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Angela Merkel s'est de nouveau prononcée contre un salaire minimum généralisé en Allemagne.
Angela Merkel s'est de nouveau prononcée contre un salaire minimum généralisé en Allemagne.
©Reuters

La question qui fait mal

"De nombreux pays en Europe ont un taux de chômage bien plus élevé que chez nous, du fait que les salaires et le rendement ne sont pas en rapport", a estimé Angela Merkel.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Angela Merkel s'est de nouveau prononcée contre un salaire minimum généralisé en Allemagne, estimant que les "de nombreux pays en Europe ont un taux de chômage bien plus élevé que chez nous, du fait que les salaires et le rendement ne sont pas en rapport". Existe-t-il réellement un lien entre salaire minimum et chômage ?

Gilles Saint-Paul L'idée selon laquelle le salaire minimum détruit des emplois est toute simple: les travailleurs coûtent plus cher, donc on en embauche moins. Une emploi qui rapporte 1000 de revenu à l'entreprise est rentable si le salaire est à 900, mais pas s'il est à 1100. Bien qu'il ait existé une polémique parmi les économistes sur les effets du salaire minimum sur l'emploi, celle-ci concernait des niveaux de salaires nettement plus bas que celui que l'on connaît en France.

Les politiques sont d'ailleurs convaincus qu'un coût du travail trop élevé détruit des emplois, puisque depuis vingt ans ils mettent régulièrement en place des politiques de baisses de charge afin de le réduire.

Une hausse du salaire minimum ne permet-elle pas de soutenir la demande, et donc de favoriser la croissance et la création d'emploi ? Cet effet "demande" qui génère des emplois l'emporte t-il sur l'effet "hausse du coût du travail" qui en supprime ?

L'effet d'une hausse du salaire minimum sur la demande intérieur et, plus largement, la conjoncture est loin d'être clair. Certes le pouvoir d'achat des travailleurs payés au SMIC augmentera, ce qui tend à relancer la consommation. Mais il y a aussi une autre conséquence : la profitabilité des entreprises diminue ce qui vient exercer des effets négatifs sur l'investissement.

Enfin, tout effet sur la demande n'est que transitoire et ne dure que tant que les entreprises n'ont pas ajusté leurs prix à la hausse. A long terme, le niveau d'activité ne peut excéder les capacités productives et les hausses répétées du SMIC ne font qu'augmenter le taux de chômage structurel.

Outre le coût du travail, le plus important n'est-il pas la flexibilité ? Comment se traduirait une hausse de 1% du SMIC en France ?

Mes estimations recoupent tout à fait celles de Francis Kramarz qui estime dans une interview qu'"une augmentation de 1 % du SMIC détruirait de 15 000 à 25 000 postes" dans une interview accordée au journal Les Echos. Quant à la flexibilité, la question n'est pas indépendante de celle du coût du travail. C'est parce que les travailleurs en CDI sont relativement bien protégés contre les licenciements que les syndicats qui les représentent et les partis politiques recherchent leurs voix peuvent obtenir des hausses du SMIC. A cause des rigidités, l'ajustement de l'emploi à la baisse qu'entraînent ces dernières se fait essentiellement à travers une moindre embauche des "outsiders".

Les syndicats savent que dans une économie plus flexible, les travailleurs qu'ils représentent seraient plus susceptibles de perdre leur emploi suite à une hausse du SMIC et qu'in fine il leur serait plus difficile de l'augmenter. C'est pour cela qu'ils se battent à la fois sur le front de la flexibilité et des salaires, avec des conséquences négatives pour l'employabilité des "outsiders" (jeunes, travailleurs âgés) et pour la capacité de l'économie française à s'adapter aux chocs structurels. Il me semble donc illusoire de prôner une plus grande flexibilité de l'emploi sans promouvoir une plus grande flexibilité des salaires. Mais la transition vers un tel régime ne peut pas se faire sans douleur.

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