Elections italiennes : Beppe Grillo, cet objet politique non identifié qui pourrait perturber le déroulement des élections futures<!-- --> | Atlantico.fr
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Beppe Grillo cet objet politique non identifié.
Beppe Grillo cet objet politique non identifié.
©Reuters

Drôle de surprise

L'ex-humoriste et son parti, le Mouvement Cinq Etoiles, ont dernièrement été crédités de 25% d'intentions de vote dans une élection qui sera probablement révélatrice des nouvelles donnes politiques européennes.

Magali Balent

Magali Balent

Magali Balent est chercheur associé à l’IRIS et maître de conférences à Sciences Po.

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Atlantico : Beppe Grillo a basé son succès sur une campagne décalée tout en dénonçant les politiques d'austérité. Comment pourrait-on expliquer la réussite de cet objet politique non identifié ?

Magali Balent : Je dirais que c'est un candidat qui est à l'image des évolutions politiques en Europe. Beppe Grillo incarne tout d'abord le rejet de la classe politique traditionnelle en affirmant qu'il souhaite lutter contre l'élitisme et la corruption des partis. Il prétend ne pas manier la langue de bois et brise les codes de la communication classique. Il s'inscrit ensuite dans l'émergence des rhétoriques populistes qui prennent racine un peu partout sur le Continent : la dureté de la crise et les méthodes impopulaires du gouvernement incitent à la "démagogie" dans le sens où l'on promet l'irréaliste. Les peuples ont besoin au fond d'eux d'entrevoir un avenir meilleur et il devient plus facile à mon sens de tomber dans des promesses au sérieux douteux. Son ascension dans les sondages est par ailleurs le reflet de ce que le politologue Ronald Inglehart appelait le post-matérialismequi ferait que le désir d'une meilleure qualité de vie supplanterait désormais les désirs "sécuritaires" (dans le sens socio-économique, ndlr). Le programme du Mouvement Cinq Etoiles aborde les questions de l'environnement, de la santé, de la démocratie participative, des transports, avec en toile de fond une logique assez humaniste. Les thématiques plus traditionnelles axées sur l'opposition marxisme/capitalisme n'ont plus le même écho qu'auparavant et cela peut expliquer le succès actuel de cet ancien humoriste.

Le caractère plutôt inédit du populisme incarné par Beppe Grillo est qu'il s'adresse davantage aux classes moyennes, relativement moins préocuppées par les problèmes économiques que les couches populaires. C'est en quelque sorte l'alliance d'un discours populiste avec un contenu plus directement "démagogique" dans le sens où il ne répond pas une idéologie particulière comme avec l'extrême gauche ou l'extrême droite.

Bien qu'il ait commencé sa carrière comme vedette du petit écran, le leader du Mouvement Cinq Etoiles dénonce aujourd'hui vertement le prisme des médias. Comment s'explique ce paradoxe ?

Cette contradiction est justement révélatrice de son aspect populiste. Il critique la politique tout en faisant et jette la pierre aux élites bien qu'il en fasse partie. On peut dire cependant qu'il est au moins en accord avec son discours sur un point, à savoir le fait qu'il refuse d'être relayé par les média traditionnels. Sa campagne passe beaucoup par Internet mais occupe très peu d'espace à la télé où à la radio par exemple.

Je dirais par ailleurs que les médias sont classiquement considérés comme les relais de l'élite dans la plupart des formations populistes européennes. Il s'agit donc là d'un angle d'attaque incontournable pour ce tribun qui se présente comme le défenseur des intérêts du peuple.

Peut-on faire un parallèle avec le Parti Pirate allemand qui base aussi une bonne partie de son discours sur les thématiques numériques ?

A mon avis oui. Les valeurs post-matérialistes déjà évoquées se retrouvent dans le message porté par le Piraten Partei. Ces thématiques autrefois marginales comme l'environnement et l'Internet sont au centre des deux formations et s'inscrivent dans une autre représentation des devoirs de l'Etat à l'égard des citoyens. On trouve aussi la même volonté de promouvoir une autre démocratie, qui ne passerait plus tant par les technocrates que par une participation active de la population grâce aux nouvelles technologies. Il y a aussi en commun l'idée d'une société délivrée de la corruption politique, ce qui reste un schéma très caricatural. Enfin, l'on peut dire que la crise de la représentation politique, alimentée par le déclin du militantisme et la dévalorisation du vote, a permis dans les deux cas d'attirer les projecteurs sur ces nouvelles offres démocratiques.

Bien que ses chances de victoire soient minces, Beppe Grillo sera probablement le troisième homme de cette élection. Quel peut-être son avenir politique ?

Le Mouvement Cinq Etoiles est différent des formations populistes classiques au sens où son populisme n’est pas idéologique. Il n’est qu’une rhétorique protestataire et je ne pense pas, en dépit des bons scores qu’il atteindra aux élections parlementaires, que ce parti réussira à convaincre sur le long terme et à susciter un vote d’adhésion à son « programme ». Il peut néanmoins devenir un curseur important de la vie politique nationale, un élément qui viendrait perturber régulièrement les élections futures. L’avenir de Beppe Grillo n’est donc pas certain et dépendra de sa capacité à formuler des propositions crédibles pour que le vote à son égard se transforme en véritable vote d’adhésion durable. 

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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