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Denis Allex faisait partie des nombreux otages français. Il est mort à la suite d'une intervention française pour le libérer.
Denis Allex faisait partie des nombreux otages français. Il est mort à la suite d'une intervention française pour le libérer.
©Capture d'écran

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Selon un centre de recherche américain, la France serait le pays comptant le plus de ressortissants enlevés pour des raisons politiques. Les raisons en sont cependant plus complexes que le simple impact de l'intervention au Mali.

Christophe  Caupenne

Christophe Caupenne

Christophe Caupenne a été commandant de police, chef du groupe « Gestion de crise et négociation » et coordinateur National des négociateurs de la police nationale au sein de l'unité d'élite du RAID. Il a participé à de nombreuses recherches sur les questions de sécurité et de négociations. Il dirige aujourd'hui la société Caupenne Conseil. 

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Atlantico : Selon un centre de recherche américain spécialisé dans les questions de sécurité, l’enlèvement de la famille française au Cameroun a fait passer notre pays au premier rang du nombre de ressortissants détenus à l’étranger pour des raisons politiques. Les Français sont-ils vraiment des cibles privilégiées ?

Christophe Caupenne : Si l’on prend l’ensemble des enlèvements d’expatriés, la France n’est pas la première cible et cela pour des raisons numéraires. Malgré de larges communautés de Français dans de très nombreux pays à travers le monde, le nombre de Chinois enlevés – pour des raisons crapuleuses dans leur cas – est bien plus élevé que celui des Français victimes de kidnapping. Ils sont en effet présents dans presque toutes les zones les plus dangereuses du monde. Si maintenant on se réfère aux enlèvements politiques, il est vrai que les Français sont très touchés à cause de l’assimilation entre leur présence et à notre action, nos attaques contre le terrorisme et cela particulièrement en Afrique. Cela dit au milieu de tous ces enlèvements supposément politiques, il se cache à n’en pas douter un certain nombre de cas à visée purement mercantile que l’on cache sous des revendications politiques, idéologiques ou religieuses afin de leur donner du poids.

La protection fournie par le gouvernement et les entreprises est-elle suffisante ?

La protection des Français à l’étranger ne cesse de progresser notamment parce que la responsabilité pénale des entreprises qui emploient les victimes est très souvent mise en cause en cas de défaut d’information ou sécurité. Cela est d’autant plus vrai depuis les évènements de Karachi et d’autres qui sont arrivés depuis, qui ont fait naître une véritable prise de conscience du danger pour les expatriés. Les dirigeants sont aujourd’hui tout à fait conscients de l’importance des questions de sécurité pour leurs ressortissants, leurs missionnaires et leurs expatriés.

Maintenant, si on se demande s’il y a des « trous dans la raquette » en termes de sécurité, la réponse est oui mais elle est directement liée avec l’activité même de l’expatriation. Le 100% sécurité n’a aucun sens pour la simple et bonne raison que lorsqu’on envoie un missionnaire au long cours dans un pays, il s’habitue nécessairement au degré de risque local. Il apprend que certains quartiers sont à éviter ou qu’au-delà de certaines heures il ne fait pas bon sortir. On s’accoutume tellement à ce risque qu’il finit parfois par devenir invisible et c’est souvent là qu’il se cache et que les drames arrivent. L’autre aspect du probème sécuritaire est que l’on ne peut pas enfermer les expatriés pendant des semaines, des mois ou des années. Ils ont besoin d’une soupape de décompression qui prend bien souvent la forme des attraits de ces pays qui, bien que dangereux par ailleurs, sont bien souvent séduisants et remplis de gens tout ce qu’il y a de plus accueillants. Cette tentation est permanente et les failles de sécurité sont inhérentes à l’activité humaine elle-même.

Les 15 otages français actuels sont tous détenus en Afrique, le continent est-il devenu trop dangereux pour les Français ou devons-nous repenser notre approche de ce dernier ?

Il faut être extrêmement prudent car nous sommes dans un monde qui a des secteurs de dangerosité identifiés qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. Et si je peux comprendre que vivre plusieurs années dans un pays sans sa famille soit très difficile, cela me semble être un risque qu’il vaut mieux éviter de courir. Quand on vit dans un pays frontalier ou proche de la zone de risque, que l’on pourrait qualifier de sahélienne, il faut arrêter de croire que tout se passera bien car nous sommes clairement sujets à des convoitises criminelles et parfois, plus rarement, terroristes. Or, la criminalité est opportuniste et elle se cache volontiers sous la bannière idéologique du terrorisme. Enfin, nous parlons beaucoup des Français enlevés en ce moment à cause de l’intervention au Mali et du focus actuel sur l’Afrique mais il faut se souvenir que nos voisins européens, Italiens et Allemands par exemple, paient également un lourd tribut en termes d’enlèvements.

Remplaçant ainsi les Etats-Unis, la France est-elle devenue l’ennemi numéro 1 de l’extrémisme islamique en Afrique ? Dans le reste du monde ?

Non, certainement pas. Bien que dans le processus d’identification de l’ennemi par certains groupes armés la présence de nos troupes ou nos entreprises puisse nous faire apparaître comme des envahisseurs, nous sommes loin de la façon dont sont perçus les Etats-Unis ou Israël. Ces derniers sont accusés de s’intéresser aux ressources locales et d’être là en tant que colonisateurs. Les différentes politiques de la France, et malgré une grande fermeté vis-à-vis du terrorisme, lui donne tout de même la dimension d’un pays apportant une certaine aide à certains pays en crise en Afrique. Il me semble donc malgré tout que nous ne sommes pas perçus de la même manière que l’Amérique par les pays dans lesquels nous intervenons. 

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