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Le fact checking constitue-t-il forcément une avancée démocratique ?
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Enfin les vrais chiffres ?!

Le fact checking, qui consiste à vérifier les informations données, parfois en temps réel, connaît un boom sur Internet, en télévision et en radio. Mentir sur les chiffres deviendrait donc difficile pour les hommes politiques... En effet, cette invention que l'on doit à la presse américaine pourrait bien révolutionner les débats. Mais le fact checking constitue-t-il forcément une avancée démocratique ?

Jean-Marie Charon

Jean-Marie Charon

Jean-Marie Charon est sociologue, spécialiste des médias et chercheur au CNRS. Il a notamment co-dirigé avec Arnaud Mercier l'ouvrage collectif Armes de communication massives : Informations de guerre en Irak 1991-2003  chez CNRS Éditions

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Atlantico : Le fact checking constitue-t-il forcément une avancée démocratique ?

Jean-Marie Charon :Pour que le fact checking soit une avancée pour l’information et la démocratie il faut qu’il constitue un pas de côté vis-à-vis d’une actualité dont le rythme s’accélère sans cesse. L’équipe de fact checking qui suit l’actualité choisit dans celle-ci les sujets qui méritent d’être validés, vérifiés, enrichis. C’est dire que le fact checking est pratiqué par des journalistes expérimentés, qui sont susceptibles d’être alertés par une thèse, une affirmation, des chiffres, qui posent problème. Ils sont aussi des journalistes qui connaissent les ressources en matière de données, de connaissance et de documentation. Des journalistes qui savent mobiliser ces ressources permettant la vérification. Enfin des journalistes qui sauront expliquer en quoi une affirmation a pu être biaisée, sortie de son contexte ou complètement fausse, avec le souci de fournir au public les liens qui lui permettent de vérifier et comprendre à son tour. Si le fact checking s’enferme dans l’immédiateté ou la seule question des chiffres, il s’engage dans une impasse, s’exposant à superposer des approximations sur des approximations, sans permettre d’exprimer le potentiel de pédagogie qu’il recèle pour le public. C’est le programme que s’était fixé Politifact aux Etats-Unis, et c’est la démarche employée par des applications comme « désintox » (Libération) ou les « décodeurs » (Le Monde).

Comment utiliser de façon optimale cette méthode ?

A mon sens, la démarche la plus intéressante en matière de fact checking est celle qui ne se donne pas a priori de délais dans le traitement du sujet. L’avantage est double : d’abord il offre la garantie que le travail de vérification sera poussé à son terme, surtout si le sujet est complexe. Ensuite il s’agit d’une opportunité de revenir sur un fait, un évènement, une déclaration alors que précisément l’une des grandes faiblesses d’une information aussi abondante, délivrée à un rythme soutenu, c’est de ne jamais permettre de revenir sur l'annonce pour la remettre en perspective, en comprendre la portée. De ce point de vue le « véritomètre » qui n’est qu’un gadget marketing inventé par Politifact risque d’appauvrir le potentiel du fact checking en le soumettant aux exigences du rythme de la télévision. L’enjeu du fact checking, n’est pas une prouesse journalistique. Il ne s’agit pas d’instaurer le journaliste en position de savant suprême face à des acteurs politiques, économiques, etc. Ignorants ou truqueurs. Dans une période où le journaliste, comme le politique, se heurte à la défiance, il apporte alors des éléments de compréhension, des instruments d’analyse, des méthodes permettant de prendre du recul, au profit du citoyen, et de l’honnête homme.

L'opinion s'intéresse-t-elle vraiment à la véracité des chiffres ?

L’opinion ou le public, n’est pas un, surtout dans des sociétés aussi complexes dont le niveau de connaissances et de compétences s’élève sans cesse. L’un des principaux reproches fait aux journalistes de la part des destinataires de l’information c’est précisément le manque de fiabilité, de la petite approximation au gros contresens, en passant par l’incapacité à rectifier les discours orientés des acteurs de l’actualité. Il faut aussi distinguer les temps dans les réactions du public, qui peut être séduit, voire subjugué par la performance d’un acteur politique (discours, interview, etc.) alors que dans un second temps apparaîtra dans l’expérience vécue, tout l’écart à la réalité. Et c’est alors au journaliste que sera reproché de ne pas l’avoir perçu, dénoncé. Et c’est en quoi le fact checking apparaît comme une réponse adaptée, y compris dans cette temporalité décalée.

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