Google et Facebook, complices ou victimes de la NSA ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Google et Facebook ont reconnu avoir participé sous la contrainte à l’opération de surveillance PRISM de la NSA.
Google et Facebook ont reconnu avoir participé sous la contrainte à l’opération de surveillance PRISM de la NSA.
©Reuters

E-espionnage

D'après les révélations fracassantes du Guardian, les services de renseignements américains récolteraient les relevés téléphoniques aux États-Unis. L'administration Obama a confirmé l'existence d'un programme permettant à la NSA d'accéder aux données issues de Google, Microsoft et Facebook.

Benjamin Bayart et Antoine Chéron

Benjamin Bayart et Antoine Chéron

Benjamin Bayart est expert en télécommunications et président de French Data Network, le plus ancien fournisseur d’accès à Internet en France, encore en exercice.

Il est l'un des pionniers d'Internet en France.

 

Antoine Chéron est avocat associé du cabinet d'avocats ACBM. Avocats au barreau de Paris et de Bruxelles, il est en docteur en droit et chargé d'enseignement à l'Université de Droit de Panthéon-Assas.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Atlantico : Google et Facebook ont reconnu avoir participé sous la contrainte à l’opération de surveillance PRISM de la NSA. Cette annonce suffit-elle à les dédouaner de leurs responsabilité dans cette affaire ?

Benjamin Bayart :Sur le plan juridique, l’opération en question est parfaitement légale aux Etats-Unis. Facebook et Google ont l’obligation de procéder à ces échanges d’information avec la NSA suite aux lois misent en place sous l’ère Bush. Néanmoins, sur le plan moral, cette annonce ne dédouane en rien la responsabilité de ces entreprises. Le fait d’obéir aux ordres sous prétexte qu’ils sont légaux ne dédouane pas de réfléchir a ce que l’ont fait. C’est assez hypocrite de leur part. Ces lois sont objectivement liberticides.

Antoine Chéron : Les utilisateurs des réseaux sociaux et sites communautaires viennent d’apprendre qu’un ensemble d’informations personnelles ont été divulguées aux autorités américaines. Il convient de rappeler que ces informations ont été divulguées dans le cadre d’une procédure judiciaire contrôlée. Les demandes d’informations et de données ont été sollicitées de Google et Facebook par la voie d’ordonnances émanant du Tribunal fédéral compétent en renseignement étranger.

Google et Facebook se sont donc conformés aux demandes des autorités américaines et ont accepté de divulguer ces informations pour leur permettre de poursuivre leurs enquêtes en matière de lutte contre le terrorisme. On peut donc, a priori, considérer que Google et Facebook ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée pour avoir répondu favorablement aux demandes américaines, sauf si les informations qu’elles ont communiquées dépassaient le cadre des enquêtes

Peut-on parler d’hypocrisie de Google et Facebook lorsque ceux-ci ont annoncé souhaiter être autorisés par l’Etat américain à rendre publiques les informations en question pour mettre en lumière le fait que celles-ci ne sont pas aussi sensibles que l’opinion publique l’imagine ?

Benjamin Bayart : Le grand problème est que l’on ne connaîtra jamais qui dit la vérité et qui ment. Si Google et Facebook obtiennent un accord de la NSA pour rendre publiques les données en question ce ne sera évidemment qu’une partie des données et pas sur le reste sans oublier évidemment l’interdiction de dire que tous n’est pas dévoiler. Cette situation est un jeu de dupes. 

Antoine Chéron : La difficulté est de savoir quelle est la nature des informations que Google et Facebook souhaiteraient divulguer. On peut considérer que si Google et Facebook se contentent de divulguer une typologie d’informations qu’ils ont divulgué, alors cela pourra être rendu public sans difficulté. Cependant, si Google et Facebook divulguent le contenu même des informations qu‘ils ont préalablement transmis aux Autorités américaines, alors ils s’exposent à ce que leur responsabilité soit engagée de deux ordres.

D’une part, parce que la divulgation de ces informations serait une violation flagrante au secret de l’enquête. En effet, en révélant ces informations, Google et Facebook révéleraient la teneur des investigations qui ont été faites par les Autorités américaines. D’autre part, la divulgation de ces informations serait également une violation manifeste au droit à la vie privée des utilisateurs. Ainsi, Google et Facebook pourraient être tenus responsables de ces atteintes. 

Google et Facebook pourraient-ils être en train de jouer le rôle des victimes car persuadés qu'ils ne seront jamais autorisés à révéler quoi que ce soit ? 

Benjamin Bayart : Oui sur le fond ils peuvent bien raconter ce qu’ils veulent. Personne n’aura jamais le fin mot de l’histoire sauf dans le cas où la décision viendrait de l’Etat américain. Ils sont obligés de prendre une posture « marketing » pour rendre la situation vaguement acceptable. Ce dont on peut être certain est qu’il n’y a pas cette recherche, que l’on peut observer dans tous les grands groupes, pour protéger au maximum la vie des gens car protéger la vie privée des gens est pour l’entreprise Facebook presque un contresens. Le système Facebook vit du fait que les gens ne protègent pas leur vie privée comme le fait également Google avec la publicité ciblée. Leur fonds de commerce est le fait que vous leur avez vendu votre vie privée.

Antoine Chéron : La position de Google et de Facebook dans cette affaire n’est pas aussi tranchée. Il serait excessif de dire qu’ils sont uniquement complices ou exclusivement victimes de la législation américaineCependant, il convient de garder à l’esprit que ces demandes d’informations et de données ont été sollicitées par la voie d’ordonnances judiciaires dans le respect des dispositions légales américaines. Ce qu’on leur reproche c’est d’avoir divulgué certaines informations aux Autorités américaines. 

La position de Google et de Facebook dépend essentiellement du rôle qu’ils ont tenu dans la divulgation de ces informations, et surtout du respect ou non de la loi américaine et du cadre des ordonnances. D’autre part, la divulgation de ces informations serait également une violation manifeste au droit à la vie privée des utilisateurs. Ainsi, Google et Facebook pourraient être tenu responsables de ces atteintes.

Peut-ont dire que Google et Facebook sont complices ou simplement des victimes de la législation américaine en vigueur, le Patriot Act ?

Benjamin Bayart : A mes yeux Facebook et Google ne sont ni complices ni victimes, ils se sont montrés convenablement obéissants à la loi américaine. La situation est la même lorsque l’on reproche à Yahoo de coopérer avec les autorités chinoises pour localiser des dissidents, on leur reproche la même chose : coopérer avec une puissance publique.

Quels sont les risques de dérives potentiels qui découlent de cette affaire ? 

Antoine Chéron : Le problème mis en exergue par la révélation de cette affaire d’espionnage est de savoir si, sous couvert d‘enquêtes destinées à lutter contre le terrorisme, des dérives n’ont pas été commisesOn peut en effet se demander si le gouvernement américain, en relation étroite avec les opérateurs, n’aurait pas commis un espionnage massif dépassant le strict cadre des enquêtes.

En ayant à l’esprit que des millions de personnes ont des comptes Facebook, Twitter, et des comptes sur les sites communautaires, il est aisé de comprendre que les opérateurs sont en possession de masse de données et d’informations. On peut donc facilement comprendre la volonté des autorités nationales de vouloir avoir accès à ces informations qui leur sont potentiellement appréhendables.

Cette affaire aura le mérite de faire réfléchir une nouvelle fois sur le statut des sites communautaires et les informations sont en leur sein. A terme, il conviendrait peut être de prévoir un statut particulier de ces sites ou moteurs de recherche qui peuvent traiter des données sensibles très convoitées.

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