Pourquoi la logique juridique du mariage homosexuel rend impossible tout enterrement du débat sur la PMA<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le gouvernement attend l'avis du Comité National d'Ethique sur la PMA.
Le gouvernement attend l'avis du Comité National d'Ethique sur la PMA.
©Reuters

Bon sens

La ministre déléguée chargée de la Famille, Dominique Bertinotti, s'est prononcée mardi pour un report du débat sur la procréation médicalement assistée, en raison d'un "climat" tendu. Le chef de l'Etat, désireux d'apaiser les tensions liées au mariage gay, serait en effet très réservé sur la PMA, qui ne fait pas partie des 60 engagements de campagne.

Jean-René  Binet

Jean-René Binet

Jean-René Binet est professeur de droit privé à l’université de Franche-Comté. Spécialiste réputé des questions de bioéthique, il est auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles relatifs au droit des personnes et de la famille, à la bioéthique et au droit médical, il a dernièrement publié, aux éditions Lextenso Montchrestien un cours de Droit médical en octobre 2010 et La réforme de la loi bioéthique, aux éditions LexisNexis en mars 2012

Voir la bio »

Le Président de la République a annoncé, jeudi 28 mars 2013, que le projet de loi relatif au mariage des personnes de même sexe, alors en débat au Parlement, ne comprendrait pas de dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Cette annonce n'avait guère surpris, cette question ayant été réglée dès l’étape de la discussion en première lecture à l’Assemblée nationale. Toutefois, la question a été renvoyée à la loi sur la famille qui doit être discutée à partir de l’automne et le Comité consultatif national d’éthique a été saisi de la question. Son avis, qui est attendu pour le mois d’octobre, est consultatif. Le moment venu, il faudra donc que le président de la République, le gouvernement et le Parlement décident si, oui ou non, ils souhaitent étendre aux couples de même sexe, l’accès à la PMA.

Sera-t-il dès lors possible de maintenir séparées les questions du mariage des couples de même sexe et leur accès à l’AMP ? Cela semble difficile.

D’abord, la logique du texte actuel est déjà parfaitement liée à l’AMP. Dans son état actuel, le projet de loi étend aux couples de même sexe le bénéfice des dispositions relatives à l’adoption plénière, notamment l’article 345-1 du Code civil qui dispose que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint. Cette situation est typiquement celle dans laquelle se trouve l’enfant conçu, dans le cadre d’un couple de femmes, par AMP réalisée à l’étranger en fraude aux dispositions d’ordre public de la loi française. Dans cette hypothèse, l’enfant voit sa filiation établie à l’égard de celle des deux femmes qui l’a mis au monde. La branche paternelle de sa filiation est vacante en raison de l’anonymat du don de sperme. L’enfant sera donc adoptable au sens de l’article 345-1, 1° du Code civil. Dès lors, quand bien même le projet de loi sur la famille ne remettrait pas en cause l’altérité sexuelle comme condition d’accès à l’AMP, le mécanisme de l’adoption permettra aux couples qui en auront les moyens de contourner l’interdit. Ce constat doit conduire à se poser la question soulevée par la mission parlementaire sur la bioéthique en 2009 : "la fonction protectrice assurée par la loi ne serait-elle pas réduite à néant s’il suffisait de se rendre à l’étranger pour la contourner en étant assuré, à son retour en France, de voir sa situation ‘régularisée’ ? Ce faisant, n’encouragerait-on pas le tourisme procréatif ?" (AN, 2009, Rapport d’information n° 2235, p. 196).

En outre, en encourageant ainsi le tourisme procréatif, la loi créera, nécessairement une situation d’inégalité entre, d’une part, les couples de même sexe pouvant assumer, sur leurs deniers et sans remboursement par l’assurance maladie, le coût de l’insémination réalisée en Belgique ou en Espagne et, d’autre part, ceux qui n’en auront pas les moyens. On sait d’expérience que ce genre d’inégalité n’est pas tenable à terme et pourrait fragiliser le maintien de l’impossibilité d’accès à l’AMP pour les couples de même sexe.

Enfin, on peut aussi estimer que la Cour européenne des droits de l’homme n’acceptera pas que des personnes se trouvant dans des situations juridiques identiques – le mariage – soient traitées différemment. Si les couples hétérosexuels mariés peuvent accéder à la PMA, refuser cet accès aux couples homosexuels mariés pourrait être constitutif d’une discrimination en raison de l’orientation sexuelle.

Note : cet article a déjà été publié le 02/05/2013 sur Atlantico.fr

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !