Et les Maliens du sud dans tout ça : y a-t-il un risque de crispation anti-française si le conflit se prolonge ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quel rôle la France peut-elle jouer dans la reconstruction ? Y a-t-il des possibilités de crispations ?
Quel rôle la France peut-elle jouer dans la reconstruction ? Y a-t-il des possibilités de crispations ?
©Flickr/openDemocracy

Girouette

Alors que les Maliens ont bien accueilli l'intervention française, la situation pourrait changer. L'expérience libyenne nous montre que l'enthousiasme lié à l'arrivée du "sauveur" ne dure généralement qu'un temps.

Malika  Groga-Bada

Malika Groga-Bada

Malika Groga-Bada est journaliste-reporter pour Jeune Afrique. Elle s'est plusieurs fois rendue au Mali et travaille actuellement sur l'état de l'opinion publique malienne face au conflit.

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Atlantico : Comment la population malienne a-telle accueilli l'intervention française ? Peut-on s'attendre à une évolution ?

Malika Groga Bada : L'accueil a été des plus chaleureux, les Maliens étant sincèrement soulagés et enthousiastes depuis le déclenchement de l'opération Serval. Pour un temps ils semblent avoir l'impression que tous leurs problèmes sont résolus grâce à l'intervention de Paris dans le nord : on trouve un peu partout dans la rue des drapeaux français et des messages de remerciements. Loin d'être vue comme une force d'occupation, l'armée française fait ici figure de partenaire venu secourir le Mali à la suite d'une demande officielle du gouvernement local.

On peut s'attendre néanmoins à un changement, cet état de grâce ne pouvant perdurer éternellement. Il n'y a qu'a se rappeler les récents exemples ivoiriens ou libyens pour se souvenir que l'enthousiasme lié à l'arrivée du "sauveur" ne dure qu'un temps. Les forces françaises resteront logiquement un certain temps dans la région et cela mène selon moi à deux options concrètement envisageable :

  • Premièrement les combats au Nord se font sans trop de victimes civiles, ce qui permettra à la France de conserver son statut de protectrice providentielle.

  • Deuxièmement le conflit s'enlise et les dommages collatéraux deviennent difficilement inévitables, avec par exemple des balles perdues ou encore la destructions de troupeaux pendant un bombardement. Si ces incidents s'accumulent il y a effectivement un risque de saturation des populations locales qui ont déjà beaucoup perdu.

Le pays est traversé par de profondes divisions politiques depuis le coup d'Etat de l'année dernière, cela peut-il se retourner contre la France à terme ?

Comme chacun sait la situation politique à Bamako est aujourd'hui extrêmement complexe. Le coup d'état du 21 mars dernier emmené par le capitaine Amadou Sanogo a divisé la population entre partisans et opposants du nouveau régime, ce qui ne fait que fragiliser l'autorité du nouveau président Dioncounda Traoré, dont la représentativité est déjà quasi-nulle. La grogne populaire s'illustre par l'émergence de la CoPaM (Convergence Patriotique pour le Mali, ndlr) qui est une coalition d'associations et de petits partis exigeant la mise en exécution de l'accord passé entre la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la junte militaire, dont l'objectif est d'assurer sereinement la transition démocratique.

Cet ensemble politique, au-delà de ses exigences, est fermement opposé à l'actuel président et penche plutôt pour le putschiste Sanogo, considéré comme plus charismatique et de meilleure initiative. M. Traoré de son côté est tenu comptable des errements de l'ancienne classe politique, à laquelle il appartient, et ce dernier ne semble de plus pas avoir les épaules pour gérer une situation aussi complexe et délicate que celle que vit aujourd'hui le Mali.

Il s'agit là d'une situation complexe à gérer alors que la France s'est engagée à la "démocratisation" du pays mais il ne faudrait pas minimiser le ressort de l'intérêt général dans un contexte aussi critique que celui du Mali actuellement.

A priori, Messieurs Traoré et Sanogo ils ont des relations cordiales. Dans la première semaine du mois de janvier de cette année, des manifestions violentes se sont produites dans les rues et certains slogans appelaient à la démission de Traoré. Beaucoup de Maliens sont persuadés que le capitaine Sanogo n’est pas étranger à ces manifestations car il aurait envie de revenir au centre du jeu et pourquoi pas devenir président.

La région est traditionnellement pratiquante d'un islam modéré, y a-t-il un risque de radicalisation de la population ?

Le phénomène wahhabisation (1) de l’islam malien qui est incontestable au même titre que la wahhabisation de l’islam ivoirien ou sénégalais par exemple. Je pense que cela peut s’expliquer par toutes les actions qui sont mises en place par les Wahhabites en Afrique subsaharienne. La vague est généralisée dans toute la sous-région mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils sont djhadistes.

Il y a effectivement une radicalisation de l’islam dans la région, on aperçoit de plus en plus de femmes voilées. Il faut mettre cela en perspectives avec les crises économiques, sociales et morales, ce qui pousse les gens à se raccrocher, entre autres, à la religion.


Quel rôle la France peut-elle jouer dans la reconstruction ? Y a-t-il des possibilités de crispations ?

La France doit absolument éviter de passer pour un donneur de leçon et se présenter davantage comme un accompagnateur, que ce soit pour la reconstruction de l’armée malienne ou pour la mise en place d'un processus électoral clair afin d'organiser l'élection présidentielle.

La stabilité au Mali relève-t-elle d'un doux mirage ou peut-elle s'envisager d'ici quelques mois ?

Il faut mieux le souhaiter. Je pense que cela n’est pas une option, nous avons intérêt à ce que le Mali soit stable. C’est un pays bien trop grand et central. Nous n’avons pas le choix, le Mali ne doit pas tomber aux mains des islamistes. 

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(1) Le Wahhabisme est un courant né en Arabie Saoudite et caractérisé par son interprétation littérale et rigoriste de l'islam. 

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