La résistance aux antibiotiques nous mène-t-elle à une hécatombe en 2050 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de pathologies sont résistantes aux antibiotiques existants.
De plus en plus de pathologies sont résistantes aux antibiotiques existants.
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Santé

La capacité de notre organisme à résister aux effets des antibiotiques pourrait bien nous conduire à une situation sanitaire désastreuse. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Marc Girard

Marc Girard

Marc Girard est médecin et a mené des recherches sur la modélisation mathématique en biologie. Il est désormais spécialiste du médicament et a travaillé avec plusieurs usines pharmaceutiques. Il occupe désormais les fonctions d'expert judiciaire et a couvert quelques scandales de santé publique telle que les hormones de croissance. 

Il est l'auteur de Médicaments dangereux : à qui la faute ? publié aux éditions Danglès en 2011.

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Médecin hygiéniste en chef au Royaume Uni, Dame Sally Claire Davies vient de mettre en garde ses concitoyens sur la menace de la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques, menace qui serait désormais aussi sérieuse que le terrorisme, et pourrait déclencher un "scénario apocalyptique".

De plus en plus de pathologies sont en effet résistantes aux antibiotiques existants, souvent trop utilisés, et il est de plus en plus difficile de développer de nouveau antibiotiques pour les combattre. Selon elle, d'ici 20 ans, il pourrait devenir courant les patients décèdent à cause d'infections de routine suite à des opérations, faute d'antibiotiques efficaces.

Voici dix ans ou à peine plus, quand vous téléphoniez à un ami pour lui dire que vous aviez la grippe, vous vous entendiez recommander de prendre une aspirine et un grog (pardon : un « bon » grog), puis d’aller au lit : ce n’est pas rien, en si peu de temps, d’avoir réussi à transformer une aussi banale infection saisonnière en menace sanitaire de premier plan pour le monde entier. Ce l’est d’autant moins que l’on connaît parfaitement les auteurs de cette escroquerie (les lobbies pharmaceutiques), leurs complices (les autorités sanitaires – OMS et ministres inclus – et leurs experts), son mobile (l’argent facile), ainsi que son mode opératoire (l’affolement des populations grâce aux médias).

Et pendant ce temps-là, en silence sinon sans dégâts, rôde l’incommensurable menace sanitaire d’infections bactériennes résistantes à toute antibiothérapie, qui nous ramènerait aux temps pas si lointains où, nonobstant le rôle majoritairement favorable des infections virales (comme la grippe) sur l’entretien et la re-stimulation du système immunitaire des gens, l’humanité vivait dans un état de précarité quotidienne absolue à l’égard du moindre staphylocoque ou du moindre streptocoque : cherchez l’erreur…

Du point de vue politique qui est celui du site Atlantico, cette terrible menace des résistances antibiotiques est d’autant plus instructive qu’elle apparaît comme un fort efficace décodeur des déterminismes rendant compte des grandes affaires de santé publique.

  • La fourberie des politiques, prompts à s’exhiber comme « ne décolérant pas » devant quelques histoires médico-légales faciles ressassées jusqu’à l’écoeurement par des médias complaisants, mais essentiellement passifs – voire carrément complices – devant des scandales vertigineux imputables à leur connivence à l’endroit des lobbies. Ainsi, même s’il est difficile d’obtenir des chiffres précis quant au pourcentage de consommation concerné (certains disent jusqu’à 50%), les sources convergent pour faire de la surconsommation vétérinaire une cause majeure des résistances antibiotiques, sachant qu’outre un usage anti-infectieux lié à des conditions d’élevage qui défient l’entendement (pour ne point parler de la morale), une bonne part de cette surconsommation tient à une indication anabolisante : il n’est nul besoin d’experts ni d’expertises contradictoires derrière quoi s’abriter pour constater qu’administrer des antibiotiques afin de faire grossir les animaux est un non-sens. En revanche, il devrait aller de soi que les décisions d’interdiction n’ont d’intérêt que si elles s’accompagnent d’une volonté éminemment politique visant : 1/ leur respect effectif (d’où nécessité de contrôles et, plus encore, de sanctions dissuasives) ; 2/ leur élargissement à l’échelle internationale.
  • L’hypocrisie des médecins, toujours prompts à se défausser en dénonçant sans preuve les Français comme « les plus gros consommateurs de médicaments » au mépris de ce contre-exemple patent : si la France se trouve l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques alors que la quasi-totalité de ces produits ne peut être délivrée que sous ordonnance, qui sont les véritables responsables ? Au chapitre des incongruités médicales, mention spéciale, aussi, pour les pédiatres : en deux ans passés au Service d’ORL de Necker-Enfants Malades, j’ai vu en tout et pour tout une fois un étudiant pédiatre venir faire un stage de trois semaines : c’est dire comme les pédiatres ont été formés à ce qui doit pourtant constituer 90% de la pathologie infantile, à savoir les maladies ORL – tellement pourvoyeuses de prescriptions antibiotiques abusives.
  • L’écoeurante gloutonnerie des lobbies financiers qui n’ont eu besoin que de quelques décennies pour vider l’industrie pharmaceutique de son savoir-faire traditionnel – dont la mise au point d’antibiotiques fabuleux avait naguère représenté l’un de ses plus glorieux titres de gloire. C’est tellement plus rentable de bricoler, parfois en quelques semaines, des vaccins contre tout et n’importe quoi qu’une règlementation scandaleusement connivente dispense désormais de toute contrainte sérieuse en matière de développement, en sachant qu’avec la complicité des politiques, on parviendra ensuite à obtenir des prix vertigineux, assortis parfois de remboursements iniques, voire d’obligations révoltantes.
On pourrait croire qu’en retombant ainsi sur les politiques, la boucle a été bouclée : mais il faudrait parler aussi des autorités sanitaires (dans leurs prérogatives d’autorisation, de contrôle, de fixation des prix, d’ouverture au remboursement), des citoyens (pas seulement les Français) dans leur pusillanimité consumériste qui les conduit à consulter pour un pour un non, des journalistes dans leur propension à obscurcir l’essentiel au profit d’histoires de chasse, des magistrats et autres instances de sanction (Ordres professionnels…) dans leur culture de l’impunité, etc.

Pas la place, malheureusement…

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