Les Chinois sont-ils en train de faire main basse sur l'Afrique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Xinping en visite en Afrique du Sud.
Le président chinois Xi Xinping en visite en Afrique du Sud.
©Reuters

Goldiggers

Alors que s'achève la visite diplomatique du président chinois Xi Xinping sur le continent africain, la question du développement de la Chinafrique se pose de plus en plus.

Claude Leblanc

Claude Leblanc

Claude Leblanc est le rédacteur en chef du magazine Jeune Afrique. Il a été auparavant rédacteur en chef de Courrier International, de 1993 à 2011. 

Il est le fondateur du mensuel gratuit Zoom Japon.

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Atlantico : Le nouveau n°1 chinois sort d'une semaine de visite diplomatique en Afrique du Sud, au Congo et au Mozambique. Peut-on dire que l'Empire du Milieu, présent depuis plusieurs années dans la région, est en train de réussir son implantation africaine ?

Claude Leblanc : On peut dire que oui si l'on considère la chose d'un point de vue purement économique et diplomatique. En une décennie, la Chine a réussi à devenir le quatrième investisseur sur le continent, prouesse en soi assez remarquable, en investissant notamment les marchés locaux du BTP et de la fraction minière et pétrolière. Cependant, la méthode chinoise lorsqu'il s'agit de faire des affaires est loin de convenir aux habitants locaux, qui vivent le phénomène de plus en plus mal. La façon dont ils investissent ainsi que leur méthode de recrutement sont ainsi loin de faire consensus. Les Chinois ont ainsi l'habitude de ne faire profiter que les leurs lors de la signature d'un contrat en Afrique, en important les pièces et la main d'oeuvre de chez eux tout en souciant peu de l'environnement local. Cette manière de procéder génère ainsi sur le moyen terme des tensions qui peuvent être préjudiciables.

Dans certaines régions, on peut ainsi enregistrer des poussés anti-chinoises face à la brutale désorganisation des marchés locaux qu'imposent les commerçants venus de Chine. Dans un autre registre, les conditions de travail sur des chantiers appartenant à des compagnies chinoises, notamment des mines, sont loin d'être idéales et ne font qu'alimenter ce sentiment d'animosité. Les Africains sont en effet méfiant face à la logique de pure profit qui ressort parfois du comportement de certaines entreprises chinoises, qui n'hésitent pas parfois à fermer des usines de manière expéditive en laissant tout le monde sur le carreau. 

Bien que les Chinois aient tentés depuis d'améliorer leur image en faisant construire des hôpitaux, des écoles, ou encore en finançant partiellement la construction du nouveau siège de l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine, NDLR), on peut dire qu'ils ont encore une importante barrière culturelle et humaine à franchir. L'avancée de la Chine sur le continent est cependant incontestable et cela a pu être possible grâce à un investissement conséquent de moyen tant humains (main d'oeuvre) que financiers (liquidités). On peut dire qu'elle est aujourd'hui la puissance la mieux placée sur le continent noir. 

D’autres pays asiatiques (Inde, Malaisie…) sont de plus en plus tentés par l’aventure africaine. Peuvent-ils devenir des concurrents sérieux à la Chine ?

Oui, et cela ne concerne pas que les pays émergents comme l’Inde. Le continent africain suscite aujourd’hui comme hier les convoitises, en particulier pour ses ressources naturelles (terres rares, charbon, gaz…) qui n’ont pas été toutes surexploitées comme ailleurs. On peut aussi évoquer l’enrichissement progressif bien que peu rapide du continent africain, qui continue a développer une classe moyenne qui représentera a terme un marché conséquent pour les investisseurs étrangers.

Le Japon s’intéresse aussi fortement à l’Afrique qui représente un potentiel débouché économique important pour ses produits. Les Indiens s’investissent aussi fortement, non seulement en investissant mais aussi en développant eux-mêmes leurs propres filières industrielles. C’est d’ailleurs une approche qui leur confère un avantage certain face aux Chinois car ils créent ainsi un rapport bien plus humains avec les populations locales.

La France a récemment fait preuve d'une forte présence sur le continent (Mali, Centrafrique...). Est ce que notre vieille puissance coloniale peut encore y avoir de l’influence ?

Oui, elle le prouve. Sur le Mali par exemple, elle était la seule à s’engager. Dans toute la partie occidentale de l’Afrique, il est évident que la France reste une puissance influente, même s’il y a une concurrence des Etats-Unis et des Chinois notamment.  Il y a une histoire, même si elle est quelquefois compliquée et qu’elle donne lieu à des polémiques. 

Même si on peut contester parfois la façon dont la France a géré ses relations avec l’Afrique, il y a encore une façon de se souvenir, et la France est présente dans les coups durs. Le Mali a été l’expression de cette tradition. 

Sur le très long terme cette influence est forcément en déclin, puisqu’il y a des pays qui sont plus entreprenants, et qui arrivent à être plus innovants que la France. Néanmoins, l'Hexagone a su maintenir des relations fortes avec cette partie de ses anciennes colonies. A l'inverse, la France n’a pas su entretenir des relations avec l’Indochine. Dans cette région du monde, elle aurait pourtant pu prétendre, du fait de ses rapports passés, à en tirer bénéfice.

On peut notamment acter cette évolution avec la Centrafrique, qui a longtemps été une chasse gardée française et qui y échappe aujourd'hui en quelque sorte avec la chute du Président Bozizé. Ce type de situation pourrait se répéter car les intérêts des pays africains ne sont pas toujours ceux de la France sur différents secteurs.

Qu'en est-il des Africains ? Se développent-ils aussi sur le plan économique de manière nette ?

Bien sûr, quasiment tous les pays africains commencent à avoir des entreprises transnationales : l’entreprise algérienne Sovital, dépasse ainsi largement le cadre des frontières algériennes. Elle investit notamment en Côte d’Ivoire, au Sénégal etc.

On peut citer également des banques ivoiriennes, qui ont aujourd’hui mis en place des réseaux de financement importants dans d’autres pays voisins. On peut vraiment parler ici d'une économie continentale qui se met en place avec des entreprises qui, à l'heure actuelle, se développent dans leur pays et dans des pays étrangers. Il s'agit là d'une vraie assise économique identique à certaines entreprises occidentales. Leur point fort est leur excellence connaissance du marché, de la clientèle, qui leur permet d’être justement en mesure de répondre aux besoins de leurs clients. C’est quelque chose qui se développe de plus en plus, dans tous les secteurs.

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