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Pourquoi renvoyer dos à dos les groupuscules d'extrême droite et d'extrême gauche est absurde
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Editorial

Le décès jeudi dernier de Clément Méric, militant d'extrême gauche agressé par des skinheads à Paris, a pris une dimension très politique.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Il faut faire vite et tout est bon à prendre pour faire tourner la boutique.

Ce sont les grands principes qui semblent avoir régi les comportements face à la mort de Clément Méric, ce militant d’extrême-gauche tué mercredi dernier dans une bagarre avec des skinheads d’extrême-droite. 

Toutes les formations politiques ont réagi avec une grande promptitude, en condamnant unanimement la violence. A gauche comme à droite, on est au moins tombé d’accord pour déplorer la mort d’un jeune homme. Ce sera le seul fugitif moment de consensus, avant que les clivages et les intérêts particuliers ne reprennent aussitôt le dessus.

A gauche, le Parti Socialiste a tout de suite profité de l’occasion pour tenter de fédérer autour d’une cause consensuelle, la lutte contre l’extrême-droite la plus violente, quitte à en rajouter un peu. Moins de 24 heures après les faits, le premier secrétaire du PS Harlem Désir dénonce « l’agression lâche et violente dont un jeune militant de gauche a été victime ». Il n’est pourtant nul besoin de tricher avec les mots ou de s’avancer sur des faits qu’on ne maîtrise pas (encore) bien. Clément Méric est mort, il n’avait pas vingt ans, c’est déjà bien assez dramatique comme ça. Inutile d’essayer de le « récupérer » : Clément Méric n’était pas « un militant de gauche » puisqu’il appartenait à la Confédération Nationale du Travail qui rejette le PS et les partis de droite avec la même virulence. Il faisait aussi partie des « Antifas » dont Harlem Désir sait très bien que leur motivation tient autant du goût pour la violence de rue à l’état pur que de la lutte idéologique antifasciste, puisque son association SOS Racisme avait recruté dans les années 80 les Red Warriors, l’une des premières bandes parisiennes de « chasseurs de skins », pour leur confier les missions de collage nocturnes d’affiches et de « service d’ordre » des manifestations…

Le gouvernement a lui tout de suite saisi l’opportunité de s’offrir une cure de fermeté et de poigne, toujours utile quand la majeure partie de l’opinion publique se demande si ses ministres ont la moindre idée de là où ils vont et de comment ils vont bien pouvoir faire pour y parvenir.

Jean-Marc Ayrault n’a, pas plus que Harlem Désir, eu l’honnêteté de dire que ce drame était pour beaucoup la conséquence de la connerie de jeunes adultes paumés ou exaltés. Avec un vocabulaire auquel il ne nous a pas habitué, le premier ministre appelle à « tailler en pièces  démocratiquement les groupes néonazis ». Il est pourtant légitime de s’interroger sur l’efficacité réelle de la dissolution pour lutter contre ces groupuscules qui, à chaque fois, se créent une nouvelle coquille et se contentent de traverser la rue pour organiser leur congrès dans la cabine téléphonique d’en face. Et si le gouvernement est sincèrement convaincu que cette pseudo solution est la bonne, pourquoi ne l’évoquer qu’aujourd’hui ? Les agressions, les meurtres et les assassinats commis par les skins d’extrême-droite ne datent pas d’hier en France !

Au Front National, Marine Le Pen a réagi plus rapidement que tous, avançant dans son travail de construction de respectabilité de sa formation, en prenant immédiatement ses distances avec les skins nationalistes ou néonazis qui ont longtemps accompagné les défilés et les manifestations du FN à l’époque où son père en avait les clés.

A droite, Jean-François Copé a voulu s’opposer aux tentatives d’amalgame faites par la gauche, dès l’annonce de Clément Méric, entre la violence des skins et la radicalisation de nombreux Français opposés au mariage pour tous et déçus par l’échec de leur combat politique. Le président de l’UMP a appelé à la dissolution des groupuscules d’extrême-droite, à la condition de réserver le même sort à ceux d’extrême-gauche, mettant dans le même panier les différents protagonistes de la bagarre qui a provoqué la mort du jeune homme. Certains y verront peut-être une continuité avec la stratégie du « ni-ni » (ni Front  National, ni Parti Socialiste) initiée par Jean-François Copé lors de la campagne électorale interne à l’UMP l’année dernière… 

Certes, les applications grandeur nature des idéologies de l’extrême-gauche n’ont pas grand-chose à envier à celles de l’extrême-droite. Les atrocités du régime nord-coréen de Kim Jong Il valent bien celles de l’Argentine de Videla ou du Chili de Pinochet et, certes, les redskins ne sont pas en reste quand il s’agit de faire le coup de poing dans la rue.  

Mais en renvoyant dos à dos les groupuscules des deux extrêmes politiques, Jean-François Copé fait mine d’oublier deux réalités. D’abord, qu’en France les groupuscules d’extrême-gauche ne tuent pas, alors que les meurtres et les assassinats commis par ceux d’extrême-droite sont (bien trop) nombreux, ces vingt-cinq dernières années. La différence est d’importance.

Ensuite, qu’il reste une différence idéologique majeure entre le fascisme et ceux qui veulent le combattre, même si - encore une fois - nombre de casseurs de fachos sont mus par la fascination de la violence plus que par de solides convictions politiques. Cela n’empêche pas que les nostalgiques de la cagoule, les héritiers de Pétain ou les descendants des antis Dreyfusards ne sont pas comparables à ceux qui les affrontent, que ce soit par goût de la castagne ou par désir de ne pas lâcher un pouce sur le terrain de la démocratie et de la République. Figure tutélaire de la droite française d’après-guerre, le Général de Gaulle l’avait, en son temps, bien compris.

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