L'assurance-vie victime de la hausse du livret A : le gouvernement va-t-il sacrifier le financement de l'économie au profit des logements sociaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le livret A a recueilli presque 44 milliards d'euros de collecte en 11 mois.
Le livret A a recueilli presque 44 milliards d'euros de collecte en 11 mois.
©DR

Epargne compliquée

Le livret A - dont le plafond sera relevé de 25% au 1er janvier 2013 - a recueilli presque 44 milliards d'euros de collecte en 11 mois, là où l'assurance-vie en a perdu 3,6 milliards sur la même période.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que le livret A a recueilli presque 44 milliards d'euros de collecte en onze mois, l'Assurance-vie a perdu 3,6 milliards d'euros de collecte. Les hausses successives du plafond du livret A opérées par le gouvernement - une première hausse de 25% en octobre, puis de nouveau 25% à partir du 1er janvier - sont-elles responsables de cette perte de vitesse de l'assurance-vie ?

Philippe Crevel : Les bons résultats du mois d'octobre et du mois de novembre pour le Livret A et le LDD s'expliquent, en grande partie, par l'effet d'aubaine constitué par le relèvement des plafonds.

Bien évidemment, le contexte économique et financier a également pesé sur les choix des ménages. La stagnation économique et la montée du chômage ont incité les Français à renforcer leur épargne de précaution, au détriment de l'épargne longue. Le rapprochement des taux de rendement des différents produits d'épargne en relation avec la baisse générale des taux d'intérêt sur le marché n'a fait qu'accentuer cette tendance. Enfin, les annonces de relèvements d'impôts se traduisent fréquemment par une augmentation de l'épargne de court terme. Il ne faut pas crier à la perte de vitesse de l'assurance-vie ; qui pèse plus de 1380 milliards d'euros quand l'encours du Livret A et du LDD est de 330 milliards d'euros.

L'assurance-vie est, aujourd'hui, un produit mature avec une montée en puissance des prestations. Il faut noter que le montant des cotisations reste élevé, autour de 10 milliards d'euros par mois.

Le livret A finance la construction de logements sociaux tandis que l'assurance-vie constitue une épargne de "longue durée". Quelles sont les conséquences et les risques pour le financement de l'économie ?

La forte collecte du Livret A et du Livret de Développement Durable détourne une partie de l'épargne des entreprises. L'économie française souffre d'un manque d'épargne longue qui contribue à accentuer l'insuffisance en fonds propres de nos entreprises, et en particulier de nos PME. Cette mauvaise allocation de l'épargne coûte cher au pays car nous sommes contraints de transformer de l'épargne court terme en investissements à long terme, qu'ils prennent la forme de logements sociaux ou de participations dans des entreprises.

La liquidité totale du Livret A avec sa garantie de capital a un coût souvent ignoré. Les placements en actions et en obligations d'entreprises devraient être d'autant plus encouragés que les banques réduisent leurs crédits aux entreprises pour des raisons prudentielles, et que les compagnies d'assurances pourraient limiter leur exposition en actions pour les mêmes raisons avec l'application éventuelle de Solvency II. 

La politique fiscale du gouvernement favorise-t-elle certains produits d'épargne plutôt que d'autres ?

Le gouvernement a, avec l'augmentation des plafonds du Livret A et du LDD, favorisé l'épargne réglementée tout en augmentant la fiscalité qui pèse sur les actions et les obligations avec la suppression du prélèvement libératoire pour les intérêts, les dividendes et les plus-values. Avec le passage du forfait social de 8 à 20 %, il a fortement pénalisé l'épargne salariale et certains produits d'épargne retraite comme le PERCO. En  revanche, le Gouvernement n'a pas pour le moment modifié le régime fiscal de l'assurance-vie, ni celui du Plan d’Épargne en Actions ou du Plan d’Épargne Retraite Populaire.
Dans un second temps, de manière un peu schizophrène, le gouvernement et le président de la République ont indiqué qu'ils entendaient, dans les prochains mois, favoriser l'épargne en actions dans le prolongement des recommandations du rapport Gallois sur la compétitivité. Il conviendra de suivre dans les prochaines semaines la présentation du rapport sur l'épargne longue de Karine Berger et Dominique Lefebvre.
Entre les premières mesures et les déclarations d'intentions, il en résulte, pour le moment, une politique peu lisible, fortement instable qui n'encourage pas les épargnants français à se porter vers des placements long-terme. De plus, les Français ont une aversion naturelle vis-à-vis de tous les placements à risques. Pour modifier réellement les comportements, il faudrait avant de la stabilité et de la simplicité, est-ce des vœux pieux ou des souhaits pour la nouvelle année 2013.

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