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Faillite de l’Etat et déficits abyssaux : qui paie la facture, qui en profite ?
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Sonnette d'alarme

Dimanche dernier sur Radio J, Michel Sapin parlait de la France en faisant référence à « un Etat totalement en faillite ! ». Cette phrase a été par la suite démentie par le ministre du Travail.

Simone Wapler

Simone Wapler

Simone Wapler est rédactrice en Chef des Publications Agora (analyses et conseils financiers).

Elle est l'auteur de "Comment l'Etat va faire main basse sur votre argent: ... et ce que vous devez faire pour vous en sortir !", paru chez Ixelles Editions en mars 2013.

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Atlantico : Le ministre du Travail a récemment parlé de la France comme d'un "Etat totalement en faillite". Sur qui pèse aujourd'hui le financement de notre dette ?

Simone Wapler : Le financement de cette dette repose sur tout le monde : l’ensemble des contribuables et des entreprises. La charge de la dette - c’est à dire le remboursement des intérêts - est depuis septembre 2012 le premier poste du budget de l’État et représente 47 Mds€. Avant de payer nos fonctionnaires, l’éducation nationale, l’armée, la police, la justice nous payons les intérêts de cette dette.

La charge de la dette est le plus gros poste de dépense alors même que les taux d’intérêt sont au plus bas depuis 260 ans. Nul besoin d’avoir fait l’ENA pour comprendre qu’à la moindre remontée des taux, tout explose.

Pour échapper à la faillite, l’État incapable de réduire ses dépenses doit augmenter ses recettes, c’est à dire les impôts et taxes. C’est pourquoi nous avons atteint le statut d’enfer fiscal. L’intensité des flammes va maintenant augmenter.

Qui la finance ? A qui profite notre niveau d'endettement ?

Les souscripteurs nationaux sont nos banques et assureurs mais nos créanciers sont au deux tiers étrangers, selon l’Agence France Trésor. Il s’agit de fonds de pension qui ont besoin d’investir en euros, de pays exportateurs de pétrole, des pays émergents. En 2012, la Suisse a été un gros acheteur de dettes d’État en euro pour maintenir la parité euro franc suisse au niveau de 1,20. La Suisse a ainsi financé une bonne part des déficits des pays européens, à commencer par le nôtre.

Depuis la crise, nous vivons ce que le FMI appelle une situation de « répression financière » : les taux d’intérêt sont maintenus artificiellement bas et les dettes souveraines des pays développés rapportent moins que l’inflation. Cependant, nos créanciers souscrivent toujours car ils sont dans la très inconfortable situation du patron d’entreprise dont le gros client s’enfonce dans l’insolvabilité. Couper la ligne de crédit du gros client accélère sa faillite et note patron risque de se retrouver confronté à un gros impayé. Face à ce dilemme, que faire ? Souscrire, mais de moins en moins, pour des durées plus courtes et se chercher d’autres clients. C’est exactement ce que font nos créanciers.

Soyons sérieux. Notre niveau d’endettement ne profite plus à personne. Il fait peur.

Malgré ce que laisse sous-entendre Michel Sapin, la situation est-elle aujourd'hui préoccupante ? Jusqu'où sera-t-elle soutenable ?

La situation est très préoccupante car la France est « trop grosse pour faire faillite ». Si la France se retrouve dans la même situation que la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, c’en est fini de l’euro, du MES, du FESF et autres mascarades. C’est tout simplement l’effondrement de la pyramide de dette et du système « j’emprunte pour rembourser ce que je ne peux pas rembourser ». Ce système ne tenait que parce que les taux baissaient et que chaque emprunt suivant coûtait moins cher. Il est intenable lorsque les taux montent.

La limite du supportable sera atteinte lorsque les taux d’intérêt sur l’OAT (Obligation Assimilable du Trésor) à 10 ans dépasseront 4%. Car sur les marchés obligataires, des taux qui montent signifies des obligations qui baissent. Au-delà de ce taux, banques et assurances auront des pertes qui vont consommer leurs fonds propres. On réenclenchera le cycle connu selon lequel l’État insolvable sauve des banques insolvables.

Vous pouvez suivre le taux de l’OAT sur le site de la Banque de France. Vous constaterez que le 28 janvier, la dernière adjudication des obligations françaises s’est faite à un taux sensiblement supérieur à ceux qui prévalaient depuis plusieurs mois.

Quelles seraient les conséquences d'une faillite ? Pourrait-elle d'ailleurs avoir des vertus ?

Les conséquences d’une faillite seraient évidemment dramatiques pour la vie quotidienne en France et les épargnants. Dans mon livre Pourquoi la France va faire faillite j’ai décrit ces conséquences. Deux chiffres pour vous montrer l’ampleur de ce qui nous attendrait.

Faire faillite veut dire que l’État devrait du jour au lendemain apprendre à vivre selon ses moyens. Or le véritable déficit n’est pas de 3 %, il est de 20 %. En effet, le déficit est s’écrit

(Dépenses – recettes) / Recettes

Les recettes sont bien évidemment les recettes fiscales. Si vous partez de là, la situation est effrayante. Selon le projet de loi de finances 2013 nous avons en Mds€

(374,6 – 312,7) /312,71

soit 20 % de déficit.

Donc l’État doit immédiatement réduire son train de vie de 20%. D’où l’importance du deuxième chiffre : 30% du budget des ménages provient des dépenses de redistribution.

L’autre solution pour retarder la faillite consistera à réquisitionner purement et simplement l’épargne des Français. En face de nos 1 800 Mds€ de stock de dette il y a 1 230 Mds€ d’assurance vie et 571 Mds€ de livrets, soit 1 811 Mds€. Nos créanciers étrangers le savent et ils savent que les 120 000 fonctionnaires de Bercy sauront mobiliser cette épargne pour les rembourser en cas d’urgence.

J’exagère ? Non. Dans mon livre à paraître en mars prochain, Main basse sur votre argent, je passe en revue la mécanique de la « répression financière » qui va se mettre en place.

Tout va s’accélérer avec la remontée progressive des taux qui se fait déjà sentir. Plus d’argent sur les marchés actions (et vous lisez partout que merveilleux, formidable, l’argent afflue à nouveau en Bourse), c’est moins d’argent sur le marché obligataire. Sauf à l’imprimer, bien sûr… Dans ce cas, la fin de partie se jouera dans l’hyperinflation qui balaiera une population vieillissante dans un pays sans croissance.

Toutefois, la faillite a des vertus. Le capitalisme sans la faillite est comme le communisme sans le goulag, un système inepte. Le capitalisme sans la faillite est incapable de se corriger. Nous avons un système pervers qui protège ceux qui sont en place et leurs « avantages acquis » et exclut ceux qui sont hors système. Il s’agit d’un système dévoyé défendu par des élites uniquement préoccupées par l’achat de leurs électeurs qu’ils corrompent en leur distribuant de l’argent qu’ils n’ont pas.

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