1 milliard d'euros de patrimoine mal acquis : mais à quoi aurait bien pu se livrer Karim Wade ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le fils de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade vient d'être placé en garde à vue.
Le fils de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade vient d'être placé en garde à vue.
©Reuters

Enquête en cours

Karim Wade, fils de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, vient d'être placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire concernant une vaste affaire de corruption.

Mehdi Ba

Mehdi Ba

Mehdi Ba est journaliste indépendant et correspondant pour Jeune Afrique à Dakar. Il a collaboré à plusieurs journaux indépendants, dont MaintenantZoo,Golias Magazine... 
Il est notamment l’auteur de Rwanda. Un Génocide français (L’Esprit frappeur, 1997) et de 11 questions sur le 11 septembre aux éditions Jean-Claude Gawsewitch.  
Il a dirigé avec Olivier Cyran l’édition de l’Almanach critique des médias.

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Atlantico : Karim Wade, fils de l’ancien Président du Sénégal, est soupçonné par la justice locale d’avoir accumulée une fortune d’un milliard d’euros de manière frauduleuse durant le mandat de son père. Où en est l’enquête actuellement ?

Mehdi Ba : Il faut déjà rappeler que nous n’en sommes qu’au stade d’une enquête préliminaire. Le procureur spécial chargé de l’affaire, Alioune Ndao qui est à la tête d’une juridiction baptisée la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), entend depuis plusieurs mois des témoins ainsi que d’autres personnes de l’ancien entourage présidentiel soupçonnées d'être impliquées dans des acquisitions frauduleuses. Plusieurs réquisitions ont été effectuées en parallèle pour collecter autant d’informations que possible sur le patrimoine de Karim Wade. Monsieur NDao a annoncé le 16 avril qu'il entendait transmettre le dossier à la commission d'instruction de la CREI.

Une enquête similaire s’est ouverte en France à la demande du Sénégal, qu’en savons-nous ?

Il s’agit effectivement d’une enquête préliminaire qui s’inscrit dans le même processus. La différence notable est cependant que nous ne disposons ici d’aucune information à l’inverse du Sénégal, où de nombreuses informations fuitent chaque jour. Les enquêteurs font le travail qui leur a été demandé et on ignore encore sur quoi cela va déboucher.

Lors du mandat d’Abdoulaye Wade, a-t-on pu disposer d’éléments solides confirmant les pratiques supposées douteuses de son fils ?

Il n’est pas aisé de bien faire la part des choses. D’un côté, de nombreuses accusations de détournements ont été portées contre l'ancien pouvoir, notamment par la presse. Il est vrai que lors de la présidence précédente, tout particulièrement lors du dernier mandat, on a entendu tout un chapelet d'accusations dénonçant la corruption, le favoritisme et la dilapidation du patrimoine nationale au profit de quelques-uns. Karim Wade était ainsi déjà à l’époque une cible privilégiée de cette vindicte, notamment de par son poste à la tête de l’ANOCI (Agence Nationale de l’Organisation de la Conférence Islamique). C’est notamment depuis cette position qu’il aurait, selon les accusations, détourné d’importantes sommes d’argent (l’affaire Wikileaks a ainsi révélé que les services secrets américains le dénommaient « Monsieur 10% »).

Reste maintenant à savoir si ces accusations déboucheront sur des procédures judiciaires permettant de confirmer telle ou telle accusation de détournement financier ou de corruption. Dans la procédure menée par la CREI, ce qui est délicat c'est que les accusations ne passent pas par des infractions financières classiques, mais par l’instauration d’une procédure spéciale consistant à évaluer le patrimoine des personnes soupçonnées et à les mettre en demeure de justifier qu'ils l'ont acquis de manière licite. Cette structure a ses partisans et ses détracteurs, le véritable problème étant que l'évaluation du patrimoine de Karim Wade est aujourd'hui contesté par plusieurs dirigeants de sociétés qu'il est soupçonné de détenir en sous-main.

Ces accusations en série peuvent-elles être définies comme une chasse aux sorcières lancée par le nouveau gouvernement de Macky Sall ?

Je me garderais de sur-interpréter cette théorie. Ce qui est sûr c’est que les membres du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), formation créée par Abdoulaye Wade passée aujourd’hui dans l’opposition, accusent le nouveau régime de se livrer à une chasse aux sorcières ! Il est vrai néanmoins que le PDS représente aujourd’hui la principale force d'opposition et que ses principaux responsables sont visés par la justice. Macky Sall et son gouvernement ont promis d’assainir une vie publique touchée par la corruption depuis plusieurs dizaines d’années, le phénomène n’ayant pas débuté avec la présidence Wade, et c’est davantage cette cposture électorale qui est à l’œuvre dans cette affaire. La population a une vie difficile et supporte de moins en moins bien les différentes pratiques de corruption. Du self-service dans les caisses de l’Etat a l’attribution de terrains nationaux à l’entourage du pouvoir, ces méthodes achèvent de lasser un pays qui a voté l’année dernière en faveur d’un net changement de la classe politique. 

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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