Inflation en chute libre, dette cachée : l'économie chinoise va-t-elle si bien ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La dette des collectivités locales et des entreprises chinoises pourrait mettre en danger la seconde économie mondiale.
La dette des collectivités locales et des entreprises chinoises pourrait mettre en danger la seconde économie mondiale.
©Reuters

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Alors que l'inflation a chuté au mois de mars, la dette des collectivités locales et des entreprises chinoises pourrait mettre en danger la seconde économie mondiale.

Jean-Joseph Boillot

Jean-Joseph Boillot

Jean-Joseph Boillot est agrégé de sciences économiques et sociales et Docteur en économie.

Il est spécialisé depuis les années 1980 sur l'Inde et l'Asie émergente et a été conseiller au ministère des Finances sur la plupart des grandes régions émergentes dans les années 1990. Il est aujourd'hui chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et coprésident du Euro-India Group (EIEBG).

Son dernier livre :  "Utopies made in monde, le sage et l'économiste" paru chez Odile Jacob en Avril 2021.  
Il est également l'auteur de "L'Inde ancienne au chevet de nos politiques. L'art de la gouvernance selon l'Arthashâstra", Editions du Félin, 2017.   et de "Chindiafrique : la Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain" paru chez Odile Jacob en Janvier 2013.

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Atlantico : L'économiste Zhang Monan estime que "la Chine connaît actuellement une quatrième phase de risque élevé sur la dette, celle-ci étant caractérisée par des niveaux élevés de dette accumulée par les administrations locales et des entreprises". Dans le même temps, l'inflation a fortement reculé en mars dans le pays. L'économie chinoise va t-elle plus mal qu'on ne le croit ?

Jean-Joseph BoillotC’est tout le paradoxe de la situation. D’un côté, les dernières données conjoncturelles sont plutôt rassurantes. De l’autre, Zhang Monan ne fait que répéter ce que disent les meilleurs économistes chinois : les dettes cumulées ne cessent de se gonfler au fur et à mesure des plans de relance qui visent à compenser une conjoncture internationale médiocre. On ne sait pas bien quand ce petit jeu va cesser, ni comment il va finir. Un récent article du grand spécialiste américain de l’économie chinoise, Nicolas Lardy, est aussi allé dans ce sens.

On sait qu’il est un des plus anciens chantres d’une probable crise financière en Chine sous l’effet d’une dette bancaire massive accumulée année après année, notamment au niveau des gouvernements locaux et de leurs banques et entreprises captives. Pour éviter cela, il faut donc faire de la cavalerie avec la croissance et éviter que trop d’inflation n’oblige les autorités centrales à relever les taux d’intérêt, ce qui aurait un effet dangereux sur toutes ces mauvaises dettes.

Après le choc de 2008-2009, l’économie chinoise avait ainsi pleinement bénéficié d’un massif plan de relance interne. Puis elle avait connu un freinage significatif comme dans les autres pays émergents car la conjoncture mondiale était retombée, sous l’effet de la crise européenne notamment. Depuis le petit rebond de 2011, la croissance n’a ensuite cessé de ralentir.

Comme à chaque fois en Chine, le ralentissement de l’activité se traduit par de la baisse d’inflation, en fait de la véritable déflation dans le secteur industriel mais qui est en partie masquée par une croissance plutôt forte et structurelle des prix des produits alimentaires. Le secteur industriel connaît structurellement en effet des surcapacités et cherche à relancer ses ventes à tout prix, notamment à l’exportation. Mais ce faisant, ses marges de profit s’érodent et donc sa capacité à repayer ses dettes bancaires. Bref, il ne faut ni trop d’inflation, ni trop de déflation. Et pour cela, il vaut mieux de la croissance. Voilà l’engrenage des autorités chinoises en dépit du discours tenu par la nouvelle équipe lors du dernier congrès national (NPC) sur le fait que la croissance n’est plus l’objectif principal de la Chine, mais plutôt sa qualité et "l’harmonie sociale."

D’un point de vue conjoncturel, les nouvelles ne sont pas mauvaises en tous cas. On peut estimer que la croissance chinoise est en voie de reprise après plusieurs trimestres de faiblesse et que le PIB pourrait croître d’un peu plus de 8% sur l’année. Les exportations ont un peu aidé mais il s’agit surtout de mesures de soutien de l’activité comme des dépenses importantes d’investissement et une croissance des crédits qui va encore être proche de 15% tout de même cette année.

Sans oublier les dépenses sociales qui devraient croître de 16 à 17% sur un an et qui ne sont pas sans expliquer des ventes de détails en hausse de 14 à 15% (en nominal, c’est à dire à prix courant). Bref, la Chine est à nouveau en phase de stimulus fiscal et bancaire et on retombe bien sur le problème de la dette posé par Zhang Monan. La transition vers une croissance auto-centrée et auto-entretenue ne semble toujours pas mise en œuvre et la conjoncture mondiale médiocre n’aide pas.

Si l'on passe outre la forte croissance économique chinoise (le gouvernement chinois espère atteindre 7,5% en 2013), quels sont les signes d'affaiblissement ou d'inquiétudes relatifs à l'économie chinoise dont on entend peu parler ? Le nouveau pouvoir en place en a t-il pris acte ?

C’est une question importante et qui explique qu’en Asie on ne consacre pas beaucoup d’articles publics à la question de l’endettement chinois et d’une croissance sous oxygène bancaire et fiscal. L’ensemble de l’Asie ne se porte pas très bien. La croissance ralentit un peu partout selon la dernière revue de Goldman Sachs, et on le voit en Inde qui a, semble-t-il, connu un dernier trimestre en dessous de 5% de croissance pour le PIB. Or la Chine représente malgré tout un véritable appel d’air en dépit de la compétition qu’elle représente aussi pour les entreprises asiatiques. Ses exportations vers l’Occident et le reste du monde émergent résultent d’un assemblage final qui absorbe tout à la fois des matières premières de partout et des composants assez sophistiqués de pays comme le Japon mais surtout la Corée du Sud ou Taïwan. Même l’Inde exporte vers la Chine des minerais pour sa sidérurgie.

Et globalement, l’Asie gagne à cette division du travail puisqu’elle est globalement excédentaire vis à vis du reste du monde. Bref, personne ne souhaite que la Chine ne ralentisse trop vite. Ses importations augmentent de 15% par an et largement en provenance d’Asie. 

Quelles peuvent être les conséquences pour le reste de l'économie asiatique et mondiale si l'économie chinoise se mettait à ralentir significativement ou à connaitre des difficultés ?

Tout ralentissement majeur en Chine, supposons même une crise financière, se transmettrait aussitôt par contagion à l’ensemble de l’Asie comme un véritable tsunami. L’économie chinoise est désormais quasiment aussi grosse que celle des États-Unis avec des chiffres étonnants comme le marché automobile qui pèse plus de 15 millions d’unités etc. Tout le monde serait touché, mais l’Asie serait, bien sûr, la première concernée.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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