Les fonctionnaires à temps plein privés d'auto-entrepreneuriat : une bien mauvaise méthode si l’objectif est de contrôler leur temps de travail <!-- --> | Atlantico.fr
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Dans son projet de loi, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction Publique, souhaite mettre un terme au cumul de statut fonctionnaire/auto-entrepreneur.
Dans son projet de loi, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction Publique, souhaite mettre un terme au cumul de statut fonctionnaire/auto-entrepreneur.
©Flickr / alecska

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Pour éviter que les fonctionnaires ne se "dispersent", Marylise Lebranchu souhaite leur interdire de cumuler leur statut avec celui d'auto-entrepreneur. Une bien étrange manière d'encadrer le travail.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : Dans son projet de loi, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction Publique, souhaite mettre un terme au cumul de statut fonctionnaire/auto-entrepreneur. L'article précise que "les fonctionnaires devront se consacrer entièrement au service de l'intérêt général". Ce projet de loi peut-il être considéré comme une façon insidieuse de reprendre le contrôle du temps de travail effectif des fonctionnaires ?

Erwan Le Noan : Il y a sûrement, en effet, une volonté du gouvernement d’empêcher certains fonctionnaires d’avoir des activités annexes. Bien sûr, cela peut poser de sérieuses questions de déontologie, par exemple quand des membres du Conseil d’Etat, qui sont juges, donnent par ailleurs des conseils rémunérés… Dans le cas des enseignants, la logique du gouvernement relève plutôt d’un autre registre : la préservation d’un monopole d’une part et d’une idéologie d’autre part. Le monopole, c’est évidemment celui de l’enseignement public d’Etat. Dans un monde normal, lorsqu’on constate que les familles et les professeurs le fuient, on devrait tenter de l’améliorer. La logique socialiste, de droite comme de gauche d’ailleurs, est toute autre : on interdit à la concurrence d’exister. Quant à l’idéologie, c’est le principe selon lequel l’éducation privée, qu’il s’agisse de cours ou de soutien scolaire, c’est mal !

Cette solution est-elle efficace pour parvenir à un tel contrôle ?

La solution de l’interdiction est assez efficace puisqu’elle ne laisse pas de choix aux fonctionnaires. Mais elle n’apporte aucune réponse aux vrais problèmes qui sont, pour les fonctionnaires, la possibilité de cumuler des activités (et des revenus) et pour leur employeur (l’Etat) la garantie d’éviter les conflits d’intérêts.

Le signal envoyé à l'esprit d'entreprise pourrait-il se révéler dommageable ?

Le signal particulièrement négatif envoyé par ces réformes, c’est que le privé et le public sont incompatibles. Ce qui est absurde. Il faut sortir de la fable de l’intérêt général : si l’Etat le servait en particulier ou mieux que les autres, ça fait longtemps que ça se saurait ; et avec son État qui est partout la France serait le pays le plus heureux du monde. Un entrepreneur, un salarié et même un financier y contribuent aussi – peut être même plus que certains fonctionnaires d’ailleurs !

Le seul vrai sujet dans le cumul d’activités, c’est les conflits d’intérêts. Or, il n’existe aucune transparence : les citoyens devraient pouvoir savoir quels fonctionnaires travaillent en dehors de leurs activités dans le public et pour qui, sur quels sujets. S’ils servent vraiment l’intérêt général, alors les citoyens doivent pouvoir les contrôler. Il faut injecter de la transparence, notamment sur les salaires des fonctionnaires, comme cela se fait à l’étranger.

Ensuite, il faut relever que l’administration a la fâcheuse habitude de tout interdire aux échelons inférieurs et de tout tolérer de ses « hauts » fonctionnaires, qui sont à des postes souvent régaliens mais exercent une multitude d’activités par ailleurs, parfois rémunérées, parfois politiques. Un haut fonctionnaire, qui est sensé appliquer la politique du gouvernement, peut-il par exemple décemment s’engager dans un groupe de travail de l’opposition, voire dans un parti de l’opposition ? Il y a là un vrai sujet, de vrais inégalités de traitement, mais comme ces problèmes concernent « l’élite », qui définit elle-même les règles, personne ne s’en soucie. Et après on vient parler d’intérêt général ?

A quelles autres solutions, plus efficaces, peut-on penser pour assurer un suivi plus étroit et une rationalisation des missions confiées aux fonctionnaires ?

La meilleure solution ce serait de ne plus avoir de fonctionnaires. Pourquoi un enseignant est-il fonctionnaire par exemple ? Est-ce vraiment indispensable ? Comment se fait-il qu’à l’étranger, on peut faire autrement ? Pourquoi ne pas réserver le statut de fonctionnaires aux seules fonctions régaliennes (police, justice, affaires étrangères). Tous les autres seraient salariés de droit privé ; ils pourraient cumuler des activités, avec des contraintes de transparence. On s’apercevrait alors que l’invocation de l’intérêt général n’est que du blabla…

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