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Leçon de fiscalité : ce que les recettes surprises de la taxe Sarkozy révèlent de ce qui fonctionne ou pas en matière d’imposition des hauts revenus
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Bilan

La taxe Sarkozy sur les hauts revenus a rapporté 630 millions d'euros en 2012, selon un rapport du député socialiste Christian Eckert. Bien plus que ce qui avait initialement été prévu.

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Deslol est avocat fiscaliste et président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscale, IREF, essayiste dont le dernier ouvrage est Civilisation et libre arbitre paru en 2022 cher Desclée de Brouwer.

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Atlantico :  La taxe mise en place par l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, sur l'imposition des hauts revenus (3 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros et de 4% pour ceux qui dépassent 500 000 euros) aurait rapporté près de 630 millions d'euros en 2012, bien plus que ce qui avait été prévu. Peut-on considérer que cette taxe est un succès ?

Jean-Philippe Delsol : Une taxe est-elle un succès parce qu’elle rapporte beaucoup, plus qu’il n’était prévu ? Le succès d’une taxe, c’est quand elle est la plus indolore possible, la moins contraignante possible, quand elle gène le moins possible l’économie, le progrès, l’innovation. En l’espèce l’administration fiscale avait mal fait ses calculs et c’est un peu inquiétant de constater qu’une erreur de 50% est possible. Sur le fond, je pense surtout que cette taxe est un peu arrivée par surprise. Elle n’a pas fait l’objet d’une grande attention de la part des titulaires de hauts revenus, pas suffisamment en tout cas. Et puis le taux de cette nouvelle taxe était suffisamment faible pour que les personnes qui risquaient d’y être assujettis ne changent pas leur comportement pour autant.

Cela signifie-t-il que la taxation des hauts revenus peut fonctionner ? A quelles conditions ? Quelles sont ses limites : à partir de quel seuil ne présentera-t-elle plus d'intérêt ?

La taxation des hauts revenus a ses limites. Au-delà d’un certain seuil, les contribuables ne veulent plus travailler, ou travaillent autrement, cherchent à gagner en capital plutôt qu’en revenu, prennent leur retraite, partent à l’étranger… C’est une vieille règle que le ministre d’Henri IV, Barthélémy de Lafffemas énonçait à la fin du XVIème siècle avant qu’Arthur Laffer ne la reprenne au XXème siècle : "Les hauts taux tuent les totaux". Prenez l’exemple des hausses de charges décidées ces deux dernières années sur les services à domicile : la conséquence a été la baisse du produit des dites charges. Les employeurs à domicile ont réduit les heures de leur femme de ménage ou ils l’ont payée en partie au noir !

La taxation des hauts revenus est-elle une solution viable à long terme ? Pourquoi ?

Chaque fois que les hauts revenus ont été surtaxés, le produit de l’impôt payé par les plus riches a baissé. Cela a été vrai en France au cours des trois périodes ou l’impôt sur le revenu a atteint des sommets : dans les années 1923/1925, 1936/1948, 1981/1983. A l’inverse, chaque fois que les impôts sont passés d’un niveau excessif à un niveau raisonnable, le produit de l’impôt a augmentéSelon les chiffres qu’Arthur Laffer donne dans son dernier ouvrage,  aux Etats-Unis les 1% des gens les plus riches sont les seuls dont les impôts sur le revenu ont représenté une part en augmentation du PIB dans la période de baisse massive des taux d’impôts les plus élevés, soit de  1980 à 2007, y compris par exemple après les baisses d’impôts décidées par la majorité de George Bush en 2003, tandis que tous les autres groupes de contribuables ont payé sur la même période une part d’impôts sur le revenu décroissante par rapport au PIB.

Au-delà d’un certain niveau d’imposition, plus le taux de l’impôt augmente, plus le produit de l’impôt baisse. C’est précisément la fameuse courbe de Laffer par laquelle ce dernier a convaincu Reagan, avec succès, qu’il fallait réduire les impôts pour augmenter les revenus de l’Etat.

Non seulement en effet, la baisse de l’impôt, lorsqu’il a déjà atteint un certain seuil, variable selon les pays et les époques, incite individuellement les agents économiques à travailler plus, parce qu’ils en seront mieux récompensés. Elle favorise la mobilité des capitaux et des biens qui changent plus facilement de mains parce que la fiscalité ne les en empêche pas. Plus généralement un effet dynamique tendant à favoriser la croissance de l’économie et donc les revenus même de l’Etat sur la consommation, les revenus des entreprises et des particuliers…

Ce phénomène est surtout vrai aux Etats-Unis où la réactivité des agents économiques est plus grande qu’ailleurs et encore plus dans le domaine des impôts sur les plus-values où les contribuables sont plus qu’ailleurs maîtres de leurs décisions car ils peuvent vendre ou ne pas vendre leurs biens, actifs mobiliers ou immobiliers, selon le niveau de la fiscalité. Ce qui est moins vrai pour la fiscalité des revenus salariaux dont les bénéficiaires ont moins le choix de travailler ou pas. D’ailleurs, l’histoire des Etats-Unis a toujours été marquée par une relation inversement proportionnelle entre le niveau du taux d’imposition des plus-values et le produit de cet impôt. Au cours des trente dernières années, chaque fois que le taux des plus-values a augmenté, le produit de l’impôt, en valeur absolue comme en pourcentage du PIB, a baissé et réciproquement. En 1968, le produit de l’impôt sur les plus-values était de 34 milliards de dollars alors que les dites plus-values étaient taxées au taux de 28%. Au cours des huit années suivantes, le taux d’imposition a été porté à 36,5% et le produit de cet impôt a baissé à 27 milliards en 1977, soit 21% de moins. En 1978, le taux fut porté à 39,8% et le produit ne fut que de 28 milliards. Mais après qu’en 1984 le taux d’imposition de ces plus-values fut réduit à 20%, le produit y afférent a représenté 42 milliards, soit une augmentation de 50% par rapport au produit de 1978. En 1986, le taux de cet impôt augmenta à nouveau de 20 à 28% et le revenu de l’Etat en fut diminué : en 1990 il était inférieur de 13% à celui de 1985. Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! En 1997, le gouvernement américain obtint de baisser à nouveau le taux de ces plus-values de 28 à 20% et le montant des plus-values réalisées qui était de 261 milliards en 1996 passa à 365 milliards l’année suivante, puis 455  milliards en 1998 et 552 milliards en 1999.

Quelles sont fiscalement les autres alternatives envisageables ?

Une autre alternative est la flat tax, l’impôt proportionnel, le même pour tous et pour toujours. Cela ne veut pas dire que les riches payent moins d’impôt, puisqu’ils payent en fonction de leurs revenus. La flat tax est plus juste et  plus efficace. Elle est plus juste car il n’y a aucune raison à ce que les plus riches payent proportionnellement plus que les autres, plus juste et plus efficace parce que de ce fait tout le monde payent l’impôt, tout le monde y est sensibilisé. On évite ainsi cette situation française dans laquelle une moitié de la population qui ne paye pas l’impôt sur le revenu vote sans mesure l’impôt sur le revenu que paye l’autre moitié. Elle est plus efficace parce qu’elle est plus simple (un impôt à déclarer sur un timbre poste disaient ses initiateurs, MM Hall et Rabushka dansLa flat tax. La révolution fiscale, introduit par moi-même et Pierre Garello), parce qu’elle est pérenne, et parce qu’elle est, dans la trentaine de pays où elle a été instituée, à un taux raisonnable de l’ordre de 15 à 20% en moyenne.

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