Comment la France a perdu la guerre des drones<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a déclaré que "la France a raté le rendez-vous des drones".
Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a déclaré que "la France a raté le rendez-vous des drones".
©Reuters

Un avion de retard

Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian vient d'annoncer l'achat de drones américains de surveillance par la France. Achat que le PDG de Dassault Aviation déplore dans un communiqué : selon lui, les industriels européens ont les moyens technologiques d'en fabriquer. Retour sur l'échec français de la guerre des drones.

Etienne Copel

Etienne Copel

Étienne Copel est un général de brigade aérienne de l'armée de l'air française. Il fit une brillante carrière d'officier et a été en 1981 le plus jeune général français en exercice. Il fut l'un des trois pilotes d'avion de chasse qui ont effectué le largage d'une bombe atomique pour des essais à Moruroa en 1973. Il se rendit célèbre en 1984 en démissionnant de son poste de sous-chef d'état-major de l'armée de l'air afin de pouvoir exprimer librement sa conception de la politique de défense de la France et publier son premier livre.

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Atlantico : Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a déclaré ce week-end que "la France a raté le rendez-vous des drones". Cette affirmation est-elle, selon vous, exacte ? Dans quelle mesure ?

Etienne Copel : Il est tout à fait exact que les drones dont dispose l'armée française sont très insuffisants. Il n'y a que 3 drones Harfang dont les performances sont médiocres, même si elles correspondent bien au cahier des charges. Les insuffisances concernent essentiellement l'absence de précision des capteurs et la faiblesse de la vitesse de vol ( voisine de 150 km/h ) qui ne permet pas des mises en place rapides.

Comment peut-on l'expliquer ? A quel(s) niveau(x) y a-t-il eu des manquements ?

Il faut bien reconnaître que pendant longtemps les drones étaient mal considérés par l'armée de l'air qui expliquait que seuls de  "vrais" pilotes au coeur de l'action pouvaient être efficaces et sûrs. Le risque de bavures expliquait en particulier qu'aucune demande n'était faite à l'industrie pour des drones armés. Ensuite, quand les succès des drones américains en Irak et en Afghanistan ont été flagrants, le manque de coordination entre les entreprises européennes et les responsables de l'UE a conduit à une regrettable dispersion des projets et à l'absence de réalisation concrète. On peut noter aussi que la décision des Britanniques d'acheter sans attendre 10 Predator américains n'a pas facilité la formation de projets communs ... mais il est difficile de contester que d'un simple point de vue de l'efficacité opérationnelle nos amis d'Outre-manche n'ont pas eu tellement tort !

Quelles sont les conséquences actuelles de ce manque de vision stratégique ? Et sur le long terme ? 

Actuellement la France n'a pas la possibilité d'assurer rapidement une couverture précise de renseignement sur des zones comme le Nord Mali. On peut supposer que si elle avait disposé dès le début du conflit de drones de la qualité des Predator américains les djihadistes n'auraient pas pu disparaître aussi facilement que certains d'entre eux semblent l'avoir fait. Peut-être même aurait-on pu identifier et suivre les preneurs d'otages. A moyen terme, il faut souhaiter que les efforts de Monsieur Le Drian pour obtenir des Predator américains se concrétiseront rapidement. Leur utilisation par l'armée française sera en particulier fort utile pour définir les spécifications précises de nos futurs drones.

Jean-Yves le Drian a évoqué la possibilité de développer au niveau européen des drones d'une nouvelle génération, et ce afin de "construire l'Europe de la Défense". Bien que réclamée par de nombreux pays, elle semble difficile à mettre en place. Est-ce une ambition crédible ? Les drones pourraient-ils vraiment être un point essentiel de cette construction ? 

Jean-Yves le Drian a, bien sûr, totalement raison. Si l'on ne réussit pas, en Europe, à construire des  drones  en commun on va, encore une fois, se ruiner. L'exemple des trois avions de combat supersoniques ( Rafale, Typhoon, Gripen) qui se font concurrence et interdisent des séries significatives est là pour le rappeler.

Les habitudes de concurrence entre les différents industriels européens qui poussent leurs responsables politiques à privilégier les solutions nationales ne facilitent pas les choses. Mais l'exemple de l'Airbus A 400 M montre que l'on peut y arriver ... avec parfois un peu de retards dans le céveloppement! La construction de l'Europe de la Défense reste actuellement embryonnaire. Une des raisons est l'absence de moyens accordés à l'Agence Européenne de Défense (AED) qui n'a pas la possibilité de lancer seule ne serait-ce que des études de faisabilité. Il faut souhaiter que les responsables politiques européens comprennent vite que donner des ressources significatives à l'Agence constitue non pas une dépense mais une source d'économies. L'absence d'Europe de la Défense est une catastrophe économique et ...opérationnelle.

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