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Pourquoi les Français sont-ils si attachés au Livret A ?
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Epargne chérie

Les Français ont versé près de 50 milliards d’euros sur les livrets A et de développement durable en 2012. Ces placements sont toujours les favoris des Français, et cela pour plusieurs raisons. Décryptage.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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En 2012, les Français ont versé près de 50 milliards d’euros sur les livrets A et de développement durable. Au mois de janvier, ils n’ont pas relâché leur effort car la collecte nette sur ces livrets a atteint 10,9 milliards d’euros. 

Comment expliquer un tel engouement malgré la crise ?

Ce n’est certainement pas le rendement offert qui peut à lui seul expliquer de tels flux. En effet, en 2012, le taux du Livret A était de 2,25 % et il a été abaissé à 1,75 % au 1er février. Il n’y a pas de quoi faire fortune. En plaçant 100 euros, vous récupérez à la fin de l’année 1,75 euros. En prenant en compte l’inflation, il ne reste plus qu’un demi-euro de gain. Certes, à contrario, les autres placements ont été confrontés à une diminution de leur rendement avec la crise rendant la modicité de celui du Livret A acceptable.

Il n’en demeure pas moins que le pouvoir d’attraction du Livret A vient d’ailleurs.

Les Français aiment leur livret A car il est simple. L’épargnant peut placer ce qu’il veut sans frais. Il peut retirer son argent à tout moment. Il s’agit d’un placement parfaitement liquide comme peut l’être un compte courant. Mais le principal avantage aux yeux des Français du Livret A provient des exonérations dont il bénéficie : pas de prélèvements sociaux, pas d’impôt sur le revenu, pas d’impôt sur les plus-values. En mettant son argent sur son livret fétiche, le Français a l’impression de faire un pied de nez au fisc et cela n’a pas de prix. L’épargnant français est, en outre, d’un naturel prudent à la recherche de placements sûrs. En cette période troublée, le Livret A, géré par la Caisse des Dépôts et doté d’une garantie de l’Etat, est à l’opposé des placements spéculatifs ou boursiers qui ont été vilipendés ces dernières années. En plus, ce fameux Livret A a un petit côté solidaire en finançant le logement social.

Le succès du Livret A s’est bien évidemment nourri, en 2012, des circonstances. La crise incite les épargnants à privilégier les placements à court terme au détriment des placements longs et plus risqués. La remontée du chômage comme les augmentations d’impôt conduisent les Français à mettre de l’argent de côté.

L’épargne défiscalisée a enfin profité d’un réel effet d’aubaine lié au relèvement des placements. Le doublement du plafond du Livret de développement durable de 6000 à 12 000 euros et le passage de celui du Livret A de 15 300 à 22 950 euros se sont traduits par d’importants transferts d’épargne en provenance essentiellement des livrets bancaires, victimes par ailleurs d’un alourdissement de leur fiscalité. Les 8 % de titulaires de livret A et les 25 % de titulaires de LDD qui avaient atteint les précédents plafonds ont profité à plein des relèvements opérés à compter du mois d’octobre.

Cet engouement pour des produits d’épargne peu rémunérés a un coût pour la France. L’Etat perd des recettes fiscales et sociales du fait des exonérations assorties à ces produits. En favorisant les livrets défiscalisés, l’Etat réduit surtout, par effet d’éviction, le financement des entreprises qui sont confrontées à une raréfaction des crédits bancaires. En outre, le système du Livret A est très coûteux. Pour assurer la liquidité et la sécurité totale, la moitié de l’encours est placée, sous forme de titres monétaires et d’obligations d’Etat, sur un fond d’épargne géré par la Caisse des Dépôts. Les frais de collecte et de gestion de cette épargne à court terme renchérissent les coûts pour les organismes de logement social au point qu’ils peuvent avoir intérêt à se tourner vers les marchés financiers pour trouver des ressources. De ce fait, les pouvoirs publics sont contraints d’abaisser au maximum le rendement du Livret A.

Malgré sa faible rémunération, malgré son coût pour l’économie, le Livret A fait partie des incontournables en matière de patrimoine et d’épargne. Tout Français se doit d’avoir le sien et il est fort à parier que 2013 sera encore une bonne année pour ce placement. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas interdit à l’épargnant de regarder ailleurs si d’autres placements ne sont pas plus rémunérateurs.

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