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Vin en canettes : sacrilège ou pas tant que ça ?
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La plus noble des boissons

Une start-up va lancer dans les jours prochain des canettes de vins d'appellation. Entre modernisation de la consommation, incitation à l'achat et dénaturation potentielle du produit, petite analyse d'une idée qui fait déjà débat.

Fabrizio Bucella

Fabrizio Bucella chronique la science et le vin. Docteur en physique et professeur des universités à l'université libre de Bruxelles, il tient une chronique pour Le Point "Le prof en liberté". Chaque semaine, on le retrouve dans le poste de radio et télévision belge de service public (RTBF). Sur les réseaux sociaux, il publie quotidiennement une vidéo ludique sur le vin et la science. Ses comptes sont suivis par plus de 200 000 abonnés.

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Atlantico : La start-up Winestar va prochainement lancer, à destination du grand public, des cannettes de vin avec pour but de séduire une clientèle plus jeune et plus nomade, habituée aux sodas et à la bière. A quoi peut-on attribuer le manque d’attrait du vin pour certaines catégories ? Cette nouvelle offre y remédie-t-elle vraiment ?

Fabrizio Bucella : Il y a une vraie question de savoir si le concept marketing qui se trouve derrière ce produit est totalement pertinent. Les boissons alcoolisées qui séduisent aujourd’hui les jeunes sont un mélange de forme et de fond, de contenant et de contenu, pas uniquement de packaging. Evidemment, la consommation du vin devient plus moderne si elle se fait par le biais d’une canette mais le contenu ne ressemble en rien aux boissons sucrées qui fonctionnent si bien auprès de des cibles visées. Ainsi, le concept de cette marque qui, poussé à l’extrême pourrait consister à commercialiser ces produits dans les boites de nuit, les festivals, etc, aurait plus de chances de fonctionner avec des vins ayant un important taux de sucre résiduel comme les vins de Sauternes ou certains vins alsaciens. Pas avec un vin rouge tannique sec…

Comment cela peut-il modifier l’image du vin ? De tels produits ne risquent-ils pas d’en faire un produit populaire et ainsi d’altérer son image notamment auprès des étrangers ?

Bien entendu le risqué peut être un effet de brouillage de l’image actuelle du vin. Quand il s’agissait de présenter du vin dans des contenants transparents en plastique ou en verre, on conservait une certaine élégance mais la canette métallique peut sembler vraiment mauvaise pour l’ensemble de l’image de l’industrie viticole. Le projet consiste d’ailleurs à vendre dans ces canettes des vins d’appellation plutôt que des vins de pays ou des vins de table. L’impact sur la réputation n’en sera donc que plus grand, proportionnel à la qualité reconnue du vin sera dans la canette. C’est la même logique que lorsque l’on a commencé à modifier les obturateurs en passant des bouchons en liège aux bouchons en plastique. Presque tous les grands vins ont gardé le liège. Peut-être faudrait-il donc réserver les canettes aux vins qui se vendent déjà dans les fontaines à vin ou dans les bag-in-box et conserver pour les vins nobles les bouteilles classiques. Cela dit, la fontaine à vin ne s’achète pas dans les distributeurs automatiques, et les canettes visent donc un autre moment de consommation.

Ce nouveau packaging vous semble-t-il pouvoir conserver la qualité du vin ? Est-il nécessairement réduit à des vins d’une qualité au mieux moyenne ?  

Je ne crois pas qu’il soit possible qu’une canette en métal puisse ne pas altérer le goût ou du moins le plaisir. Au-delà même du vin, tout le monde s’accorde à dire qu’un soda dans une canette en métal est moins agréable à boire qu’un soda dans une bouteille en verre, voire dans du plastique. J’ai donc du mal à croire que les choses puissent être différentes avec un produit autrement plus complexe et noble qu’est le vin. Evidemment, cela est en partie dû à une dimension psychologique, mais on retrouve aussi cela au niveau de la bière et je crois qu’il est donc impossible de nier une modification, même légère du produit.

En « anoblissant » par son contenu un mode de consommation comme celui-ci, ne risque-t-on pas d’encourager une consommation excessive ?

On est clairement là au cœur du débat, le vin et son industrie sont pour la France et l’Italie un marché essentiel – un des premiers secteurs avec un excédent commercial. Il est vrai que ce dernier subit des modifications très fortes des modes de consommation qui deviennent de plus en plus occasionnels. Plutôt que de consommation courant, le vin est devenu lié aux weekends, aux dîners en ville ou aux sorties. De plus en plus rares sont les consommateurs qui boivent un verre de vin à chaque repas, sans excès, par habitude. La société de plus en plus hygiéniste n’y est pas pour rien. Je pense, effectivement, que mettre le vin en canette le rend plus accessible au plus grand nombre. De ce point de vue là c’est certainement positif. Puisqu'un corps a une limite physiologique quant à la quantité de liquide qu'il peut absorber, je préfère que les jeunes boivent du vin, mauvais ou pas, que de la vodka ou de manière générale des alcools plus dangereux pour leur santé. Enfin, si on pousse le raisonnement à l’extrême, cela pourrait être un point d’entrée vers l’univers du vin, produit beaucoup moins industriel et certainement plus noble. Et ça, c’est plutôt une bonne chose. 

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