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Pourquoi la police française ne peut plus être ce qu'elle était il y a 20 ans
©Reuters

Bisounours

De l'affaire Merah aux tests d'installation de caméra sur les uniformes, l'action policière semble de plus en plus remise en cause par la société.

Mathieu Zagrodzki

Mathieu Zagrodzki

Mathieu Zagrodzki est politologue spécialiste des questions de sécurité. Il est chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales et chargé de cours à l'université de Versailles-St-Quentin.

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Atlantico : Qu’il s’agisse de l’affaire Merah ou des tests de caméra sur les uniformes des agents, la police française voit son rôle et son action toujours plus souvent remis en cause. La vision de l’action policière par la société est-elle en train de se durcir ? Remettons-nous la police en cause ?

Mathieu Zagrodzki : Il n’est pas certain que l’action de la police soit particulièrement remise en cause. Si l’on s’en réfère aux baromètres BVA qui évaluent la satisfaction des Français quant aux services publics, on constate que 65% d’entre eux sont satisfaits par l’action de la police et la gendarmerie. Ce chiffre est à peu près stable depuis une décennie et est beaucoup plus élevé que le résultat de l’éducation nationale ou la justice. De plus, il y a toujours eu une remise en cause de la police par une certaine frange de la population et le slogan "CRS-SS" ne date pas vraiment d’hier. Plus près de nous, les premières émeutes des années 1980 et la marche des beurs nous révèlent bien cette critique de l’action policière notamment dans les banlieues et notamment sur la question des contrôles d’identité abusifs. Il n’y a donc rien de nouveau selon moi, ni rien de plus profond que ce qui a toujours existé.

L’affaire Merah a montré que la République pouvait être prise à partie pour s’être débarrassée d’un tueur d’enfants et de militaires. N’est-ce pas finalement cette République qui est remise en cause ?

Dans l’affaire Mohamed Merah, nous parlons d’un acte de terrorisme exceptionnel qui a engendré une réaction du père du coupable qui ne me semble pas représenter l’opinion de l’ensemble de la population française ni même de sa frange la plus démunie ou la plus radicale. Sur la question des caméras que vous évoquiez précédemment, cela pose surtout la question de savoir si la police s’adresse respectueusement à la population et à l’inverse si celle-ci s’adresse respectueusement à ses policiers. De la même manière, le récépissé pour les contrôles au faciès n'est pas le témoignage particulier d’une remise en cause de la République ou de la police mais simplement de la volonté d’un contrôle quotidien de l’action pour que celle-ci soit plus juste et plus efficace.

Ce récépissé témoigne, ne serait-ce qu’officieusement, de la crainte d’une discrimination raciale de l’action policière quant à la diversité française. La police n’est-elle pas toujours en retard sur la réalité de la société française ?

Il est certain que la police est toujours, au moins un peu, en train de courir derrière le lièvre de l’évolution sociétale du pays. Pour autant, cette question du risque de dérives, et donc de mise en place du récépissé, est une solution légitime qui, si je ne suis pas certain qu’elle soit parfaite, mérite d’être essayée au moins sur de petites zones, dans un certain nombre de quartiers où les policiers sont prêts à jouer le jeu. Quoi qu’il en soit, c’est la nature même des grandes organisations publiques que d’être coincées dans une sorte d’inertie des institutions. Il faut généralement un électrochoc pour que ça change comme dans le cas de la police de Los Angeles qui n’a pu se reformer qu’à la suite d’émeutes qui ont fait cinquante morts. On peut aussi imaginer qu’une véritable action politique puisse créer de débat et la remise en cause.Cette remise en cause de la police est une tendance golable qui ne concerne pas uniquement la France.  Les énormes progrès de la technologie nous y contraignent et il est bien probable que cela s’étende prochainement à d’autres institutions. On parle beaucoup dans le monde Anglo-saxon de l’accountability ou de l’Open data governement qui sont des demandes de transparence et d’information sur l’action et les résultats de l’action publique.

Dans quelle mesure cette tendance au contrôle de l’action policière peut-elle handicaper son efficacité ? La police n’a-t-elle pas besoin pour fonctionner d’avoir une partie sombre ?

Par nature, la police en démocratie doit rendre des comptes à quelqu’un. C’est ce qui distingue un régime autoritaire d’une démocratie. Une police légitime est toujours plus efficace car lorsque vous demandez à la police de s’ouvrir vous améliorez son image. De nombreuses études ont montré que lorsque l’image est bonne, les populations portent plus facilement plainte et collaborent plus facilement ce qui de manière générale rend la police plus à même d’être efficace. Ainsi, sans tomber dans l’idée que les policiers doivent avoir des surveillants aux basques en permanence, je crois sincèrement que la preuve d’une action policière de qualité et respectueuse des droits ne peut que nous permettre d’entrer dans un cercle vertueux bénéfique pour tous. 


Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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