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1er mai, fête du travail mais les travailleurs français peuvent-ils vraiment se satisfaire de leurs syndicats ?
©Reuters

Mafia rouge

Les syndicats défilent ce 1er mai en ordre dispersé. Après cinq ans de défilés unitaires sous Sarkozy, le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, définitivement adopté au Parlement le 14 mai, a eu raison de l'unité de la CGT et de la CFDT. La mobilisation s'annonce faible alors que l'image des syndicats a été écornée par une série de scandales ces dernières années.

Dominique Andolfatto,Anne-Sophie David et Nicolas Perruchot

Dominique Andolfatto,Anne-Sophie David et Nicolas Perruchot

Dominique Andolfatto est professeur de science politique à l’université de Bourgogne et un chercheur spécialiste du syndicalisme. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le thème, le dernier Sociologie des syndicats écrit en collaboration avec Dominique Labbé est paru en 2011 aux Editions La Découverte.

Anne-Sophie David est journaliste au « Nouvel Economiste ». Elle est co-auteur avec Benoît Broignard du livre « Syndicats filous, salariés floués » Max Milo éditions (2012).

Nicolas Perruchot est membre de l'UMP, ancien député et maire de Blois (2001-2008).

Il a dirigé une commission d'enquête parlementaire sur le financement des syndicats. Son rapport, pour la première fois dans l'histoire de la Ve république, n'a pas été publié.

 

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Atlantico : Après cinq ans de défilés unitaires sous Sarkozy, les syndicats vont défiler le 1er mai en ordre dispersé. Le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, définitivement adopté au Parlement le 14 mai, a eu raison de l'unité de la CGT et de la CFDT. Ce 1er mai contrastera avec celui de 2012 où, à cinq jours du deuxième tour de la présidentielle, des centaines de milliers de salariés (entre 300 000 et 750 000) étaient descendus dans la rue pour dire non à Nicolas Sarkozy. « Ma crainte c'est que le Front national mobilise plus que les syndicats de salariés » s'est même inquiété, selon le Monde, le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon. Cette situation traduit-elle une faiblesse historique des syndicats français ? En matière de représentativité syndicale, la France est-elle une exception en Europe ?  

Nicolas Perruchot : Je ne crois que ce soit la situation actuelle qui explique les difficultés des syndicats à faire adhérer les salariés. Au contraire. La loi sur la sécurisation devrait être un facteur d’adhésion pour les salariés. Mais il n’en n’est rien. Les syndicats pâtissent tout à la fois de leur image, très négative aux yeux d’une grande majorité des salariés, et de leur grande difficulté à s’entendre pour proposer des réponses aux problèmes du chômage de masse que la France connaît.

La France n’est pas seulement une exception en Europe. En matière de représentativité syndicale nous sommes les derniers des 34 pays membres de l’OCDE, avec un taux de représentativité de 8%. Depuis les années 50, on a divisé par quatre le nombre de salariés syndiqués dans notre pays. Le paradoxe c’est que la perte d’adhérents n’a pas signifié une perte d’influence. Bien au contraire.

Dominique Andolfatto :Il est vrai que la France a le taux de syndicalisation le plus faible des pays occidentaux. Mais cela ne signifie pas pour autant que les syndicats soient sans ressources. Là où ils sont implantés, les syndicats sont généralement redoutés (en raison des pouvoirs – juridiques notamment – dont ils disposent et de leur capacité à animer l’action collective). Ce qui explique une particularité du syndicalisme français : les employeurs contribuent largement à son financement (ce qui, au passage, est tout à fait légal dès lors qu’il n’y a pas de discrimination entre organisations syndicales de la part de l’employeur). Si cela traduit une solide reconnaissance du fait syndical et de la nécessité du dialogue social, dont les syndicats sont évidemment un acteur-clé, on ne peut s’empêcher de penser que, parfois, il peut s’agir aussi d’acheter la paix sociale. Un ancien responsable syndical de la CFDT de Sanofi en témoignait publiquement ces derniers jours.

Anne-Sophie David : La crainte du nouveau leader de la CGT est fondée car les nombreuses dissensions continuent de gangréner les syndicats de salariés et cela risque de se voir dans la rue aujourd’hui !  Ce nouveau défilé sera aussi l’occasion, une fois n’est pas coutume, d’une nouvelle guerre de chiffres entre les syndicats, la police et le Front National… Mais le vrai sujet c’est la crise qui se durcie, le climat social qui se tend, les fermetures d’usines et dépôts de bilan qui se multiplient, une situation gravissime face à laquelle de telles dissensions n’ont plus leur place. Mais le problème est toujours le même : leur manque de représentativité pour peser dans la société. La preuve : depuis plus de 15 ans, tous les grands combats sociaux ont tourné au profit du gouvernement et du patronat. Un bilan accablant qui devrait inviter chacun à s’interroger sur l’utilité et l’avenir du syndicalisme dans notre pays.

Oui en matière de représentativité syndicale la France est un exception.  A peine 8% des salariés français sont syndiqués. Comparé à nos voisins, il s’agit là du pire taux d’Europe qui place la France sous la Lituanie ! La question de la représentativité syndicale est en effet centrale. Rappelons au passage que ces 8% ne concernent que les salariés et non toutes les personnes ayant un emploi : les personnes en CDD, intérimaires et stagiaires ne sont pas représentées par les centrales syndicales. Donc, en réalité, les syndicats ne représentent qu’environ 4% de l’ensemble des travailleurs... Pourtant ce sont ces mêmes syndicats qui initient grève sur grève dans les services publics, qui sont associés et décideurs dans toutes les grandes instances régissant le travail et la vie sociale en France et qui cogèrent, à parité avec le patronat, les caisses nationales d’assurance-maladie, caisses d’allocations familiales, Pôle-Emploi, prud’hommes, formation professionnelle…

Comment expliquer que les jeunes se tournent de moins en moins vers les syndicats ? D'où vient le déficit d'image dont ils souffrent aujourd'hui ?

Dominique Andolfatto : Les plus jeunes ne se retrouvent pas dans l’histoire ouvrière – ou syndicale – du 20e siècle, dans une certaine mémoire, qui reste donc l’affaire des plus anciens. Pour l’essentiel, le syndicalisme est devenu en effet une affaire de quadras ou de quinquas. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de jeunes. Quelque 6 ou 7% de moins de 30 ans selon les données – rares – dont on peut disposer. Lors de son dernier congrès, en mars 2013, la CGT a revendiqué 15% d’adhérents de moins de 35 ans. Les 60 ans et plus sont plus nombreux (17%). Mais l’essentiel des troupes est constitué des 35-60 ans (68%).

Outre la question de la mémoire, on peut formuler d’autres explications à cette « rencontre » difficile des syndicats avec les salariés les plus jeunes (même si les syndicats soutiennent que les choses seraient en train de changer). Le syndicalisme est bien souvent devenu une affaire d’ « insider », c’est-à-dire de salariés en CDI, bien intégrés, assez bien protégés, ce qui est particulièrement appréciable dans la conjoncture actuelle. Tel n’est pas le cas des plus jeunes, « outsiders » dans le système pour emprunter un terme au célèbre sociologue américain Howard Becker. Et tant que leur condition n’évolue pas, ils ont de la peine à se faire une place dans les organisations syndicales… sauf à n’être que des faire-valoir, des cautions… le pouvoir demeurant dans les mains de salariés plus expérimentés et souvent issus du secteur public.

Nicolas Perruchot :Répondre à cette question revient à en poser une autre : à quoi servent les syndicats aujourd’hui ? Le syndicalisme français est un syndicalisme militant et très politisé. Au contraire du syndicalisme de service développé en Europe du Nord, les syndicats français, dont le rôle essentiel est de faire vivre le dialogue social, interviennent sur des sujets très divers : la guerre au Mali, le conflit israélo-palestinien, le printemps arabe, etc… Ils s’opposent aussi fortement aux politiques de relance du FMI en Europe, qui impose la rigueur budgétaire pourtant nécessaire. Leurs seuls mots d’ordre pour répondre aux difficultés actuelles sont l’appropriation des outils de production, et la nationalisation des secteurs en tension. Des solutions qui ne font pas rêver les jeunes d’aujourd’hui !!

Anne-Sophie David : Depuis une dizaine d’années, les centrales syndicales sont confrontées à un nouveau problème : « le péril jeune ». Selon nos estimations basées sur les chiffres de l’INSEE, près de la moitié de leurs adhérents sont âgés de plus de 50 ans et à peine 10 % ont moins de 30 ans. Pourtant, l’adhésion des jeunes est un sujet crucial pour enrayer le déclin du syndicalisme et pour renouveler leurs effectifs. Mais les jeunes ne se reconnaissent pas dans les structures historiques, figées dans une idéologie de plus en plus dépassée. Résultat : ils créent leur propres structures, se fédèrent sur Internet ou se regroupent autour d’un objectif. Exemple avec le collectif Génération Précaire qui s’est fait connaître en 2005 en portant des masques blancs pour dénoncer l’exploitation des stagiaires et surtout en s’invitant à l’intérieur de manifestations provoquant la colère des syndicats contraints alors de partager l’affiche face aux médias…


En quoi les scandales de la "caisse noire" de la branche la plus puissante du Medef, l'UIMM (l'Union des industries et des métiers de la métallurgie), ou plus récemment celui du château de la CGT ont joué un rôle dans la décrédibilisation des syndicats ?

Anne-Sophie David : Ces scandales ont fait beaucoup de mal au patronat et aux syndicats. La rumeur de la caisse noire de l’UIMM est une véritable bombe à fragmentation car elle continue, encore aujourd’hui, à avoir des répercutions et pose de nombreuses questions quant à l’intégrité de telles structures. Dans le contexte actuel, les salariés ont du mal à concevoir que d’importantes sommes d’argent ou avantages en nature puissent être le quotidien de ceux censés les défendre. Ces soupçons et nombreuses rumeurs, qu’elles soient fondées ou non, sont catastrophiques en termes d’image et contribuent à alimenter un sentiment de défiance déjà très fort.

Dominique Andolfatto : Je ne sais si on peut parler de « décrédibilisation » des syndicats. Le fait est qu’ils ont peu d’adhérents. Mais, dans les entreprises, une bonne moitié des salariés s’expriment en faveur de listes syndicales lors des élections professionnelles. De même, les enquêtes d’opinion témoignent régulièrement qu’une moitié – ça oscille un peu selon les années – des salariés leur font confiance pour défendre leurs intérêts. Les syndicats ne sont donc pas si isolés que ça même si les organisations sont plus étriquées qu’autrefois. Elles sont en fait devenues l’affaire de « professionnels » qui, d’ailleurs, ne font pas du recrutement d’adhérents une priorité. Naturellement, les affaires de financements opaques, la corruption éventuelle de certains leaders, ne peuvent que nuire à cette image plutôt positive. Mais, de ce point de vue, les syndicats n’ont hélas pas un monopole… On ne peut non plus soutenir que tous seraient corrompus.

Nicolas Perruchot :L’affaire de l’UIMM a mis en lumière les pratiques liées à l’achat de la paix sociale dans notre pays. Que le patronat de l’époque se soit fait prendre à sortir près de vingt millions d’euros pour « fluidifier le dialogue social » est évidemment un événement majeur. Espérons que la justice puisse nous en dire plus sur ces pratiques si particulières. Dans le même temps on découvre que la CGT, via ses plus gros comités d’entreprise, mènent la vie de château !! Ces deux évènements, et on pourrait en citer beaucoup d’autres, démontrent que l’argent est devenu un paramètre essentiel dans les rapports entre partenaires sociaux. A l’heure où les salariés, les ménages, et les entreprises doivent faire attention à chaque euro dépensé, cela fait évidemment tâche…

Le rapport Perruchot visait à faire la lumière sur les finances encore très opaques des syndicats tant ouvriers que patronaux ? Quelles étaient les principales révélations de ce rapport ? Comment expliquer qu'il ait été enterré ?

Dominique Andolfatto : Ce rapport a permis d’évaluer assez précisément – compte tenu de l’opacité qui perdure - le coût du syndicalisme : environ 4 milliards d’euros soit, comme un chiffre absolu ne veut pas dire grand-chose, 0,15% du PIB. C’est à la fois beaucoup et, finalement, pas beaucoup si c’est le prix pour avoir de bonne relations sociales. Mais sont-elles bonnes ? Peut-on parler d’une performance sociale des entreprises françaises, ce qui permettrait d’attirer des investisseurs et donnerait une certaine image positive aux produits français… On a envie de dire : peut (beaucoup) mieux faire ! Même si cette « performance » est très variable d’une entreprise à l’autre.

Nicolas Perruchot : Le rapport a été interdit de publication sur ordre. Cela démontre que dans notre pays, parler de l’argent des syndicats est un sujet qui dérange, y compris au sommet de l’Etat. C’est la raison pour laquelle il faut continuer le combat pour la transparence dans ce secteur. C’était le sens des 29 propositions faites à l’époque qui visait à la fois à conforter le rôle des partenaires sociaux, en les rendant plus indépendants financièrement. C’est aussi dans ce sens que j’ai souhaité faire adopter une loi sur le renforcement du contrôle des comptes des plus gros comités d’entreprise. Cette loi a été adoptée en janvier 2012 par l’Assemblée nationale. Elle est depuis bloquée au Sénat !!

Anne-Sophie David : L’enterrement prématuré du Rapport Perruchot en novembre 2011 soulève de nombreuses questions car le message envoyé par une telle censure est forcément un coup dur pour la démocratie. Nous avons rencontré le député centriste Nicolas Perruchot pour les besoins de notre livre, peu de temps après ce coup de théâtre. Il nous a expliqué que quelques heures avant le vote à l’Assemblée Nationale visant à faire la lumière sur le financement des organisations syndicales, le président du groupe UMP, Christian Jacob, était intervenu pour que les députés ne votent pas ! Une décision que ce dernier n’aurait pas pris seul selon le député…Que raconte ce rapport ? Il lève le voile, entre autres, sur le patrimoine des syndicats qui seraient des organisations capitalistiques très développées… 

L'État participe-t-il à un jeu de rôle avec des apparatchiks syndicaux qui ne représentent pas grand-chose ? Ce jeu de rôle existe-t-il depuis toujours ?

Anne-Sophie David : On peut en effet se poser la question car aucun gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, n’a souhaité prendre à bras le corps le problème et réformer le système syndical. Pourquoi ? Pourquoi jusqu’en 2008, les organisations syndicales étaient les seules organisations en France à jouir d’un statut particulier leur permettant de ne pas publier leurs comptes ? Pourquoi, depuis cette date, si une loi les oblige désormais à le faire, aucune sanction n’est prévue pour ceux qui ne le font pas ou communiquent des informations trop succinctes ?

Dominique Andolfatto : On peut effectivement parler d’une sorte de « jeu de rôle » qui est loin d’être nouveau… et l’actuel président a même lancé une révision de la constitution pour le « constitutionnaliser ». Ce sera sans doute une première… En fait, les leaders syndicaux n’étaient pas demandeurs… et, dans les autres pays, le « jeu de rôle » est circonscrit à l’entreprise ou à la branche d’activité et n’intéresse pas directement l’Etat (mais uniquement les syndicats et les employeurs). En France, de longue date, l’Etat s’est imposé comme un arbitre et même comme un acteur des relations sociales. On peut y voir un héritage du jacobinisme et d’une certaine défiance à l’égard de la société civile.

Nicolas Perruchot : Non. Avant le jeu de rôle il y a eu le temps des luttes. Nous avons tous en tête 1936, et les grandes grèves de l’époque. Le jeu de rôle, qui correspond à peu près à l’époque des premières dérives de certains syndicats, s’est développé selon moi à partir du milieu des années 70. L’Etat avait depuis longtemps décidait d’acheter la paix sociale, considérant que cela coûterait moins cher à notre pays que de financer des avancées sociales. Cela a conduit à un triple échec : social, budgétaire et sociétal. Nos salariés travaillent peu et gagnent moins, l’Etat, surendetté, continue à subventionner les partenaires sociaux, et les citoyens cherchent, dans la contestation de rue, des moyens pour changer la société. Même si les syndicats ne sont pas responsables de tous nos maux, ils n’apparaissent pas aujourd’hui en capacité de proposer des solutions équilibrées. Ils sont devenus trop corporatistes, car recroquevillés sur la sphère publique. Trop dépendants de l’Etat qui leur alloue des moyens  considérables mais entretient leur faible représentativité. Il faudra aussi, pour les plus radicaux d’entre eux, accepter de mettre à la poubelle les posters du « Ché » ou les « murs de cons », qui recèlent un dangereux mélange des genres. Prôner la lutte, légitimer la violence ne feront qu’affaiblir notre république.


François Hollande affiche son intention de mettre le dialogue social au cœur de ses réformes. Etant donné l'état dans lequel se trouvent les syndicats, cela vous semble-t-il souhaitable et réaliste ? Que penser en effet de l'attitude de la CGT lors des négociations sur la sécurisation de l’emploi ?

Nicolas Perruchot : Il faut arrêter la course à la radicalisation. La CGT court après SUD. La CFDT a longtemps couru après la CGT. Pour finalement accepter certaines réformes. La réalité est plus politique qu’il n’y paraît. La CGT est proche, voir liée, au Front de Gauche. La CFDT est un allié objectif du Parti Socialiste. La rupture entre CGT et CFDT est à mettre en parallèle avec celle entre PS et Front de Gauche. François Hollande a tenté d’amadouer les uns avec la loi sur l’amnistie sociale, et s’est appuyé sur les autres pour avancer sur la sécurisation de l’emploi. Plutôt que de clarifier les liens de l’Etat avec les partenaires sociaux, il a au contraire réussit à les monter les uns contre les autres. Plus encore que l’attitude de la CGT, c’est celle du Président de la République qui est à blâmer. Car il n’y aucun cap pour les partenaires sociaux.

Dominique Andolfatto : F. Hollande, comme évoqué ci-dessus, veut « constitutionnaliser » la loi Larcher de 2007 qui oblige, dès lors qu’il est question d’une réforme intéressant le travail, d’organiser une négociation préalable entre organisations syndicales et organisations d’employeurs puis de tenir compte de l’accord éventuel qui interviendrait entre elles selon le sujet qui est concerné. Il existait déjà une loi. Est-ce bien nécessaire de la « constitutionnaliser » ? On peut en douter et on ne voit pas ce qui sera nouveau. Mais, en France, on aime bien fabriquer des lois et, pour une partie des élites politiques, réviser la constitution est comme une sorte de summum.

Quant à l’accord sur la « sécurisation de l’emploi et la compétitivité », on pouvait prévoir que la CGT ne signerait pas… ne serait-ce que pour des raisons d’ordre interne. Cela aurait ouvert une crise entre la direction et les équipes de base de la CGT, très largement fidèle au syndicalisme contestataire. En outre, dès lors que trois autres syndicats signaient et que l’accord allait entrer en vigueur, la CGT pouvait se dispenser de le faire, confirmant son positionnement contestataire… ce qui n’empêche pas – semble-t-il – certaines équipes de base de signer des accords qui reprennent l’esprit de l’accord national du 11 janvier 2013, comme récemment chez Bosch… Le positionnement de la CGT, et les raisons de celui-ci, sont en fait plus complexes qu’ils n’en ont l’air…

Anne-Sophie David : Remettre les syndicats face à leurs responsabilités est une bonne chose. Reste à voir les résultats. La CGT mais pas seulement car FO s’est également prononcé contre le texte en appelant à des manifestations et grèves. Si le texte n’est pas parfait, ce qui est très dommage, et ce qu’attendaient d’ailleurs les salariés syndiqués, c’est que la CGT s’exprime davantage sur le sujet pour faire des contre-propositions et ne se contente pas uniquement d’être contre.

Comment faire évoluer les mentalités et les pratiques sur ces questions ?


Dominique Andolfatto : Toute évolution est par nature lente. Et il faut se méfier des révolutions ou accélérations – pour emprunter un terme plus neutre - qui, souvent, peuvent conduire à de brutaux retours en arrière… Cela dit, pour faire évoluer les mentalités, il faut maintenant démontrer le bien-fondé des accords qui sont signés (et pas seulement celui du 11 janvier dernier). Il faut assurer ce qui serait le service après-vente des accords, convaincre les salariés qu’ils permettent de sortir de la crise et, si possible, d’en sortir par le haut…

Nicolas Perruchot :Plutôt que de demander aux syndicats de dire ce qui est bon pour les salariés, il faudrait sans doute faire l’inverse : demander aux salariés ce qu’ils attendent des syndicats. Il faudrait aussi bien entendu supprimer les financements publics pour avoir des partenaires sociaux autonomes vis à vis de l’Etat. Enfin il faudrait proscrire le fait de pouvoir acheter la paix sociale. Cette interdiction passerait par des règles éthiques strictes, opposables pour les salariés. Pour arriver à tout cela, il faudra avant tout, une bonne dose de courage politique. Car c’est le secteur le plus difficile à réformer dans notre pays.

Anne-Sophie David : Il faut une remise à plat car le système tel qu’il est aujourd’hui ne fonctionne plus. A défaut de parvenir à inverser la courbe du chômage, il est en revanche peut être possible d’inverser la tendance du « toujours moins » - moins de syndiqués, de confiance, de légitimité, de poids dans la société - pour tendre vers un « plus », plus de transparence, d’indépendance, de responsabilités et d’adhérents. Pour cela, il faut réformer le système.

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