"On ne peut pas devenir Français uniquement en respirant l’air français"<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Malika Sorel, "pour devenir français, il faut en avoir la volonté".
Selon Malika Sorel, "pour devenir français, il faut en avoir la volonté".
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Insérer ou intégrer ?

C'est ce mardi 12 avril que le Haut Conseil à l'intégration doit remettre un rapport sur l'immigration au Premier Ministre. Membre de ce Conseil, Malika Sorel porte un regard critique sur la politique d'insertion des immigrés dans la communauté nationale et évoque "le renoncement de nos élites politiques à faire respecter le pacte républicain d’intégration française".

Atlantico : L’intégration française est-elle en panne ?

Malika Sorel : Tout d’abord, il est important de définir les termes, de savoir de quoi l’on parle. Il faut bien distinguer intégration et insertion.

L’insertion correspond à l’obligation faite à chacun de respecter les normes collective de la société française. Cette insertion régresse.

L’intégration, c’est différent. Celle-ci repose entièrement sur le registre moral et affectif : elle consiste à épouser les principes de la société française et à les transmettre à sa propre descendance. Cette intégration passe donc à la fois par la volonté de partager le destin des Français dans le futur et d’assumer le passé de la nation (comme l’a remarquablement développé Ernest Renan).

Toutefois, on ne peut pas imposer à quelqu’un de se sentir affectivement engagé vis-à-vis de la France ! Par conséquent, intégrer n’est guère possible, mais l’on peut et l’on doit insérer les immigrés.

N’existe-t-il pas aussi une confusion sur la définition même de l’immigration ? On parle par exemple « d’immigrés de troisième génération » pour des Français dont les parents étaient eux-mêmes Français ?

Dans l’intégration, il existe deux parties en présence : le migrant qui souhaite être Français et la communauté française qui détermine qui est français ou pas. Tant que la communauté ne perçoit pas le nouvel entrant comme porteur des valeurs françaises, il n’a aucune chance d’être reconnu comme français.

Mais alors est-ce la faute de la communauté nationale ou des immigrés si certains immigrés de troisième génération ne se sentent pas Français ?

Il faudrait un livre pour vous répondre ! Ce que l’on peut dire c’est que les hommes politiques tendent à penser que l’on peut devenir français uniquement en respirant l’air français ! Ce n’est pas suffisant. Pour devenir français, il faut en avoir la volonté. On n’est pas obligé de devenir Français, mais l’on doit respecter les lois françaises. Chaque intégration à la France est une histoire personnelle. Aucune intégration ne peut réussir sans émancipation des personnes de leur groupe de naissance, pour en faire des individus libres de choisir leur propre destin.

La responsabilité fondamentale de la société française c’est de ne pas avoir transmis les codes de la réussite d’insertion dans la société française. Une personne qui ne parvient pas à s’insérer dans la société française ne peut réussir son intégration dans la communauté nationale française. Dans ce contexte, le regard que l’on porte soi-même sur la femme et sur les relations hommes-femmes est décisif. Ce sujet permet de déterminer si l’on est proche ou loin de l’intégration.

Et où en est-on aujourd’hui de l’insertion des immigrés en France ?

L’insertion régresse. Plusieurs éléments l’attestent. On observe ainsi un désengagement à l’école des enfants issus de l’immigration : deux tiers des 150 000 élèves qui sortent chaque année sans diplôme sont issus de l’immigration alors que les moyens qui leur sont consacrés sont considérables.

L’utilisation de la langue française régresse également, beaucoup d’immigrés ne la pratiquent plus ni dans la rue, ni dans leur milieu familial comme c’était le cas auparavant. Ils utilisent souvent la langue de leur pays d’origine. C’est un marqueur identitaire.

Citons également la propagation de la religion utilisée comme marqueur identitaire, les revendications liées à la nourriture à la cantine, le fait de refuser d’aller à la piscine, la contestation des programmes d’histoire des cours sur la Seconde guerre mondiale, notamment sur la Shoah, ... Il existe donc régulièrement des tentatives pour se démarquer.

A quoi attribuez-vous cette évolution ?

Cette évolution est liée au renoncement de nos élites politiques à faire respecter le pacte républicain d’intégration française. Plus les élites insistent sur le besoin de diversité, plus, sur le terrain, cela se traduit par un besoin d’exhiber sa culture et par du communautarisme.

Existe-t-il des différences d’insertion dans la société française selon les pays d’origine des populations immigrées ?

Oui. L’insertion est facilitée si la culture du pays d’origine est proche de la culture française. C’est la raison pour laquelle les migrations intra-européennes ont été facilitées : les héritages grec, chrétien ou encore ceux liés à la Renaissance et à la Révolution créent un terreau culturel favorable.

Regardez comment l’Allemagne et la France parviennent à dépasser leur histoire commune douloureuse, alors que le Maghreb peine à dépasser l’héritage de la colonisation. La proximité culturelle entre la culture française et la culture des immigrés est donc fondamentale dans le décryptage des facilités ou des difficultés d’insertion et d’intégration.

Existe-t-il un problème spécifique avec l’Islam dans cette intégration des immigrés ?

Il existe aujourd’hui beaucoup d’interrogations par rapport au comportement de certains musulmans. Les Français sont inquiets, les sondages le montrent. Ils s’interrogent : les musulmans sont ils capables de s’adapter aux normes françaises ? L’exemple des prières dans la rue, de la question du voile, puis de la burqa, des piscines non-mixtes, de la nourriture halal ou du fait de ne pas vouloir être enterré à côté de Français tend à montrer que c’est un processus difficile pour certains d’entre eux.

Un dernier mot sur Claude Guéant. Que pensez-vous de sa volonté de réduire l’immigration légale ?

J’approuve cette proposition. Enfin, un homme politique qui agit de manière responsable ! C’est être responsable que de vouloir réguler de manière ferme l’immigration. C’est normal de gérer sa maison. Ce qui est anormal c’est lorsqu’un Etat ne maitrise plus la gestion de ses frontières, de la même manière qu’on ne laisserait pas adopter des enfants par des parents qui n’arriveraient pas à instaurer un climat serein au sein de la famille.

Et puis il y a la question du chômage : c’est le patronat qui est intéressé par l’immigration. Le but de la politique doit être d’assurer l’intérêt général et non l’intérêt du patronat.

Sur cette question, comme sur les autres, il me semble que c’est d’un langage de vérité dont la France a besoin aujourd’hui.

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