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La France a-t-elle accompli sa mission au Mali ?
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Echéances

François Hollande a déclaré vendredi dernier que la France retirerait ses troupes au Mali "en fonction de la situation du pays", restant évasif sur les échéances, le temps que les troupes africaines de la Mission internationale de soutien au Mali prennent le relais.

Jean-Bernard Pinatel

Jean-Bernard Pinatel

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique.

Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014. En mai 2017, il a publié le livre Histoire de l'Islam radical et de ceux qui s'en servent, (éditions Lavauzelle). 

Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr

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Atlantico : François Hollande a déclaré ce vendredi, que le retrait des troupes françaises au Mali se fera en fonction de la situation du pays, où le terrorisme ne doit pas revenir. Trois mois après le début de l’intervention au Mali (11 janvier dernier), peut-on considérer que la France a accompli sa mission ? (sur le plan de la lutte contre le terrorisme, sur le plan de la reconstruction du pays...)

Jean-Bernard Pinatel : Quel était la mission de la France ? Il n’y a jamais eu autre mission de la France que celle très évolutive que le chef de l’État s’est donnée à lui-même et à nos forces armées. En effet, il n’y a jamais eu aucune mission donnée explicitement à la France au Mali par la communauté internationale. La résolution de l’ONU 2085 autorise le déploiement pour un an d’une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma). La seule référence implicite à la France est qu’il est admis que l’Union européenne participe à ce processus. Plus anecdotiques mais inadaptées à la situation étaient les conditions à remplir par la Misma "avant le lancement de l’offensive dans le nord du pays". A partir du moment où on se définit soi-même et de façon évolutive sa mission comment ne pourrait-elle pas être remplie ? 

Rappelons les faits. La résolution 2085, prise  le 20 décembre 2012, alors que depuis six mois la situation semblait figée au Nord Mali s’est trouvée complètement dépassée par la réalité du terrain. En effet, le 10 janvier, après des combats qui ont duré près de 24 heures et qui ont fait de nombreuses victimes dans les rangs de l’armée malienne, les rebelles se sont emparés de la localité de Kona située à 60km au Nord de la ville de Mopti, 3e ville du pays, qui, avec 120 000 habitants, est quatre fois plus peuplée que Gao, la capitale du Nord Mali. Par sa présence à Kona, la rébellion menaçait ainsi directement Mopti et son aéroport international et indirectement Bamako qui ne se trouvait plus qu’à 600km de route et où vivent plus de 5000 français. Cette action des rebelles a marqué un tournant dans la crise malienne. Pour la première fois la rébellion engageait une action de conquête au sud de l’Azawad, le territoire revendiqué par le MNLA et Ansar Dine. 

Le 11 janvier lors de ses vœux au corps diplomatique le chef de l’État déclarait. "Nous sommes face à une agression caractérisée. La France répondra à la demande des autorités maliennes. Elle sera prête à arrêter l’offensive des terroristes si elle venait à se poursuivre Elle le fera strictement dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité."

Quinze jours plus tard, Gao le 24 et Tombouctou le 27 sont libérés sans que dans aucune déclaration le chef de l’État n’ait souligné ce passage d’une mission défensive à cette mission offensive. Bien plus, le 2 février à Tombouctou le chef de l’État déclarait : "le combat n’est pas terminé, nous serons aux cotés des Maliens plus au nord."

Le 21 mars au dîner du CRIF le président de la République déclarait que la souveraineté serait rétablie sur "la quasi-totalité" du territoire malien dans "quelques jours". "Notre intervention a permis d'obtenir en deux mois des résultats importants : l'offensive des groupes terroristes a été arrêtée (et) les villes reconquises", a-t-il souligné.

On peut donc clairement affirmer que ce sont les succès de nos forces sur le terrain, qui ont fait évoluer au jour le jour la vision du chef de l’Etat sur les objectifs militaires de l’intervention française d’autant plus que l’opinion publique y était favorable et que l’Union européenne et les États-Unis soutenaient l’engagement de la France au Sahel.

Les capacités des troupes de la Misma ainsi que celles de l’armée malienne, sont mises en doute pour prendre la suite de l'armée française. Qu'en est- il ? Quel sera le travail des militaires qui vont rester sur place ?

Les frappes aériennes et le ratissage conduits par les forces françaises et tchadiennes dans le massif des Ifoghas ont détruit la logistique et ont amenuisé considérablement le potentiel militaire des groupes terroristes, en particulier celui d’Ansar Dine, qui avait fait  de ce massif sa base stratégique au Mali. Cela n’a pas, pour autant, éradiqué le potentiel militaire d’AQMI et du Mujao au Sahel. Même affaibli, AQMI dispose d’autres bases comme probablement dans le massif de l’Aïr à l’ouest d’Arlit qui est encore plus impénétrable que les Ifoghas et qui est la route traditionnelle vers le Nord Tchad et le Sud Libye. 

Sachant que la France laissera au Mali une force d’intervention substantielle, environ 1000 hommes,  il est probable qu’AQMI voudra nous porter des coups ailleurs et je pense au Niger, à Arlit dont dépend une grande partie de notre approvisionnement en uranium. Quant au Mujao, il dispose encore de forces en Mauritanie, près de la frontière malienne, d’où sont originaires ses chefs, région à partir de laquelle il peut conduire des actions ""coup de poing" contre les villes de la boucle du Niger et en particulier les aérodromes qui sont cruciaux durant la saison des pluies (mars à octobre).

Les forces françaises auront donc une mission de forces d’intervention en appui des forces de la MISMA dont le rôle pour leur grande majorité sera davantage d’occuper le terrain, de défendre les villes que de mener des opérations offensives pour détruire les cellules terroristes encore présentes dans le pays.

De façon hypothétique, quels seraient les éléments qui forceraient la France à prolonger son intervention au Mali ? 

La stabilisation à moyen terme du Mali ne peut venir que de la capacité des nouvelles autorités politiques maliennes qui sortiront des urnes à maintenir les militaires hors du champ politique et à mener avec succès une négociation avec les Touaregs et les Arabes du Nord Mali. 

C’est le rôle dans l’ombre que devra jouer notre nouvel ambassadeur Gilles Huberson, rôle particulièrement délicat pour ne pas être accusé de néocolonialisme mais crucial si la France ne veut pas être conduite à maintenir en permanence des forces dans ce pays.

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