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Aucun membre du gouvernement ne possède de part dans l’entreprise, à l’exception de Laurent Fabius.
Aucun membre du gouvernement ne possède de part dans l’entreprise, à l’exception de Laurent Fabius.
©Reuters

La confiance règne

La déclaration de patrimoine des ministres a révélé hier lundi qu’à l’exception de Laurent Fabius, aucun membre du gouvernement ne possède de part dans une entreprise.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : la déclaration de patrimoine des ministres, rendue publique hier, a révélé qu'aucun membre du gouvernement, à l'exception de Laurent Fabius, ne possédait de parts dans une entreprise. Comment l'expliquer malgré le fait qu'à l'inverse des pays scandinaves, il n'est pas illégal pour un ministre de posséder des actions en France ?

Aurélien Veron : quoiqu’éloignée des préoccupations des Français, la publication du patrimoine des ministres offre un aperçu instructif du profil des dirigeants politiques actuels. Leur patrimoine indique une aversion pour l’investissement dans l’entreprise (même si Michèle Delaunay dispose d’un compte titre PEA). Ils estiment probablement pas suffisamment rentable la détention de parts dans les entreprises : lorsque le rendement est important, le taux de taxation est démesuré (et risque de l'être encore davantage demain). En contrepartie, la probabilité de perte des capitaux n'est pas négligeable et ne donne alors pas droit à crédit d'impôt. Ces ministres ont finalement pas mal de bon sens lorsqu’il s’agit de leur propre argent.


Cela ne leur interdit pas d’être déconnectés de la réalité : dans le 7e arrondissement de Paris, la conjoncture économique, en partie nourrie par la dépense publique, est bonne. Ils ne peuvent s'imaginer que l'immobilier pourrait s'écrouler. Après tout, il y aura toujours des oligarques russes ou africains à convaincre de placer de l'argent détourné chez nous, il y aura toujours des règlementations et des dispositifs fiscaux à créer pour soutenir la demande.

Peut-on imaginer que certains aient préféré se défaire de leurs actions avant d'entrer en fonction afin d'éviter tout soupçon de conflits d'intérêts ?

La corruption trouvera toujours des voies pour se faufiler dans la vie politique. L’avidité d’une petite minorité s’adapte à tous les systèmes, même (et surtout) aux pires régimes communistes. Tant que les politiques auront une influence sur les affaires (agréments, règlementations faussant la concurrence, part excessive de la dépense publique dans le PIB), la corruption trouvera sa place en empruntant des parcours toujours nouveaux. Il est vain d'espérer qu'un jour les hommes seront tous honnêtes. Jérôme Cahuzac ne semblait-il pas être le plus sérieux de la bande ? Le meilleur remède à ce mal, c’est de recentrer l’Etat sur ses missions régaliennes au profit d’une concurrence débarrassée de l’arbitraire politico-bureaucratique, et de son potentiel négociable.

Peut-on parler d'une méfiance naturelle à l'égard de l'entrepreunariat et de la réussite de manière générale ?

L’entreprise est perçue par l’essentiel de la classe politique comme un mal nécessaire qui doit rester soumis au pouvoir politique et à l’arbitraire administratif. La réussite n’est pas mal vue pour autant, bien au contraire. Le prestige du pouvoir et son influence sur les commandes publiques ou sur les nominations à la direction de commissions ou d’entreprises publiques sont des objectifs importants dans une carrière politique. Celle-ci s’apparentant davantage à un parcours professionnel qu’à un engagement de conviction, la réussite sociale et financière y prend une place croissante. Surtout par comparaison avec ceux qui, issus des mêmes promotions des meilleures écoles, ont choisi et prospéré dans le secteur privé. Ce n’est pas un hasard si les instances offrant de confortables revenus complémentaires à ceux dont bénéficient les élus se sont multipliées ces dernières décennies. Si les revenus tirés de mandats sont plafonnés, les revenus connexes ne le sont pas.


Cette déconnexion entre le sens de la réussite dans le secteur privé et le secteur public n’est pas neutre. Elle choque de plus en plus les Français qui n’acceptent pas qu’on puisse faire une carrière politique pour autre chose que la seule recherche de l’intérêt général. S’ils comprennent qu’un entrepreneur performant gagne bien sa vie, ils acceptent de moins en moins la masse considérable de revenus plus ou moins publics que se versent les élus à eux-mêmes au travers d’officines opaques à l’utilité souvent discutable.

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