Fuite de gaz géante à Rouen : que se serait-il passé s'il avait été toxique (et d'ailleurs en aurions-nous été informés) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Que se passe-t-il dans le cas où l'on considère qu'il y a un véritable danger pour les populations avoisinantes ?
Que se passe-t-il dans le cas où l'on considère qu'il y a un véritable danger pour les populations avoisinantes ?
©Flickr / Marmotte73

Sortez les masques

Alors que du mercaptan, un gaz nauséabond qui peut se révéler toxique à forte concentration, s'échappe depuis lundi de Lubrizol, une usine chimique de Rouen (Seine-Maritime), les opérations de colmatage ont débuté mercredi peu avant 1 heure du matin.

Christian  Sommade

Christian Sommade

Christian Sommade est délégué général du haut-comité français pour la défense civile (HCFDC) chargé de gérer les situations à risque

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Atlantico : L'incident à l'usine Lubrizol de Rouen a été rapidement communiqué dans la presse dès le matin du 22 janvier. Si la situation avait été critique sur le site, comment aurait-elle été gérée ?

Christian Sommade : Dans le cadre d'un accident majeur sur un site chimique classé SEVESO, notamment seuil haut, c'est l'exploitant qui est responsable du déclenchement de l'alerte pour les populations immédiatement avoisinantes, si bien évidemment, il y a danger. Parallèlement, le responsable de l'exploitation déclenche son plan d'opération interne (POI)  pour faire face à l'incident. Si l'incident provoque un risque au-delà du périmètre de l'installation industrielle, l'exploitant doit appeler les secours, les sapeurs-pompiers qui vont alors déclencher, sous l'ordre du préfet, Directeur des opérations de secours (DOS), le plan particulier d'intervention (PPI). Parallèlement, si la crise revêt une certaine importance, le préfet va activer son COD (Centre opérationnel de défense) qui va rassembler l'ensemble des acteurs concernés par la crise en vue de coordonner les actions de secours, de protection, de sauvegarde des populations. Dans le cas présent, on peut imaginer que le préfet a réuni les responsables en matière de secours : sapeurs-pompiers, services médicaux d'urgence, hopitaux, police, gendarmerie; mais aussi, les responsables de l'environnement tant au niveau du département que la région (DREAL). Pour ce faire il s'appuiee également au sein du COD sur le service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) au sein de sa préfecture, qui assure la coordination des plans de secours niveau départemental, et souvent la conduite pratique du COD. Au plan territorial, au-delà du département, c'est la zone de défense ou les zones de défense concernées qui font le relais et la coordination de moyens supplémentaires qui seraient nécessaires au département. En l'occurrence dans ce cas, c'est la zone de défense de Paris Île-de-France qui a été sollicité.

Au plan national, le centre opérationnel de gestion interministériel de crise (COGIC)  de la direction générale de la sécurité civile de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère intérieur assure l'information du gouvernement et la coordination des secours au plan national. Dans le cadre de crise intersectorielles, c'est-à-dire qui touche plus d'un secteur d'activité et qui sont complexes et qui nécessite une coordination interministérielle, le premier ministre peut décider, à sa demande, ou à la demande d'un ministre, le déclenchement d'une cellule interministérielle de crise, qui  se réunira le plus souvent au centre interministériel de gestion de crise du ministère de l'intérieur installé place Beauvau,  si la crise concerne le territoire national. Ce qui est étonnant dans  ce cas,  c'est la réunion de cette "CIC" pour un évènement qui n'a engendré que du désagrément. Certes sérieux, mais sans danger, sans victime, et sans conséquence majeure.  Cela confine peut-être à un réflexe  de précaution ? 


Que se passe-t-il dans le cas où l'on considère qu'il y a un véritable danger pour les populations avoisinantes ? Y'a t-il un seuil qui détermine ou non l'intervention des secours publics ?

Les seuils de danger sur les produits chimiques sont connus font l'objet d'une documentation très abondante que connaissent bien les sapeurs-pompiers. S'il y a un danger immédiat  pour les populations, les sapeurs-pompiers et notamment les cellules mobiles d'intervention chimique ont les capacités de déterminer le type et la nature du danger, au moins pour prendre des actions réflexes. Néanmoins le déclenchement de faire appel aux sapeurs-pompiers est de la responsabilité de l'exploitant.

Comment informe-t-on les populations menacées ? Y a t-il dans ce cas un ordre de priorité et comment évite t-on la panique ?

Les populations sont informées, si elles sont dans la zone de danger immédiat,  par les sirènes mises en place par l'exploitant. Ces sirènes sont complétées éventuellement par des sirènes mobiles des sapeurs-pompiers. Il existe également des conventions avec Radio France  et les radios locales pour diffuser l'alerte. Si le risque dépasse les zones de danger prévus dans le PPI, l'alerte aux populations doit être réalisé par les maires, sur information des préfectures. La France a malheureusement aujourd'hui un système d'alerte ancien et obsolète. Ce qui fait que beaucoup de mairies n'ont absolument aucun moyen d'alerter directement les populations, se remettant finalement aux médias. Depuis déjà plusieurs années, un nouveau programme est en cours de gestation ministère de l'intérieur appelé  SAIP  (systèmes d'alerte et d'information des populations). Malheureusement, des coupes de crédits font que ce programme a beaucoup de mal à se mettre en place. Il est basé sur des  technologies qui ne sont pas aujourd'hui opérationnels vis-à-vis de l'alerte sur téléphone portable, nommé "Cell Boradcast", et n'intègre pas la dimension nouvelle et majeure des réseaux sociaux.Néanmoins, d'autres moyens d'alerte sont possibles au niveau des collectivités, soit par des campagnes de SMS en masse, ce qu'offre certains opérateurs  de télécommunications, soit par d'autres moyens notamment par des panneaux à messages variables, via les radios avec le système RDS. Tout cela relève simplement aujourd'hui d'une volonté politique propre à chaque maire  de vouloir faire ou non de la sécurité civile une politique municipale. Notamment avec l'adoption d'un plan communal de sauvegarde (PCS) encore trop peu développé dans notre pays, bien qu'obligatoire pour de nombreuses communes. Le PCS connue de la population permet à chacun de connaître son rôle dans le cadre d'une catastrophe et d'éviter ainsi tout mouvement de panique. Le Haut Comité Français pour la Défense Civile récompense chaque année plus de 40  villes dans leurs efforts de préparation aux situations d'urgence et de crise au travers de son label pavillon orange (www.pavillon-orange.org).

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