", le think thank Terra Nova préconisait au PS de se tourner vers les "les diplômés", "les jeunes", "les minorités" et "les femmes" plutôt que vers les ouvriers et les classes populaires. François Hollande ne fait-il finalement qu'appliquer cette stratégie ?

Ce type de débat continue de traverser le Parti socialiste. Mais François Hollande en bon artisan et spécialiste de la synthèse "solférinienne" sait se tenir à l'écart de ce genre de théorie. Il va donc essayer de trouver le bon équilibre. François Hollande est aussi l'élu de Tulle en Corrèze. Il sait que son élection s'est jouée dans les banlieues, mais aussi dans un certain nombre de territoires ruraux, de petites et moyennes villes de France où la gauche est attendue. Il ne faut pas donner trop d'importance à ce déplacement. Ce n'est pas le dixième déplacement de François Hollande en banlieue depuis son élection. En revanche, il s'est déplacé des dizaines de fois dans les territoires périurbains. Les scores obtenus par le Front national dans ces territoires ont interpellé au plus haut niveau et ils sont surveillés comme le lait sur le feu. Il ne s'agit pas de laisser penser que tous les efforts sont concentrés sur les banlieues. 

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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