Laïcité : le contresens de la société française<!-- --> | Atlantico.fr
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Lamarck devant le minaret de la mosquée de Paris.
Lamarck devant le minaret de la mosquée de Paris.
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Liberté religieuse

Alors que le débat sur la laïcité fait rage, il convient de sortir des idées reçues : le respect de la laïcité n'empêche pas la manifestation publique de convictions religieuses.

Béatrice Durand

Béatrice Durand

Béatrice Durand est enseignante et écrivain.

Elle vit depuis 1990 à Berlin et possède la double nationalité française et allemande.

Elle est notamment l’auteur d’ un essai sur le quotidien allemand, Cousins par alliance. Les Allemands en notre miroir (Autrement, 2002) et, récemment, d’une critique du discours républicain français La Nouvelle Idéologie française (Stock, 2010).

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Les commentaires indignés suscités par les prières de rue l'avaient déjà montrés. Le débat actuel l'illustre à nouveau : toute la société française commet un contresens à propos de la définition de la laïcité. On croit savoir que toute manifestation religieuse dans la sphère publique est une entorse à la laïcité, car la laïcité enjoindrait de cantonner les pratiques et les signes religieux à la sphère privée.

L’expression publique des convictions est pourtant un élément essentiel de la liberté de conscience, telle qu’elle est définie par la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Or on fait comme si c’était la visibilité de cette manifestation à contenu religieux qui était en elle-même répréhensible.

Ce que montre l'exemple des prières de rue

Si c’était le cas, il faudrait interdire aussi les pèlerinages et les processions, et tout rassemblement à thème religieux. Et, tant qu’on y est, tout rassemblement dans lequel s’expriment des « convictions », quelles qu’elles soient. Adieu manifs, sit-in divers et variés, Christopher Street Day Parade, randonnées de rollers, raves, concerts pop…

Tout rassemblement dans l’espace public est soumis à réglementation et donc susceptible d’être interdit ou limité. Mais pas parce qu’il est religieux. Dans le cas des prières de rue, par exemple, ce qui pose problème est simplement le fait que ces prières troublent l’ordre public, seule limite reconnue par la loi à la manifestation publique des convictions et à l’exercice des cultes. S’il y a lieu de les interdire – ou de les réglementer ou de faire en sorte qu’elles ne soient plus nécessaires parce que les musulmans auraient suffisamment de lieux de prière adaptés – c’est donc parce qu’elles bloquent la rue, ce qui limite la jouissance de l’espace commun pour les autres usagers.

Tout se passe comme si la société française définissait la laïcité par l’invisibilité des religions et faisait de toute pratique ou signe d’appartenance « visible » le critère d’une entorse à la laïcité. C’est un critère absurde. Et c’est toute une société, ses politiques, ses intellectuels, son opinion publique qui se trompent.

But de la laïcité : permettre le pluralisme religieux de la société

L’erreur est juridique, car aucune loi en France n’interdit de « manifester publiquement ses convictions » ou de pratiquer une religion de manière visible. La laïcité, c’est la neutralité de l’État en matière religieuse, pas le bannissement des religions de l’espace commun. La définition implicite de la laïcité dans laquelle communie, à tort, toute la société, étend abusivement aux individus et à la société une exigence de neutralité qui ne s’applique qu’à l’État.

L’erreur est aussi historique, car la laïcité n’a pas été instaurée pour obliger les religions à se cacher, mais pour permettre le pluralisme religieux de la société. Faire de la religion une affaire privée signifie qu’on est libre de penser et de croire ce qu’on veut, mais pas qu’on doive cacher ses convictions.

La définition implicite de la laïcité qui sous-tend les actuels débats français – et qui menace de servir de point de départ au fameux débat dont on nous menace – est un contresens fatal. Fatal, parce que si on la définit par ce critère imbécile de « l’invisibilité », la laïcité est irréalisable.

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