Nicolas Sarkozy, le seul homme à incarner les quatre droites <!-- --> | Atlantico.fr
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"La droite se compose de plusieurs familles dont chacune met davantage l’accent sur tel ou tel pilier. L’on peut en distinguer quatre aujourd’hui : la droite libérale, la droite gaulliste, la droite morale, et la droite sécuritaire."
"La droite se compose de plusieurs familles dont chacune met davantage l’accent sur tel ou tel pilier. L’on peut en distinguer quatre aujourd’hui : la droite libérale, la droite gaulliste, la droite morale, et la droite sécuritaire."
©Reuters

Bonnes feuilles

L'auteur Thomas Guénolé analyse les raisons pour lesquelles Nicolas Sarkozy reviendra en 2017 avec le costume d'homme providentiel de la droite. Extrait de "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (1/2).

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Pour que sa candidature présidentielle soit plébiscitée dans son camp d’ici 2017, Nicolas Sarkozy dispose d’un atout maître : il est le seul à incarner les idées du « peuple de droite » dans toute leur diversité.

Être de droite, qu’est‑ce que cela signifie ? Quand vous êtes de droite, vous ressentez pour la gauche un rejet viscéral. Pour vous, a priori, un gouvernement de gauche conduira une politique mauvaise pour le pays. Plus un homme politique se revendique de gauche, plus vous lui êtes hostile : par exemple, vous détestez Jean‑Luc Mélenchon. De la même façon, plus un homme politique de gauche se montre ouvert à des positions de droite, plus vous lui êtes favorable : par exemple, vous appréciez Michel Rocard. Mis en demeure de choisir entre un homme politique de droite et son adversaire de gauche, vous choisissez toujours le premier pour faire barrage au second : par exemple, même si Jacques Chirac a pu vous décevoir, vous avez voté pour lui sans hésiter au second tour de 1995, face à Lionel Jospin.

Vous opposez le mérite individuel à l’assistanat. Vous considérez que dans la vie, on s’en sort d’abord par soi‑meme. Vous admettez bien sûr que les écarts de richesse, de culture, de « pistons », créent une inégalité des chances. Vous pensez cependant que chacun peut surmonter ces obstacles par sa détermination, son travail et son talent. Vous n’admettez, donc des aides sociales que si le bénéficiaire le mérite par ses efforts pour s’en sortir, car sinon, c’est de l’assistanat. Par exemple, vous n’êtes favorable à l’indemnisation du chômage qu’en contrepartie de la recherche résolument active, et surveillée, d’un emploi. Vous êtes très favorable aux bourses étudiantes quand elles soutiennent un jeune défavorisé qui s’est montré méritant. Vous estimez indispensable que le travail soit toujours plus rémunérateur que l’indemnisation sociale. Bref, vous êtes défavorable à toute allocation, toute subvention, toute prestation, qui serait accordée sans contrepartie : tout ce qui est octroyé doit être mérité.

Vous jugez le secteur privé performant et le secteur public inefficace. Pour vous, dans l’en semble, les fonctionnaires sont trop nombreux et ne travaillent pas assez. Gestion des ressources humaines, efficacité de la dépense, atteinte des objectifs : vous pensez que l’État manque d’efficacité. Vous estimez qu’il devrait y avoir moins de fonctionnaires, qu’ils abusent du droit de grève, et qu’ils bénéficient de privilèges injustifiés par rapport aux gens qui travaillent dans le privé. Vous trouvez qu’il faudrait supprimer de nombreux règlements, qui sont bureaucratiques. Exception faite de la banque et de la finance depuis la crise de 2007‑2009, vous pensez que le secteur privé, l’initiative individuelle, l’univers de l’entreprise, sont par essence plus efficaces que l’action de l’État et du secteur public. Vous estimez d’ailleurs qu’il faudrait davantage appliquer les méthodes du secteur privé dans le secteur public.

Vous voulez baisser les impôts. Vous comptez en effet sur vous‑meme plutôt que sur la communauté, et vous entendez accumuler des ressources pour vous‑meme, pour vos proches, et le cas échéant pour vos enfants. Vous n’admettez donc les impôts que quand ils servent à soutenir des individus méritants, ce qui rejoint votre souci du mérite individuel, et si l’État gère efficacement cet argent, ce qui rejoint vos convictions sur l’inefficacité du secteur public. Puisque vous jugez qu’il y a à la fois assistanat et gabegie, vous considérez que la pression fiscale est trop élevée. Par parenthèse, vous pensez que prélever le même pourcentage sur tout le monde est plus équitable que des impôts progressifs.

Vous êtes souvent conservateur sur le plan moral. Cela concerne tout ce qui a trait aux moeurs, aux valeurs familiales et à la bioéthique : des sujets souvent appelés « questions de société », expression vague et fourre‑tout. Vous tolérez l’homosexualité : « tolérer », étymologiquement, veut dire « accepter avec souffrance ». Parfois, vous n’allez pas jusqu’à la supporter et vous pensez que c’est quelque chose d’anormal. Vous considérez que la cellule familiale normale se compose d’un homme et d’une femme : non au mariage gay, non à l’adoption pour les couples homosexuels. Vous êtes attaché aux valeurs traditionnelles. Vous adhérez à l’idée qu’elles ont été mises à mal par Mai‑68, avec des conséquences néfastes pour la société tout entière. Vous aimeriez que ces valeurs soient réhabilitées, en particulier l’autorité des parents sur les enfants et celle des maîtres sur les élèves. Vous êtes aussi conservateur en bioéthique : non à la procréation médicalement assistée, non à la gestation pour autrui, non au clonage. Parfois, vous pensez que l’accès à l’avortement devrait être plus restreint.

Vous êtes attaché aux frontières. Cela concerne l’immigration et la construction européenne. Vous pensez qu’il y a trop d’immigrés en France et que le contrôle des flux migratoires devrait être plus rigoureux. Vous adhérez à l’idée que l’immigration est une source de chômage et d’insécurité. Vous êtes favorable à une politique d’immigration par quotas, en fonction des besoins de l’économie française, et pour autant que les emplois ne puissent pas être exercés par des Français. Vous insistez sur le fait que les immigrés fassent un effort d’assimilation pour qu’ils puissent rester sur le sol français, tout en doutant de ce que les musulmans, les Arabes, soient assimilables. Vous pensez en effet que les immigrés arabes ont tendance à vivre à la charge de la communauté, et que leur présence est une source d’insécurité en France. En d’autres termes, votre souci des frontières inclut une frontière culturelle.

Le même souci des frontières vous conduit à être défavorable à la construction européenne. Vous lui préférez une Europe intergouvernementale, levier de puissance pour une France en plus grand. Vous soutenez donc la construction européenne au cas par cas, quand une décision européenne correspond à une idée de droite : par exemple, la « règle d’or » européenne qui interdit à l’État de se surendetter. Vous n’avez donc pas d’apriori favorable aux « Etats‑Unis d’Europe », ce qui vous distingue par exemple d’un électeur centriste.

Enfin, vous êtes attaché à l’ordre, c’est‑a‑dire à la stabilité de la société et à l’existence d’un chef pour la garantir. Il ne s’agit pas de la seule sécurité des biens et des personnes. Certes, vous jugez la répression plus efficace que la prévention, vous soutenez l’idée de durcir les sanctions, et vous pensez que la police doit avoir davantage de moyens et de soutien. Cependant votre souci de la stabilité est plus large. C’est une réticence fondamentale envers les bouleversements économiques et sociaux, exception faite des réformes radicales qui supprimeraient une mesure emblématique de gauche : par exemple les trente‑cinq heures. Pour protéger la stabilité, vous comptez avant tout sur le chef, ce qui rejoint d’ailleurs votre confiance dans l’initiative individuelle. Tout bien considéré, vous êtes fondamentalement bonapartiste : pour vous, la société fait un pas décisif sur le chemin de la résolution de ses problèmes lorsqu’elle a porté à sa tête le bon chef. Il s’agit en définitive de l’idéal de l’homme providentiel, dont l’avatar le plus récent, à droite, fut Nicolas Sarkozy.

Tels sont les « sept piliers » de la droite : le rejet viscéral de la gauche, le mérite individuel opposé à l’assistanat, le secteur privé performant opposé au secteur public inefficace, le souhait de baisser la pression fiscale, le conservatisme moral, les frontières, et l’ordre.

Cela posé, la droite se compose de plusieurs familles dont chacune met davantage l’accent sur tel ou tel pilier. L’on peut en distinguer quatre aujourd’hui : la droite libérale, la droite gaulliste, la droite morale, et la droite sécuritaire. Pour autant, la bataille des idées à droite est rarement une confrontation entre grands blocs homogènes, dans laquelle chaque famille aurait son champion. Elle relève plutôt d’une guerre de positions. À mesure que les hommes politiques s’engagent sur tel ou tel thème, ils marquent des points dans la part de l’électorat de droite qui adhère davantage à une famille, et chez chaque électeur de droite, dans ce qui, en lui, adhère à cette famille. De fait, quand vous êtes de droite, vous n’êtes pas tout d’un bloc membre d’une des quatre familles. Vous adhérez plus ou moins à chacun des sept piliers du socle doctrinal commun, et ce dosage constitue « votre façon à vous » d’être de droite.

Bien sûr, les hommes politiques qui veulent devenir le chef de toute la droite essaient systématiquement d’incarner tout le spectre de la droite. Cela implique à tous coups des contradictions dans leur message politique. Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 1995, Jacques Chirac a tenu en même temps un discours de droite gaulliste sur la fracture sociale et un discours de droite libérale sur son programme économique, d’où la présence simultanée, parmi ses lieutenants, du gaulliste Philippe Séguin et du libéral Alain Madelin.

En définitive, un seul homme politique sous la Ve République sera parvenu, par touches successives, à incarner à la fois et de manière durable les quatre droites : Nicolas Sarkozy.

 Extrait de "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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