Retraite à 62 ans : et si c'était déjà trop peu ? L'âge réel de départ qui permettrait de sauver notre système de retraite est...<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marie Le Guen recommande désormais ouvertement un recul de l'âge de départ à la retraite à 62 ans.
Jean-Marie Le Guen recommande désormais ouvertement un recul de l'âge de départ à la retraite à 62 ans.
©Reuters

Suspense

Le député socialiste Jean-Marie Le Guen recommande désormais ouvertement un recul de l'âge de départ à la retraite à 62 ans dès 2015 afin d'"assurer le financement des retraites en 2020".

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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D’ici 2020, pour maintenir à flot notre système de retraite, les pouvoirs publics doivent trouver une vingtaine de milliards d’euros. La dérive des comptes de l’assurance-vieillesse est préoccupante car elle est intimement liée à l’affaiblissement de notre économie. La crise qui réduit la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations « vieillesse » explique qu’il faille se remettre à l’ouvrage trois ans à peine après la précédente réforme. C’est aussi la faute à la méthode des petits pas choisie depuis 1993, l’ajustement s’effectuant au fil de l’eau.

Si le constat est relativement partagé, le Gouvernement et la majorité semblent chercher leur voie en matière de propositions.

Le député socialiste de Paris, Jean-Marie Le Guen lève un tabou, à gauche, en admettant que le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans pourrait intervenir dès 2015 au lieu de 2017. Il invite même à la poursuite de l’activité jusqu’à 64 voire 65 ans ce qui est déjà, il faut le souligner, possible. Ce petit pas n’en est pas moins important au regard de la promesse électorale de François Hollande de revenir à la retraite à 60 ans.

Quelques jours après l’installation de la Commission pour l’avenir des retraites, la déclaration du député de Paris est, en effet, un ralliement au principe de réalité car avec un départ fixé, en 2013, à 60 ans et 9 mois, la France fait figure d’exception. L’âge moyen de départ à la retraite est en moyenne chez nos partenaires de 65 ans. L’Allemagne ou le Royaume-Uni ont programmé de le porter progressivement à 67 ans. Ce recul est la solution la plus pratiquée car il a un impact direct et fort sur les finances publiques. Il réduit le nombre de bénéficiaires de pensions et augmente le nombre de cotisants ; d’un côté moins de dépenses, de l’autre, plus de recettes. Certes, certains sont tentés d’affirmer que ce double effet n’aboutit qu’à transférer des charges de l’assurance-vieillesse sur l’assurance-chômage. Or, ce n’est pas le cas ; le taux de chômage des seniors est inférieur à celui de l’ensemble des actifs et depuis trois ans, l’âge de départ effectif à la retraite recule dans notre pays. En portant cet âge à 63 ans d’ici 2018, les comptes de l’assurance-vieillesse pourraient être en équilibre sous réserve d’une légère amélioration de la conjoncture économique. En le fixant à 65 ans, nous pourrions desserrer l’étreinte financière. Les Français sont, sur ce sujet, en avance par rapport à leurs dirigeants comme en témoigne le récent sondage réalisé par le Cercle des Epargnants*. 60 % des sondés jugent ce report comme nécessaire pour assurer la pérennité du système de retraite.

Cette mesure serait moins douloureuse que la désindexation qui revient à réduire le pouvoir d’achat des retraités actuels et à venir. Aujourd’hui, les pensions comme les droits qui les constituent évoluent au rythme de l’indice des prix établi par l’INSEE. En supprimant cette règle, le pouvoir d’achat diminuerait année après année, avec un pernicieux effet cumulatif. La désindexation appliquée aux complémentaires ou aux régimes de bases est certainement la disposition la moins juste socialement. Indolore dans un premier temps, elle réduit durablement le montant des pensions.

A défaut de jouer sur ces deux curseurs, le Gouvernement pourrait recourir à l’allongement de la durée de cotisation qui est actuellement de 41 années et demie. Depuis 2003, cette durée est fixée en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. Son allongement a un impact moins direct que le recul de l’âge de départ à la retraite, un nombre non négligeable d’actifs partant à la retraite ont déjà atteint le nombre de trimestres exigés.

Pour réduire la charge liée aux retraites, les pouvoirs publics pourraient également décider de calculer les pensions sur l’ensemble de la carrière au lieu des vingt cinq meilleures années. Une telle modification poserait un problème d’équité si la retraite des fonctionnaires restait calculer sur la base des six derniers mois de rémunération. Comme pour la solution précédente, les gains ne seraient sensible que d’ici plusieurs années.

Evidemment, l’augmentation des cotisations retraite constitue une tentation mais la France est déjà très largement au-dessus de moyenne. Nous ferions mieux de nous inspirer de l’Allemagne qui a institué un plafond de cotisations sur le salaire qui ne peut pas être dépassé.

Pour éviter d’ouvrir le chantier des retraites, tous les deux ou trois ans, le Gouvernement pourrait avoir le courage de conduire une réforme systémique comme le suggère à demi mot, le député Jean-Marie Le Guen. La création d’un régime unique par points qui fusionnerait tout à la fois les régimes de base et les régimes complémentaires constituerait un grand big bang. Si une telle révolution n’est pas en soi une source d’économie, elle permet, en revanche, de gérer plus facilement et plus finement le système de retraite. Pour équilibrer l’assurance-vieillesse, il suffirait de jouer sur la valeur des points et sur la date d’ouverture des pensions. Dans un tel système, la gestion des retraites progressives serait aisée.

De même, il serait, comme en Suède, possible d’instituer un système de comptes notionnels qui intègre un coefficient lié à l’espérance de vie pour calculer le montant des pensions. Il serait même possible de réinstituer la retraite à 60 ans mais avec à la clef des droits à pension réduits. Pour garantir l’équilibre du nouveau régime, les pouvoirs publics pourraient fixer un montant maximal de la richesse nationale consacrée aux dépenses vieillesse.

Plus des deux tiers* des Français sont inquiets pour leur future retraite mais contrairement aux idées reçues, ils demandent l’engagement de réformes ambitieuses sous réserve qu’elles soient équitables. La création d’un grand régime par points a leur préférence car le lien entre cotisations et pension serait plus net et le même pour tous. Depuis 20 ans, la retraite est à l’image de la France, les petits arrangement étant souvent préférés à l’audace.

* sondage 2013 CSA/CECOP pour le Cercle des Epargnants

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