Faut-il parler des dangers du porno aux enfants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Confier aux enseignants cette tâche, c’est prendre le risque d’érotiser la relation maître/élève."
"Confier aux enseignants cette tâche, c’est prendre le risque d’érotiser la relation maître/élève."
©Reuters

Prévention

Selon les résultats d'un sondage auprès de parents britanniques, 83 % d'entre eux souhaitent que les dangers du porno sur Internet soient abordés à l'école.

Jean-Pierre Winter

Jean-Pierre Winter

Jean-Pierre Winter est psychanalyste. Il a notamment écrit  "Il n'est jamais trop tard pour choisir la psychanalyse" (La Martinière), "Les errants de la chair" (Calmann-Lévy) et  "Les images, les morts, le corps, entretien avec Françoise Dolto" (Gallimard). 

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Atlantico : Un sondage auprès de parents britanniques souligne que 83 % d'entre eux souhaitent que la question des dangers du porno sur internet soit abordée à l'école. Selon vous, faut-il sensibiliser les enfants aux dangers de la pornographie 

Jean-Pierre Winter : Décidément les parents britanniques connaissent comme beaucoup d’autres sur le continent, l’art de la défausse. Au point de demander à l’institution scolaire de prendre en charge ce qui est une de leurs inaliénables prérogatives : PARLER avec leur enfant du monde comme il va , de ses beautés et de ses cruautés. Confier aux enseignants cette tâche c’est prendre le risque d’érotiser la relation maître/élève ; ce qui a souvent pour effet  d’inhiber le rapport au savoir de beaucoup d’enfants. Depuis longtemps les psychanalystes ont fait remarquer que la rencontre prématurée avec les questions sexuelles est traumatique. Il est difficile de s’en apercevoir parce-qu’un trauma ne produit d’éventuels symptômes que longtemps après l’intrusion d’une perception trop précoce pour le psychisme en formation d’un tout jeune enfant. C’est cette difficulté ignorée qui autorise certains éducateurs à penser et à dire qu’on peut parler de pornographie sans inconvénients dès l’école primaire. Or ce qui est entendu peut être aussi perturbant que ce qui est vu.

Est-il préférable d'intégrer la prévention des dangers de la pornographie dans les cours d'éducation sexuelle ? Ou bien est-ce le rôle des parents ? 

De ce point de vue cette rencontre avec le réel sexuel est toujours plus ou moins traumatique, c’est- à-dire prématurée, mais est –il au pouvoir des instituteurs d’en préserver les enfants ? Je le pense d’autant moins que pour chaque enfant cette rencontre est par définition imprévisible et singulière. Et, comme le disait le poète : « la réponse est le malheur de la question » . J’ajouterai : « quand elle est unique pour des questions multiples ».

C’est à l’aide des termes même où chaque enfant pose ses questions qu’il faut lui proposer des réponses adaptées à son âge. Ce qui n’interdit pas de protéger sa pudeur en ne lui facilitant pas l’accès à internet ou aux films X des chaînes privées qui le prennent en otage dans des buts commerciaux.

Peut-il y avoir des risques de "sur-prévention" ? Lesquels ? 

Comme il n’y a pas de vérité universelle concernant la sexualité humaine prétendre faire de la « prévention » confine le plus souvent à formater les esprits conformément à des convictions religieuses ou politiques autoproclamées d’avant-garde ou dénoncées comme réactionnaires.

Reste la question de savoir ce qui est pornographique –pour un enfant en bas-âge . Sans entrer dans les querelles morales et esthétiques sur la différence entre le pornographique et l’érotique il semble évident que tout ce qui décontextualise et dépoétise ce qu’un enfant peut imaginer des liens d’amours entre les humains sera perçu par lui comme activité déshumanisante et pourtant idéalisée et donc sur-moïquement contraignante. Là réside le véritable danger qu’il est désormais loisible de constater jour après jour dans nombre de consultations avec des adolescents.

La prévention trop précoce dans un cadre institutionnel  risque fort de fonctionner comme un catéchisme à l’envers qui rendrait désirable ce dont elle voudrait préserver nos enfants. ; lesquels sont déjà bien assez occupées avec les développements de leur propre sensualité et sexualité en devenir pour ne pas avoir à s’imposer demain –et à leur insu- un culte de la performance qui ne pourra que les humilier.

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