Les 10 raisons pour lesquelles la crise de l'euro pourrait bien être incurable<!-- --> | Atlantico.fr
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"Bien des forces peuvent agir pour prolonger l'agonie..."
"Bien des forces peuvent agir pour prolonger l'agonie..."
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La preuve par dix

Les Européens sont parvenus à trouver un accord à l'arraché sur Chypre au terme d'une folle semaine sur les marchés avec une taxation très polémique des dépôts bancaires. Pourtant, selon un spécialiste financier, la crise de la zone euro serait tout simplement incurable.

Alors que la crise chypriote qu'à traversé la zone euro cette semaine -  qui se traduit par un accord choc visant à démanteler la principale banque du pays et à taxer les dépôts bancaires supérieurs à 100 000 euros - semble toucher à sa fin, Jeroen Dijsselbloem, le chef de file de l'Eurogroupe, a estimé que ces négociations "mettent fin aux incertitudes affectant Chypre et la zone euro". Pourtant, le spécialiste financier David Marsh expose à sa manière, dans une tribune publiée sur le site internet Marketwatch au début du mois de Mars, les raisons pour lesquelles il pense que la crise de la zone euro est un calvaire sans fin. Selon lui, bien des forces peuvent agir pour prolonger l'agonie... Voici son analyse en dix points précis :

1/ L'ascension de Beppe Grillo en Italie

Pour le spécialiste, les élections italiennes ont été un gros revers pour les euro-optimistes. Plus qu'un simple vote contre l'austérité, le choix des Italiens symbolise davantage un ras-le-bol sur le fait que le pays puisse être dirigé de telle sorte que cela ne profiterait pas aux Italiens. Pour Marsh, les réformes structurelles dont l'Italie a besoin n'ont pas été engagées. Et le spécialiste de rappeler une déclaration de Beppe Grillo qui a prédit que l'Italie s'écroulerait financièrement dans les six prochains mois...

2/ Les désaccords monétaires entre la France et l'Allemagne

Les désaccords fondamentaux sur la politique monétaire de l'Union entre la France et l'Allemagne sont légion. Les interrogations autour de la compatibilité des deux positions (la solidarité à la française, et la compétitivité à l'allemande) se font de plus en plus entendre à Bruxelles. Pour David Marsh, la volonté des deux pays clés de la zone euro de faire des concessions est au point mort.

3/ Le programme OMT voué à l'échec

Si l'on en croit David Marsh, l'absence d'un gouvernement prêt à réformer structurellement l'Italie rend plus ou moins caduque le programme OMT, ce mécanisme de sauvetage qui prévoit le rachat de titres publics par la Banque centrale européenne. Une condition centrale de ce mécanisme est que les pays doivent obéir à un ensemble de conditions établies par l'Union européenne et le Fonds monétaire international. "Qui à Rome va appliquer les directives ?", conclut le spécialiste de manière ironique.

4/ L'Allemagne, dans cet environnement global, ne pourra rien faire pour les autres

L'Allemagne ne peut pas, et ne veut pas, stimuler suffisamment son économie pour redresser les Etats du Sud en difficulté. Contrairement au contexte international pendant les réformes menées dans le pays entre 2003 et 2005, quand le chancelier Gerhard Schröder avait présenté son Agenda 2010, l'Europe ne peut offrir aux pays en difficulté une croissance externe suffisante pour combler l'effet douloureux des réformes domestiques.

5/ Les élections fédérales allemandes de septembre 2013 vont refroidir la générosité d'Angela Merkel

Les réticences de la chancelière allemande Angela Merkel à imaginer des solutions créatives et audacieuses vont se faire de plus en plus nombreuses jusqu'à l'élection fédérale allemande le 22 septembre prochain. Selon David Marsh, peu de personnes pensent que l'Allemagne a été généreuse avec les pays en difficulté mais elle l'a tout de même été. Aujourd'hui, selon lui, nous avons atteint un pic. La générosité allemande à l'égard des pays européens en difficulté ne sera plus jamais ce qu'elle a pu être.

6/ Les barrières qui se dressent face une sortie de l'euro

Les Etats du sud ne peuvent pas sortir de l'euro si facilement. "Pourquoi le voudrait-il quand l'argent continue toujours de leur parvenir, de la Banque centrale européenne ou d'autres sources ?", explique David Marsh. Sans compter le fait que l'Allemagne et les autres pays créanciers ne pourront et ne voudront pas les pousser vers la sortie.

7/ Même chose pour l'Allemagne et sa capacité à quitter l'euro unilatéralement

Même si les Allemands ne partiraient pas seuls, les conséquences politiques et économiques d'un tel bouleversement de la politique extérieure allemande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale seraient stupéfiantes. Pour le moment, nous sommes dans une impasse. Mais cette dernière pourrait bien évoluer, prévient le spécialiste britannique.

8/ Les Etats-Unis, la Chine et le Japon n'ont pas intérêt à des réformes radicales en Europe

Selon David Marsh, les trois superpuissances n'ont en effet aucun intérêt à provoquer un tremblement de terre qui pourrait conduire à la déstabilisation de leur monnaie et même entraver leurs propres efforts de guérison. Cela peut paraître comme une mise à l'écart du concept de mondialisation mais pour le spécialiste, chaque pays est bien trop préoccupé par ses propres problèmes pour imaginer forcer la zone euro à se remettre sur les bons rails.

9/ La tentation du gouvernement français de collaborer avec les sociaux démocrates allemands

Dans le but de diminuer les chances de victoire d'Angela Merkel, le gouvernement socialiste français pourrait bien être tenté de se rapprocher des sociaux démocrates allemands, dans l'opposition actuelle. S'il parait difficile d'imaginer comment l'intervention de François Hollande peut avoir un réel impact sur le résultat des élections allemandes, il n'en reste pas moins que, d'après David Marsh, le président français devrait tout de même s'y employer. De quoi affaiblir un peu plus le tandem franco-allemand...

10/ La tentation de la BCE à acheter des obligations d'Etat italiennes sans conditions

Cela serait en contradiction totale avec les promesses répétées solennellement par le président de la Banque centrale européenne Mario Monti. Cela provoquerait des vagues d'indignation en Allemagne et pourrait bien rendre inutile tout ce qui a été accompli jusqu'à lors...

3 questions à Mathieu Mucherieéconomiste de marché sur Paris, (il s'exprime ici à titre personnel).

Atlantico : Alors que la zone euro a connu un nouveau rebondissement avec l'épisode chypriote, Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, a estimé que ces négociations "mettent fin aux incertitudes affectant Chypre et la zone euro". Mais la crise pourrait-elle resurgir par le levier politique, notamment depuis les résultats de l'élection italienne où Beppe Grillo, ancien comique opposé à l'austérité au système politique, a recueilli un quart des voix. La crise de la zone euro est-elle incurable ? Peut-elle se transformer dans sa nature même et se poursuivre ainsi ?

Mathieu Mucherie : Il n’y a aucune stabilisation économique de la zone euro : l’activité est en récession très nette, la croissance n’a aucune chance de revenir à politique monétaire constante, les divergences se renforcent, le crédit et l’immobilier poursuivent leur descente aux enfers, le chômage monte, les finances publiques sont durablement plombées, les dettes privées ne se réduisent pas là où elles le devraient, on ne voit aucune vraie réforme structurelle (et de toute façon, à quoi bon stimuler l’offre productive quand la demande globale est en chute libre ?) et aucun relai de croissance. Si la BCE ne se réveille pas, ce sera la Japonisation au Nord et l’Argentinisation au Sud, donc à terme la dislocation monétaire (mais quand ?).

La conséquence (et non la cause) : les perturbations politiques, y compris désormais dans les pays les plus traditionnellement europhiles. Après tout, la dernière fois qu’on avait vu trois années de politiques monétaires bêtement restrictives dans un climat de déflation, entre janvier 30 et janvier 33 en Allemagne, le résultat final avait été bien pire que Beppe Grillo : je trouve que les Italiens sont très patients, d’ailleurs après le coup d’Etat fomenté il y a 15 mois je pensais que le procurateur nommé par la BCE (Monti) obtiendrait bien moins de 9% des votes aux élections suivantes. Mea Culpa...

Aucune crise n’est « incurable ». Ceux qui affirment ça n’ont pas pris connaissance des travaux de Milton Friedman sur la grande crise des années 30. Mais il est vrai qu’un changement de cap monétaire est assez improbable tant que « l’esprit Bundesbank » n’aura pas été traité au Kärcher.

Les désaccords entre la France et l'Allemagne, les deux piliers forts de la zone euro, persistent et s'accroissent. Sont-ils insurmontables ? Quels risques font-ils peser sur la sortie de crise ?

La France se comporte depuis 25 ans comme un pays satellite, en mode « currency board » total vis-à-vis de l’Allemagne. Sur le plan théorique cela n’a pas de sens, sur le plan empirique (croissance, emploi) c’est un échec, sur le plan politique ça marche encore (on voit peu de défilés dans les rues pour dénoncer cette vassalisation…) mais pour combien de temps ? Rendez-vous après le dégonflement de la bulle immobilière et administrative française, quand même nos élites politiques devront s’interroger sur le bien fondé de cette stratégie afin de ne pas finir dans les poubelles de l’Histoire.

Alors que les Etats-Unis sollicitent la planche à billet pour acheter de la dette publique et que le Japon souhaite déprécier le Yen pour relancer son économie. N'ont-ils tout simplement aucun intérêt à accepter une baisse du cours de l'euro (naturelle ou "provoquée") ? L'Europe est-elle condamnée à perdre la bataille monétaire ?

Il n’y a pas de planche à billets aux US, du moins pas au sens inflationniste et maximaliste du terme. La politique de Bernanke n’est pas si accommodante qu’on le dit : sinon, comment expliquer la stabilité du dollar depuis 5 ans (il avait baissé les 5 années avant la crise, pas après avec les vagues de quantitative easing), comment expliquer le taux du Trésor 10 ans en dessous de 2%, et la stabilité des prix et des salaires ? Quant aux Japonais, ils commencent à bouger, mais après 25 années d’auto-mutilations monétaires, c’est un minimum vital, un kit de survie…

De façon irrationnelle (W.Buiter en 2009 parlait d’un euro « dopé aux stéroïdes »), la BCE a refusé de mettre son taux à 0% comme tout le monde et a refusé toute « forward guidance » en la matière, au mépris de toutes les théories sur le rôle du pré-engagement, des anticipations, etc. Résultat : un euro trop cher. Le renforcement des tensions déflationnistes à la périphérie. Une annulation de tous les efforts faits en matière de « compétitivité ». Un Waterloo monétaire original où l’autre coté de la parité n’y est pour rien : on se tire une balle dans le pied et après on accuse le reste du monde d’être doté de banquiers centraux qui font un peu moins mal leur boulot. Les sals tricheurs d’américano-japonais, ils ont vaguement lu Friedman ou Fisher, ils ne consultent pas les coloriages de Trichet ou Weidmann !

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