Quelles conséquences si le moteur de l’économie allemande s’enraye ? (Et il tousse déjà)<!-- --> | Atlantico.fr
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La zone euro espère que l'Allemagne va la tirer du marasme économique alors que le pays lui-même n'est pas en grande forme.
La zone euro espère que l'Allemagne va la tirer du marasme économique alors que le pays lui-même n'est pas en grande forme.
©Reuters

Premier de la classe

La zone euro a les yeux braqués sur l'Allemagne et compte sur elle pour la tirer du marasme économique actuel. Et si le moteur de la croissance européenne était en fait en panne ?

Wolf  Richter

Wolf Richter

Wolf Richter a dirigé pendant une décennie un grand concessionnaire Ford et ses filiales, expérience qui lui a inspiré son roman Testosterone Pit, une fiction humoristique sur le monde des commerciaux et de leurs managers. Après 20 ans d'expérience dans la finance à des postes de direction, il a tout quitté pour faire le tour du monde. Il tient le blog Testosterone Pit.

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Tous les espoirs reposent sur l'Allemagne : son économie dynamique qui foisonne d'entreprises mondialisées, ultra-compétitives et tournées vers l'export, tire la France et d'autres pays de la zone euro de leur marasme économique. Mais voici la réalité : la France, avec son taux de chômage à deux chiffres, est en train de perdre pied à cause de son indice des directeurs d'achat (PMI). Après trois mois d'une légère hausse en trompe-l’œil, cet indice s'est effondré pour tomber à son taux le plus bas depuis mars 2009 (pendant le creux de la crise financière). L'activité commerciale dérape depuis 18 mois et les nouvelles commandes (qui sont les précurseurs de l'activité future) depuis 19 mois. Le secteur privé français est dans le pétrin.

De l'autre côtédu Rhin, l'Allemagne continue de baigner dans l'optimisme même sisa production économiquea chuté de 0,6% au quatrième trimestre, un niveau égal à celui du reste de la zone euro, qui a passé les cinq derniers trimestres dans le rouge. La France, elle, a connu une baisse beaucoup plus douce : 0,3%. Alors que le déclin de la France est attribué à des problèmes structurels - uniquement réparables par un grand nombre de réformes et d'ajustements qui obligeraient les citoyens à se serrer la ceinture - le déclin beaucoup plus prononcé de l'Allemagne, est considéré comme quelque chose de "temporaire".

La preuve : le PMI. En janvier, il était encore positif pour l'Allemagne même si l'économie du pays avait chuté. Alors que les commandesde servicesont stagné,les ordres de fabricationont légèrement augmenté. Ce "rebond" des exportations a été attribué à une plus forte demande en provenance de l'Asie. Si seulement la Chine pouvait continuer à émerger !

Hélas ! Le partenaire commercial le plus important de l'Allemagne n'est pas la Chine. Ni les Etats-Unis. C'est la France. Elle représente environ 10% des exportations allemandes. Et il ne s'agit pas seulement de voitures et de matériel informatique. L'Allemagne a exporté, pour ne donner qu'un délicieux exemple, 645 000 tonnes de chocolat pour une valeur de 2,7 milliards d'euros au cours des onze premiers mois de l'année 2012, en hausse de 5,7% par rapport à l'année précédente. Le pays cible le plus important : la France (13,4%).

Voyant la France défaillir, les exportateurs allemands ont désespérément tenté d'augmenter leurs ventes en Asie. Pour cela, ils ont investi en Chine comme des fous. L'année dernière, cela a bien fonctionné.Les exportations de biensont atteint unrecord de 1,09 milliard d'euros, en hausse de 3,4% par rapport à 2011. Mais la "mauvaise surprise" du PIB a révélé quelques méchants détails : au quatrième trimestre, les exportations ont en fait diminué de 2% par rapport au troisième trimestre. Et l'investissement des entreprises a plongé de 9,3% par rapport à l'année précédente. Les Allemands ont préféré investir en Chine - car pour eux, c'est là que l'avenir se trouvait - et non dans une zone euro en pleine décrépitude.

Sans oublier qu'en 2012, l'Allemagne a réalisé quelque chose de rarement vu dans le monde : un excédent budgétaire. Il n'était pas très élevé, 4,2 milliards d'euros. Le premier excédent budgétaire en 5 ans, le troisième depuis la Réunification. Alors que le gouvernement fédéral et les Etats fédérés (les Länder) se chargeaient de dettes, l'excédent des collectivités et du système de sécurité sociale a plus que compensé tout cela. Tout gouvernement qui est en excédent budgétaire mérite des applaudissements. Ensuite, il est possible d'ergoter indéfiniment sur la façon dont il y est arrivé, s'il y est vraiment arrivé, si cet excédent est le fruit de l'imagination des comptables qui travaillent pour le gouvernement, et pourquoi il fallait presser autant les contribuables pour y parvenir.

A cause de cette pression fiscale, la consommation privée n'a augmenté que très timidement en 2012 : + 0,6%. En revanche, les dépenses du gouvernement, plein aux as grâce à des recettes fiscales atteignant des records, ont augmenté de 1,4%. Une situation qui s'est aggravé à la fin de l'année : en décembre, les ventes au détail ont chuté brutalement de 4,7%. Ce chiffre n'est pas encore disponible pour le mois de janvier, contrairement au chiffre des ventes de véhicules...

Les ventes totales de véhicules ont chuté de 9,3% en janvier dernier. Les ventes de voitures ont quant à elles chuté de 8,6%. Les grands perdants : Ford qui a chuté de 32,2% et Volkswagen qui a décroché de 13,3%. Du côté des marques étrangères, Lexus a subi une plongée vertigineuse de 62,8%. En Allemagne de nos jours, les temps sont durs.  

Voilà l'état dans lequel se trouve le moteur de l'Europe, le pays censé sortir l'UE de la dépression. Bien sûr, une volte-face n'est pas à exclure. La Chine et d'autre pays d'Asie pourraient déclencher un tsunami de commandes. La France pourrait soudainement se redresser. Des miracles arrivent. Parfois.

Cet article a préalablement été publié sur le blog Testosterone Pit.

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