Ces idées reçues qu'il faut dépasser pour mieux comprendre les révolutions arabes<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants tunisiens.
Des manifestants tunisiens.
©Reuters

Au-delà des clichés

Les événements politiques en Egypte et en Tunisie sont aujourd'hui entrés dans une nouvelle phase, dévoilant un scénario bien différent de celui qui avait été dessiné il y a deux ans par l'Occident...

Olivier Roy

Olivier Roy

Olivier Roy est un politologue français, spécialiste de l'islam.

Il dirige le Programme méditerranéen à l'Institut universitaire européen de Florence en Italie. Il est l'auteur notamment de Généalogie de l'IslamismeSon dernier livre, Le djihad et la mort, est paru en octobre aux éditions du Seuil. 

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Atlantico : Les révolutions d'Egypte et de Tunisie ont fait consensus dans le sens ou elles ont permis le départ de régimes autoritaristes ?

Consensus momentané dans l'opinion publique, mais les réticences étaient claires parmi beaucoup de gouvernements, précisément par peur d'une victoire islamiste. Il faut voir que depuis trente ans, toute la stratégie occidentale est basée sur l'idée (fausse comme on l'a vu): les dictatures protègent de la menace islamique (or elles sont trop faibles pour jouer ce rôle). Et cette idée était aussi partagée par beaucoup de laïcs, y compris en Tunisie. En un mot les libéraux (c'est à dire les laïcs) ne sont pas tous démocrates (et inversement les démocrates ne sont pas tous des libéraux).

Peut-on réellement parler d'un triomphe de l'islamisme ? N'est-on pas en train d'entrer plutôt dans une phase autoritariste des révolutions ?

On confond deux choses: l'arrivée au pouvoir de partis islamistes et le triomphe de l'idéologie islamiste. L'arrivée au pouvoir des islamistes était mécanique: ils représentaient le seul parti structuré et connu, apparaissant comme conciliant les valeurs traditionnelles, la démocratie et l'efficacité, bref "élections, charia et électricité". Mais l'arrivée au pouvoir des islamistes a mis en lumière ce que j'ai appelé il y a vingt ans "L'Echec de l'Islam politique", à savoir l'incapacité de l'idéologie islamiste à générer un programme de gouvernement, à part de vagues mesures d'islamisation symboliques.

Les islamistes au pouvoir, en Egypte comme en Tunisie, ont déçu plus par leur incompétence que par leur idéologie. Du coup ils se moulent dans la structure de pouvoir autoritaire dont ils ont hérité. Mais ça ne marche pas: la vieille culture politique de la soumission et de la peur a disparu: la rue proteste, la presse se libère, et même les autorités religieuses ne veulent plus de contrôle de l'Etat. Plus les islamistes tenteront l'alliance avec les forces de sécurité, plus ils se discréditeront, sans pour autant relancer l'économie. L'exercice du pouvoir c'est la mort de l'idéologie.

D'aucuns évoquaient, aux lendemains des départs de Moubarak et de Ben Ali, une chance historique pour les femmes musulmanes vivant dans ces pays. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Il faut distinguer entre le temps longs des changements sociologiques et le temps, non pas court, mais bref, des évènements. L'émancipation des femmes ne dépend pas de décrets gouvernementaux mais d'un changement à la fois sociologique et culturel. Or ce changement est en cours: les femmes sont désormais souvent majoritaires à l'université, elles sont entrées dans le marché du travaillent, elles s'expriment dans la rue comme sur l'Internet, les structures familiales évoluent (de la famille étendue au couple voire à la mère célibataire).

Il ne faut pas voir les choses uniquement du point de vue des féministes laïques, il y a aussi un mouvement d'émancipation sous des couleurs plus conservatrices (ce qu'on a appelé le féminisme islamique). Ces évolutions créent des tensions et des réactions, en particulier contre l'irruption des femmes dans l'espace public (en ce sens les agressions sexuelles sont très politiques). Il faut s'attendre donc à une bataille au niveau des lois, certains (et pas seulement les islamistes) cherchant à ramener les femmes à la maison, d'autres à inscrire dans la loi leur émancipation.  Mais la tendance de fond est celle de l'émancipation et de l'égalité

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