Redressement de l'économie : Hollande réussit le tour de force de mécontenter sur sa gauche sans rassurer sur sa droite<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande était sur France 2 jeudi soir pour faire de la pédagogie sur sa politique
François Hollande était sur France 2 jeudi soir pour faire de la pédagogie sur sa politique
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Quand c'est flou, il y a un mou

L'entretien télévisé de jeudi soir ne semble pas avoir eu d'effets majeurs sur les Français : le président de la République n'a fait que confirmer et accroître la déception de ses partisans sans réussir à satisfaire ses adversaires.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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François Hollande a été extraordinaire. Une caricature de  Hollande. Il est apparu  gentil , intelligent , attachant , sociable , parfois courageux , mais souvent prudent  toujours généreux , serein , calme , souriant et même drôle... Ça c’est pour l’apparence.

Sur le fond, il a réussi cette performance de confirmer et d’accroitre la déception et le désamour de ses partisans sans pour autant satisfaire ou retourner ceux qui attendaient des réformes capables d’amorcer le redressement de l’économie du pays. Bref, les gens de gauche vont continuer de lui en vouloir de ne pas respecter ses engagements de campagne et les gens de droite vont persister à penser que décidément le président est incapable de prendre en compte les réalités…

Le comble de cette ambiguïté c’est d’avoir commencé cette communication par affirmer ce que personne en France ne peut croire. Quand il affirme "haut et fort qu'il renversera la courbe du chômage avant la fin de l’année", personne ne peut le croire parce que c’est  impossible. Et quand il ajoute que son objectif sera atteint parce que "la croissance reviendra", tous les spécialistes savent bien que la croissance  ne reviendra pas avec les outils qui ont été mis en place. Il peut sans doute rêver de créer des emplois publics, des emplois jeunes, des emplois aidés, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet est : "Qu'est ce qu' on fait pour que les entrepreneurs aient envie de développer leurs affaires, que les investisseurs puissent investir, qu' est-ce qu' on fait pour que l’industrie se reconstruisent ?". Les réponses sont à cote de la plaque. Complètement coupées de la  réalité des français et des contraintes  des marchés.

Les électeurs de gauches ont été forcement déçus. Ils l’ont été parce que le président de la République a reconnu qu'il s’était trompé dans l’évaluation de la crise , "plus longue et plus grave que ce que nous avions prévu". Au passage ça revient à reprocher à ses équipes et collaborateurs de ne pas avoir été assez précis, fiables et professionnels.

Mais ils sont encore plus déçus quand ils s’aperçoivent jour après jour que les promesses de campagne les plus emblématiques sont abandonnées devant le mur des réalités. Les riches qui devaient être punis par un impôts de 75% pourront se faire payer cette sur-fiscalité par l’entreprise. On peut faire confiance à l’entreprise pour s’adapter au système. Quant aux autres très riches, les écrivains ou les acteurs a succès, les Depardieu mais aussi les stars du sport,  qui ne sont pas rattachés à une  entreprise, il vont passer entre les mailles du filet et c’est tant mieux. Mais le projet qui plaisait tellement aux amis du front de gauche a perdu toute vitalisation politique.

Autre réforme emblématique, la retraite, François Hollande ouvre la porte à une reforme fondée sur l’augmentation des années de cotisation. Il transgresse donc un tabou, il franchit une ligne jaune que les syndicats et l’extrême gauche avait érigée en dogme inviolable. C’est une prise en compte de la réalité mais c’est la trahison d’une des  promesses électorales parmi les plus  fortes...

Cela dit, ils lui reprocheront aussi l’intention qu'il a de baisser les dépenses publiques, d’arrêter de remonter les impôts des plus riches et d’avoir mobiliser tous les outils possibles et imaginables sans aucun résultat tangible. Ils ont donc le sentiment de faire beaucoup d’effort sans aucun bénéfice possible.

Bref il y du recentrage évident dans l’air et dans l’orientation de la politique de François Hollande par rapports à ce qu’il avait annoncé au départ et c’est bien ce qui a entrainé l’effondrement de sa popularité. Ses électeurs sont découragés : ils ne savent plus où ils habitent politiquement... Mais ce recentrage est tellement mou et surtout flou qu'’il n’est pas en mesure de restaurer la confiance de ceux qui peuvent réactiver la croissance. Ses amis sont fâchés. Ses adversaires ne sont toujours pas contents. 

Les électeurs de droite, et surtout les agents économiques capables de créer des richesses n’ont aucune raison d’être rassurés. Ils ont besoin de visibilité, de stabilité et de confiance. Ils n’en ont pas trouvés.

François Hollande a dit et répété que tous les outils du redressement avaient été mobilisés, mais tous les chefs d’entreprises savent que ces outils ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Le pacte de compétitive est insuffisant et compliqué à mettre en œuvre. Les 20 milliards qui reviendront aux entreprises compensent à peine les augmentations de prélèvements.

Idem en direction des "Pigeons". Il dit avoir compris leur révolte, il annonce qu' il reviendra sur les dispositions fiscales qui pénalisent les créateurs d’ entreprise. Mais outre le fait que cela fait désordre (le monde de l'entreprise n’est pas un terrain d’expérimentation fiscale), il aurait pu être plus précis dans l’expression de la réforme des plus-values. Parce que les chefs d’entreprise concernés ne sont pas plus avancés aujourd’hui qu'hier. Tout est possible.

Quant à la promesse d’un choc de simplification, ça va faire beaucoup rire dans les bureaux de France et de Navarre. Depuis au moins 30 ans les gouvernements racontent qu’il faut simplifier les procédures et les normes administratives. Or, cela fait plus de 30 ans que les milliers d’articles du code des impôts enrichissent les conseillers fiscaux, que les milliers de lois administratives font vivre des fonctionnaires. Que les circulaires et les formulaires et les normes s’accumulent et nous asphyxient. Donc, dit comme cela, le choc de la simplification, personne ne va y croire. D’ailleurs un Etat ou une administration ne peut pas être simple. La complexité administrative est un marqueur de pouvoir pour les fonctionnaires.

L’annonce d’une baisse des dépenses publiques oui, mais elle aurait été beaucoup plus crédible et forte si on avait expliqué où et quand l’Etat diminuera  son périmètre… Où est la grande réforme du fonctionnement de l’Etat ? Où est la réforme des collectivités locales, de l’hôpital ? Pas même un mot sur la réforme de l’école ? Le seul changement notable d’ordre structurel et crédible est l’annonce d’une réforme des retraites.

Bien que flou, et mou, et d’expression prudente, le président a reconnu l’essentiel : allonger la durée de cotisations . C’est ce que le monde de l’entreprise retiendra parce que cette réforme annonce un changement dans la gestion du modèle social. Les syndicats ne s’y sont pas trompés. Ils ont réagi très vite.

Mais au-delà de tout cela ce qui est frappant, c’est que le président de la République s’accroche a une vision encore très théorique de l’entreprise avec des jugements plus moraux que pragmatiques. Une vision étatique aussi dans l’obsession de créer des filières industrielles comme si le marché était incapable de le faire si on lui en laissait la liberté. On ne crée pas d’emplois avec une équation théorique.

"Si l’entreprise ne veut pas payer l’impôt de 75%, il faudra qu' elle explique a ses cadres que les temps sont dures et qu' ils peuvent attendre deux ans pour être payes plus de 1 million", dit-il en substance. On ne punit plus le contribuable on culpabilise l’entreprise qui réussit. Là encore, on est complètement hors sujet. Le rôle d’une entreprise n’est pas de faire la morale, le rôle d’une entreprise est d’être efficace, donc d’investir et de créer des emplois. L’entreprise n’est efficace que si son écosystème le lui permet, c’est à dire que si elle n’est pas empêchée d’être compétitive (donc des frais généraux fiscaux qui ne soient pas pénalisant). Si elle peut prendre des risques et si elle conserve en rémunération de produit de ces risques.

Dans ces conditions, le chef d’entreprise qui se bat tous les jours sur les marchés internationaux a sans doute été agréablement surpris d’apprendre que, depuis qu'il était en fonction, le Président s’était mis à voyager, mais il n’a guère trouvé d’éléments capable de lui indiquer quelle était l’horizon visé par la France dans ce monde en mutation.

On sait que "l’objectif c’est de combattre le chômage et le cap c’est la croissance", on se demande d’ailleurs quel responsable économique ou politique pourrait dire que son cap  n’est pas la croissance ? On sait que tous les outils ont été mis en place.  Mais quels sont les éléments qui permettrait de savoir le rôle de la France dans la mondialisation ? Quel intérêt un jeune  étudiant ou un jeune créateur d’entreprise peut trouver à travailler en France ? Pourquoi il faut nécessairement rééquilibre les finances publiques?

Bref une fois de plus, François Hollande a essayé de gagner du temps en essayant de rassurer tout le monde. Il a sans doute déçu et inquiété le plus grand nombre. Une fois de plus.  

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