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Le gouvernement vient d'annoncer à l'issue d'un 3e comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) la suppression de 550 millions d'aides à l'apprentissage.
Le gouvernement vient d'annoncer à l'issue d'un 3e comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) la suppression de 550 millions d'aides à l'apprentissage.
©Flickr

Contradiction

Alors que François Hollande ne cesse de rappeler que les jeunes, l'emploi et la formation figurent parmi les priorités de son mandat, le gouvernement vient d'annoncer à l'issue d'un 3e comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) la suppression de 550 millions d'aides à l'apprentissage.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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François Hollande, le 14 juillet, a annoncé qu’il ne recourrait aux augmentations d’impôts que s’il ne pouvait pas faire autrement. La priorité, disait-il, est aux réductions de dépenses. Certains esprits naïfs avaient entendu que l’Etat se réorganiserait, qu’il diminuerait son train de vie, qu’il adapterait son format à la réalité de ses missions pour exaucer la promesse du président.

Car il faut bien le dire ici : l’Etat a diminué ses dépenses d’intervention, c’est-à-dire son action au service des citoyens et contribuables, mais il a augmenté sa masse salariale et n’a pas diminué ses effectifs. Vous connaissez beaucoup d’organisations qui réduisent leur activité, leur production, mais qui augmentent leurs moyens de fonctionnement ?

A part l’Etat républicain d’une France en plein décadence, auto-proclamé défenseur de l’intérêt général par des hauts fonctionnaires qui se gavent dans une incompétence rare et une arrogance absolue, aucune organisation dans le monde (sauf peut-être dans des républiques bananières) n’aurait cette idée saugrenue de rendre moins de service, de produire moins, mais d’augmenter ses moyens.

On pouvait donc se dire, à l’approche du Comité interministériel de la modernisation de l’action publique (Cimap), qu’enfin allaient prendre corps des réformes dont tout le monde fustige le retard. La Cour des Comptes a d’ailleurs pointé dans son récent rapport sur les comptes publics la vacuité totale des projets gouvernementaux sur ce chapitre : la Cour appelait de ses vœux la définition d’une stratégie pour diminuer - enfin! - les moyens de l’Etat dans un contexte de réduction des dépenses dites d’intervention.

Les résultats du Cimap qui vient de se tenir ont montré une fois de plus la redoutable permanence des maux qui rongent notre pays : non seulement le gouvernement n’a aucune idée pour réformer l’Etat, non seulement le contribuable finance une clique de fonctionnaires surpayés à la mission de modernisation de l’action publique dont aucune idée ne sort dès qu’il s’agit de réformer le service public, mais il faut maintenant que les petites et moyennes entreprises se serrent la ceinture pour financer ces parasites qui les méprisent.

La preuve ? Le Cimap, qui n’annonce pas un euro d’économie sur le fonctionnement de l’Etat, supprime autoritairement l’indemnité compensatrice de formation pour les apprentis.

Cette aide de 925 euros à l’embauche, de 1525 euros par année de formation, vise à compenser l’effort que les entreprises réalisent en intégrant dans leurs effectifs des apprentis qui ne travaillent qu’à mi-temps, et qui décrocheront un diplôme de l’Education nationale grâce au savoir transmis par l’entreprise.

Car c’est bien cela, l’apprentissage : chaque année, 450.000 jeunes préparent un diplôme en cumulant cours au lycée, ou à l’université, ou dans les grandes écoles, et participation à la vie de l’entreprise. Le diplôme s’appuie donc sur des savoirs acquis dans l’entreprise, grâce à un transfert que l’entreprise assure... contre une indemnité de 1.525 euros par an, là où les établissements publics perçoivent d’ordinaire plus de 8.000 euros par an de budget public.

Ce point mérite d’être rappelé : l’apprentissage est une façon, pour les entreprises, de concourir à l’action publique en offrant aux jeunes un salaire, un contrat de travail et une véritable chance d’insertion.

François Hollande avait annoncé qu’il mettrait les jeunes au centre de son programme. Belle manifestation de constance, de sincérité, de loyauté vis-à-vis de ses engagements! Le voici qui supprime une mesure très favorable à ceux qu’il prétendait défendre, et dans une duplicité étonnante, qui décourage l’implication des entreprises dans cet objectif de campagne. Tout cela pour ménager la susceptibilité de fonctionnaires qui trouvent très bien que les entreprises se réforment et réduisent leur train de vie pour éviter au service public d’en faire de même.

L’opération est un peu fort de café.

Ce qui navre les défenseurs de l’apprentissage, c’est qu’ils savent que cette mesure tient à un réflexe simple : le mépris profond qui suinte des élites de gauche vis-à-vis de l’apprentissage.

Quoi ? Il faudrait travailler pour avoir un diplôme ? Comment, il faudrait envoyer nos enfants dans des entreprises pour apprendre un métier avant d’avoir un emploi ? Mais, ma bonne dame, l’apprentissage, c’est pour les bouchers, ou les tourneurs-fraiseurs, pas pour les gens de nos milieux. Nous, nous sommes de gauche, nous sommes pour le savoir universel, pour les valeurs humanistes, celles où l’on ne se salit pas les doigts et où on échappe à l’aliénation de la classe ouvrière décrite par Marx, parce que nous, Monsieur, on pense le monde et on le change en lisant Bernard Henri-Lévy.

Supprimer l’aide à l’apprentissage, c’est le fait de la gauche Louis-le-Grand, celle qui refuse la télé-surveillance dans les quartiers pauvres, parce que l’on ne flique pas les gens, Monsieur ! Mais qui se calfeutre dans son Quartier Latin à 18.000 euros le mètre carré pour, grâce à la carte scolaire, assurer la prospérité de ses enfants.

Supprimer l’aide à l’apprentissage, c’est, en un geste, le fils Fabius qui triomphe - celui qui ne paie pas d’impôt, mais qui achète un appartement à 28.000 euros le mètre carré. C’est cette morale de la bien-pensance qui nous inflige des leçons d’égalité, mais se garde bien de se les appliquer : parce que la vie, ça commence dans les bons lycées et ça se termine à force de népotisme, de copinage, de conflits d’intérêt, dans les beaux quartiers, entre vacances dans des hôtels de luxe et cocktails dans les hôtels particuliers du faubourg Saint-Germain. Et tant pis pour ceux qui n’ont que la force de leur poignet, de leur jus de crâne ou de leur volonté pour réussir. Ils n’avaient qu’à ne pas être apprentis.

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