François Hollande : les coulisses d’une semaine à peine plus dramatique que les autres<!-- --> | Atlantico.fr
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La semaine a été particulièrement rude pour François Hollande.
La semaine a été particulièrement rude pour François Hollande.
©Reuters

Supranormal

Les coups durs se multiplient pour François Hollande : intervention ratée à la télévision, affaire Cahuzac, affaire Augier, gouvernement remis en cause, mauvais chiffres de l'économie. Mais le président continue à faire le dos rond. (1/2)

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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François Hollande avait l’ambition d’être un président normal. Eh bien, c’est gagné. Cette semaine, il a réussi à dépasser l’objectif au point de devenir un président supranormal, sorte d’OVNI de la démocratie. Un ministre en correctionnelle, un ami dans les îles Caïmans, une majorité qui se scinde en deux et des électeurs complètement écœurés. Une économie qui part à la dérive. François Hollande a réussi à être un président plus que normal de la Ve République.

On reprochait à Georges Pompidou de fréquenter un peu trop le milieu du show-biz et les plages de St-Tropez, mais finalement il pouvait venir en Porsche à l’Elysée, ça ne choquait personne. Il y avait du grain à moudre à l’époque. De la croissance et des emplois.

Quand Valery Giscard d’Estaing rentrait à l’Elysée à l’heure du laitier non sans avoir heurté un camion de livraison sur les quais rive droite, ça faisait sourire tout le monde. Quand on a appris qu'il avait reçu des diamants de Bokassa, l’opinion publique ne lui a pas pardonné. C’était le début de la crise. La montée du chômage.

François Mitterrand a géré le pays pendant 14 ans en dissimulant de façon habile ses vies personnelles multiples, en cachant son goût pour l’argent et l’affection qu' il portait à ceux de ses amis qui en avaient beaucoup, et puis en lâchant les ministres confondus de turpitudes incompatibles avec la morale de gauche. L’un de ses collaborateurs et amis les plus fidèles s’est quand même « flingué » à l’intérieur même du palais de l’Elysée et un de ses ministres de l’économie s’est mis une balle dans la tête dans un jardin de Nevers pour avoir accepté un prêt de 1 millions de francs à l’époque afin de boucler l’acquisition d’un 4 pièces à Paris. La gouvernance a ses raisons (d’Etat) que la raison ne veut pas toujours voir.

Jacques Chirac a lui aussi un peu trop aimé les sponsors riches mais il s’est arrangé pour en faire porter l’opprobre par ses proches. Sa majorité ne le suivait pas, donc il l’a renvoyée mais sans jamais la retrouver. C’est Alain Juppé qui a payé pour tout… pour les fautes politiques et les fautes de goût.

Quant à Nicolas Sarkozy, l’histoire est très proche. Il ne s’est jamais remis d’avoir eu la passion non pas de l’argent mais de fréquenter ceux qui en ont acquis beaucoup. L’envie d’appartenir à ce monde qui n’était pas le sien. L’affaire du Fouquet’s lui a collé aux basques pendant toute la durée du quinquennat. « La crise, c’est comme la mer qui se retire à marée basse, dit Warren Buffet. Elle laisse sur la grève un tas d’épaves qu'on avait essayé d’immerger. » La crise a fait que les opinions publiques ne pardonnent plus rien aux responsables politiques. Ou alors plus tard.

François Hollande en a fait les frais cette semaine. Après une communication à la télévision complètement ratée, voilà qu'il se retrouve avec un ministre des plus importants confondu de mensonge énorme et de fraude fiscale, et de compte en suisse, et de blanchiment d’argent mal acquis auprès des laboratoires pharmaceutique et d’une administration des finances qui a peut-être essayé de le couvrir. Bref,  la totale. Plus grave encore, le voilà soupçonné d’avoir su et de n’avoir rien fait. Péché de faiblesse et d’impuissance. D’inexpérience ou de naïveté. Ou alors de cynisme. Même Costa-Gavras au temps d’Yves Montant n’aurait jamais imaginée un tel scenario, avec des personnages aussi « riches ».

Surtout que dans le même temps, on apprend que l’un de ses camarades de promotion auquel il avait confié la gestion des comptes de campagne, fréquente lui -pour ses affaires- les paradis fiscaux. Si l’ennemi numéro 1 de la France était effectivement la finance internationale, on aura appris cette semaine que l’ennemi était à l’intérieur du système.

Pour couronner le tout on ne peut pas dire qu’il ait une majorité homogène et décidée à le soutenir. Au contraire, elle lui fait « la greule, et elle a des raisons de le faire ». Quant aux ministres du gouvernement, ils sont tous aux abris en espérant sauver leur job, c’est-à-dire leur fauteuil, leur titre et leur voiture.

Machiavel, le Prince, doit se ronger les ongles au paradis des élites mondiales dont il est le parrain...

Cette semaine restera donc un cas d’école qu' on étudiera dans les facultés ou à l’ENA pour illustrer ce qu'il ne faut surtout pas accepter dans le fonctionnement d’une démocratie, pour étudier un exemple d’incompétence rare dans management d’une gouvernance et de désastre dans la gestion politique des reformes.

Dès la fin de son émission de télévision, la semaine précédente, François Hollande s’est bien douté qu’il l’avait ratée. Il a d’ailleurs sans attendre sermonné ses conseillers en communication, Claude Serillon (avec lequel d’habitude, il adore faire des jeux de mots) et Aquilino Morelle. Emission trop normale sur un plateau trop froid. Sur le fond, il a aussi raté son coup. Il voulait convaincre que tout ce qui avait été fait jusqu’à maintenant était bien (la trousse à outils) mais en même temps, il devait préparer les esprits à des réformes de structure un peu douloureuses. En fait, il n’a convaincu personne. Il a perdu une partie de ses électeurs qui sont de plus en plus déçus sans pour autant récupérer des soutiens à droite ou au centre. Il a, ce soir-là, perdu sur les deux tableaux.

Du coup, François Hollande est de plus en plus écartelé. Écartelé entre ce qui lui revient de l’état d’esprit des vieux et surtout des jeunes militants et de ce que lui disent les seuls ministres dans lesquels il a peu près confiance et qui sont plutôt dans le camp des socio-démocrates .Ce sont ces ministres là et eux seuls qu’il consulte parfois : Laurent Fabius, Stéphane Le Foll, Manuel Valls, Pierre Moscovici, Jean-Yves le Drian, et Jean-Marc Ayrault. Les autres, il s’en méfie ou s’amuse de leur incompétence, de leur naïveté ou pour certains de leur obstination radicale à respecter les dogmes de gauche. La majorité de ministres qui n’appartiennent pas au cercle des fidèles sont jeunes. Ils n’ont aucune expérience, ils sont arrivés là plein d’illusions. Après 11 mois de gouvernement, ils sont exténués par le stress, les horaires (pas de 35 heures). Ils sont vidés parce qu'ils n’ont plus le temps de travailler sur le fond, de réfléchir et de consulter, ils tournent en rond. Aujourd’hui ils sont tétanisés par la peur.

De cette émission de télévision, François Hollande ne va retenir qu' une chose et ça l’afflige : le surnom de « M. Bricolage ». Et pourtant, tous les jeunes (trop jeunes) conseillers qui grenouillent à l’Elysée étaient emballés par « cette idée de la boite à outil », sauf les vieux routiers de la politique et du pouvoir qui savaient bien qu’un président est autre chose qu’un mécanicien. Mais eux, on ne les écoute pas tout le temps.

M. Bricolage a donc passé un très mauvais week-end pour plonger en début de semaine avec l’affaire Cahuzac qui ne l’a pas surpris. Il s’y attendait, mais pas si vite. Il espérait un miracle. C’était tellement gros que ça ne pouvait pas se passer comme ça.

En allant voir le juge, Jérôme Cahuzac a pris tout le monde de court. En démissionnant, il avait perdu la main. En faisant de la résistance, il l’a reprise.

C’est son nouvel avocat Jean Veil qui lui a conseillé cette attitude pour maitriser la communication et ménager l’avenir. C’est encore son avocat qui lui conseillait samedi de faire savoir qu'il n’allait pas abandonner son siège de député, histoire de faire monter la pression, parce que tous les cadres du Parti socialiste savent que son retour dans l’Hémicycle serait dévastateur. Le président de l’Assemblée nationale n’a pas cessé de négocier son retrait, alors qu'il devrait imposer le non-retour. Cahuzac a compris que s’il voulait protéger une parcelle de son avenir, il fallait qu'il soit dans le rapport de force.

Coïncidence ou pas, Jérôme Cahuzac a commencé à fréquenter Jean Veil dans le cadre de l’affaire Tapie. Jean Veil était l’avocat du crédit Lyonnais et de Jean Peyrelevade. C’est eux qui ont fait la guerre à Bernard Tapie pendant des années pour le contraindre à la faillite. Quand Bernard Tapie a obtenu un arbitrage favorable et touché les indemnités plantureuses, Jean Veil a vécu cela comme un échec.

C’est Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, qui a mené au nom du Parti socialiste la contre-offensive en direction de Christine Lagarde pour récupérer l’argent et prouver que la procédure d’arbitrage s’était trompée et avait trompé les contribuables. C’est à ce moment-là que Cahuzac a retrouvé Jean Veil, qui connaissait tous les dossiers. Il n y a évidemment pas de rapport entre l’affaire Cahuzac et l’affaire Tapie… Hormis cette coïncidence.

Aujourd’hui, Jérôme Cahuzac, sachant qu’il peut faire beaucoup de dégâts collatéraux, doit faire un peu de chantage pour obtenir des protections. Il sait aussi le caractère indécis de François Hollande.

[A suivre demain dans notre second épisode...]

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