Est-ce que nous nous dirigeons vers la tempête parfaite sur le marché de la dette ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le marché obligataire est en train de changer de forme.
Le marché obligataire est en train de changer de forme.
©Reuters

Alerte

Le marché obligataire est en train de changer de forme et cette mutation pourrait bien contenir des dangers insoupçonnés et potentiellement dévastateurs.

Manuel Maleki

Manuel Maleki

Manuel Maleki est Docteur en Sciences Economiques à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il est spécialiste des questions de réformes. Il a travaillé à Londres dans une grande institution financière avant de rejoindre les équipes de la recherche économique du groupe ING en tant que Senior Economiste.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel.

 

Voir la bio »

Il est clair que le marché obligataire tant des entreprises que des Etats a changé depuis quelques années. Le paradigme consistant à considérer que les Etats étaient des placements sûrs à voler en éclat devant les difficultés économiques des pays de la zone euro et les conflits institutionnels aux Etats-Unis (fiscal cliff). Tous ces évènements ont montré que placer son argent en bonds du trésor était aussi une activité risquée. Dès lors, le marché obligataire est devenu bien plus volatil entraînant des variations à la hausse comme à la baisse. Ainsi, le comportement de ce marché se rapproche de celui du marché des actions. Ils offrent donc des opportunités de profit mais aussi bien plus de risques. Or, comme le note l’auteur, le marché obligataire est bien moins sophistiqué que le marché action et autorise largement les transactions de gré-à-gré rendant le marché assez opaque et donc plus dangereux car plus à même de changer de direction en fonction d’une information non-anticipée.

Si ce marché drainait peu de capitaux le problème serait assez anecdotique. Or, il représente un secteur de plus en plus important (par exemple, les entreprises américaines ont émis pour USD 1.3  trillion d’obligation en 2012 établissant un nouveau record). Cette tendance est naturellement liée à la faiblesse des taux d’intérêt et la politique bienveillante des principales banques centrales. En effet, ces dernières ont abaissé leurs taux à des niveaux très faibles impactant de façon indirecte le reste des taux. Ainsi, des entreprises américaines vues comme ayant un profil risqué peuvent maintenant emprunter à moins de 6%, un  record. Or, le niveau des taux est normalement un indicateur de risque et il ne semble pas y avoir de raisons objectives pour que le profil de ces entreprises s’améliore alors que la situation macroéconomique présente encore de nombreux risques et que les Etats-Unis peinent à retrouver une croissance forte et nous ne parlons pas de la zone euro. Evidemment ce taux doit s’analyser à la lumière des autres taux des emprunteurs et là nous obtenons des situations paradoxales où des Etats empruntent à plus chers que des entreprises de la même nationalité. Tous ces dérèglements peuvent s’avérer dangereux et mettre en péril le fonctionnement du marché si, par exemple, ces entreprises au profil risqué venaient à faire défaut. Toutefois, le comportement des investisseurs s’appuient sur la nécessité de dégager des profits en vue de rémunérer les actionnaires ou tout simplement les personnes ayant investi dans une assurance vie et qui espèrent un rendement confortable. Puisque les placements les plus sûrs n’offrent plus de rendement suffisant alors ils vont chercher des investissements plus risqués et puisque les actions ont de mauvaises performances ces derniers temps, ils se dirigent vers les obligations.

Enfin, un élément important à garder à l’esprit actuellement est qu’une remontée des taux pourrait avoir un fort impact sur le marché obligataire. Quand les émetteurs (Etats, entreprises) proposeront des taux plus avantageux les investisseurs voudront se diriger vers ces placements. Or, ils seront incités à vendre leurs vieilles obligations à faible rendement pour investir vers les nouvelles obligations. Or il est probable qu’il n’y aura pas d’acheteurs (qui voudraient acheter des obligations à taux faible s’il peut en avoir avec un rendement plus élevé ?). Ainsi, ces anciennes obligations pourraient perdre beaucoup de leur valeur posant un problème important à leurs détenteurs.

En conclusion, il est clair que des taux faibles ont des avantages clairs pour relancer l’économie faciliter les investissements et in fine soutenir l’économie. Toutefois, cette situation n’est pas exempt de risques et peut distordre le marché et avoir des conséquences fortes. Même si ce ne sont que des risques potentiels il est tout de même nécessaire de les avoir à l’esprit.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !