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2013 : à quoi s'attendre sur le front politique ?
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Prévisions

Si l'année 2012 a été marquée par une guerre fratricide à l'UMP, en 2013 ce pourrait bien être au tour du Parti socialiste de se déchirer.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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L'année 2012 aura été marquée par la guerre de succession de l’UMP, dans un duel extrêmement dur et très médiatisé entre Jean-François Copé et François Fillon. Il correspondait à la fracture ouverte entre droite néogaulliste et droite sécuritaire. Cette crise de l’UMP ne doit pas pour autant masquer la crise du PS. Cette dernière, moins mise en lumière, se caractérise par un conflit triangulaire entre François Hollande, Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon. Il correspond à la fracture croissante entre gauche social-démocrate et gauche socialiste.

La gauche social-démocrate est réformiste, puisqu’elle entend réformer le système et non pas en changer. Elle accepte donc l’économie de marché et le libre-échange. Son objectif est l’équité, entendue comme la réduction maximale des inégalités économiques et sociales les plus insupportables dans la société. Sa méthode est la démocratie sociale, entendue comme le dialogue entre l’Etat, le patronat, les syndicats et plus largement la société civile, pour établir un consensus sur les réformes à conduire. Son théoricien de référence est John Rawls, plus particulièrement sa Théorie de la Justice (1). Son penseur politique majeur le plus récent est Anthony Giddens, plus particulièrement sa Troisième Voie (2). Son porte-parole majeur en France est François Hollande. Significativement, ce dernier a d’ailleurs été président du club "Témoin" de Jacques Delors, qui préfaça la traduction française de la Troisième Voie de Giddens.

La gauche socialiste est révolutionnaire, puisqu’elle entend changer de système. Elle refuse donc l’économie de marché et le libre-échange : elle leur préfère le protectionnisme et une économie mixte pilotée par un Etat fort flanqué de grandes entreprises publiques. Son objectif est l’égalité politique, étendue à l’obtention des moyens économiques et sociaux de cette égalité. Sa méthode est le rapport de forces, entendu comme la confrontation entre la puissance publique et le secteur financier, pour soumettre l’activité économique à la volonté politique. Son théoricien de référence est Karl Marx, plus particulièrement Le Capital. Son penseur politique majeur le plus récent est Emmanuel Todd, plus particulièrement l’ouvrage Après la Démocratie (3), qui se conclut sur un plaidoyer pour le protectionnisme européen. Ses deux porte-parole majeurs en France sont Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon.

François Hollande, ancien Premier secrétaire du Parti socialiste, est chef de l’Etat dans le contexte de finances publiques sinistrées, d’une croissance nulle, d’un chômage en hausse persistante, d’une désindustrialisation qui s’accélère, et d’une flambée des prix des dépenses de base comme l’énergie, le logement et l’alimentation. En faisant le choix d’une politique d’austérité combinant réduction des dépenses publiques et augmentation des prélèvements obligatoires, il a pris le risque d’une augmentation mécanique de son impopularité. En faisant le choix d’une politique de compétitivité fondée sur la baisse des prélèvements obligatoires des entreprises et la hausse de ceux des ménages, il a également pris le risque de s’exposer à des critiques de son propre camp quant à une politique insuffisamment de gauche, voire excessivement de droite. Sa position à l’orée de 2013 est donc extrêmement fragile.

Parallèlement, c’est Arnaud Montebourg, ministre socialiste, et non pas Manuel Valls, que l’on pourrait qualifier de "Sarkozy de gauche".  Sa situation au sein du gouvernement ressemble en effet de façon frappante à celle de l’ancien ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac. À l’époque, Nicolas Sarkozy s’était démarqué par son volontarisme sur les dossiers de son ministère, sa présence répétée en première ligne sur le front médiatique, ses idées de réformes désapprouvées par le chef de l’Etat mais largement approuvées par l’opinion, et des désaccords publics assumés avec sa hiérarchie. Il était rapidement devenu ainsi le ministre le plus populaire du gouvernement et de fait, un candidat possible à la prochaine élection présidentielle. Symétriquement, en remplaçant la lutte contre l’insécurité par la lutte contre les délocalisations, Arnaud Montebourg reproduit exactement le même schéma. En d’autres termes, il constitue de facto un premier rival socialiste majeur au social-démocrate François Hollande pour le leadership de la gauche.

C’est dans ce contexte que se déploie la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, dissident du Parti socialiste ayant fondé le Front de gauche avec le soutien du Parti communiste. D’un côté, il fustige l’alignement de la politique de François Hollande sur les fondamentaux de la politique du précédent gouvernement, en particulier le traité budgétaire européen signé par Nicolas Sarkozy en 2011. De l’autre, il propose de façon répétée aux Verts et à l’aile gauche du Parti socialiste de constituer une majorité alternative qui instaurerait une politique protectionniste et une économie mixte pilotée par l’Etat. Il constitue donc un second rival socialiste majeur au social-démocrate François Hollande pour le leadership de la gauche.

Hollande, Montebourg, Mélenchon : les deux variables fondamentales de ce conflit triangulaire sont la désindustrialisation et la précarisation. Plus la désindustrialisation du pays ira en s’accroissant et en s’accélérant, plus la précarisation prise au sens large de la hausse du chômage et des prix des dépenses de base des ménages s’aggravera, et plus l’opinion soutiendra la ligne socialiste de Montebourg et de Mélenchon au détriment de la ligne social-démocrate de Hollande. Les sondages sur l’idée d’une nationalisation du site de Florange sont à cet égard un signe très clair d’une tendance de fond. En Grèce, la crise économique et sociale est d’ailleurs parvenue à un tel point de rupture qu’aux dernières élections législatives, l’alliance de la gauche socialiste et de l’extrême gauche est passée devant la gauche social-démocrate.

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(1) John RAWLS, Théorie de la Justice, Paris : Seuil, 1997, 2e édition.

(2) Anthony GIDDENS, La Troisième Voie : le renouveau de la social-démocratie, Paris : Seuil, 2002.

(3) Emmanuel TODD, Après la Démocratie, Paris : Seuil, 2008

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