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Architecture : il est l'heure, Paris s'élève
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Zone franche

Si Paris révise enfin sa politique restrictive à l'égard des gratte-ciel, c'est la preuve qu'il bande encore…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Bonne nouvelle pour les Parigots n’ayant pas envie de voir leur ville (seule en Europe avec Londres à conserver le statut de métropole mondiale) se transformer en Venise à pieds secs : les gratte-ciel sont de retour !

Il y avait déjà le projet Hermitage, ces tours jumelles de 323 mètres qui seront les plus hautes du continent, mais c’est pour le mini-Manhattan de la banlieue ouest et ça ne compte pas vraiment. Enfin, ça compte depuis que Paris et sa région, c'est pareil, mais vous voyez ce que je veux dire…

Donc, « intra muros », comme disent les Gallo-romains, le Conseil de Paris devrait donner son accord le 28 mars à la construction du Triangle, un bâtiment dont il est superflu de préciser la forme.

Surplombant le parc des expositions de la porte de Versailles, ce gratte-ciel de 180 mètres permettra d’apercevoir l’obélisque de la Concorde depuis le 15e arrondissement, ce qui fera plaisir aux Egyptiens de passage. Une pyramide, un obélisque… c’est Moubarak qui serait fier s’il n’avait pas autre chose en tête en ce moment…

Et ce n’est pas tout : on prévoit, dans le 17e, un Tribunal de Grande Instance de 200 mètres d'altitude qui élèvera sérieusement le débat juridique, ou encore un bâtiment de 180 mètres dans le 13e pour lequel la mairie vient de lancer un concours.

L'expression de la vitalité d'une économie et d'une ambition

Le problème avec les gratte-ciel, ce n’est pas qu’ils soient hauts ― ça, ce serait plutôt à mettre à leur actif. Non, le problème, c’est que les Parisiens les confondent avec des HLM en béton lézardé et  pensent qu’ils ne sont beaux que dans les films de Woody Allen. Quelle erreur ! Désormais, ils sont beaux partout : à Shanghai (où ils poussent comme des champignons de Paris), à Dubaï (où ils ridiculisent la tour Eiffel), à Hong Kong, à Rio… Bref, partout où ils sont l’expression la plus frappante de la vitalité d’une économie et de l'ambition d'un peuple.

Chat échaudé craint l’eau froide et la tour Montparnasse, ce Gulliver sombre et sans grâce, est presque une aussi mauvaise publicité pour les IGH (gratte-ciel en jargon administratif) que les murailles tristes des « 4 000 » à la Courneuve. Mais qu’importe : désormais, les tours, même les architectes français savent les faire élégantes et originales. Confortables et écologiques.

Bien sûr, les réticences demeurent. Comme ces gens préférant chercher l’inspiration du côté de la Creuse plutôt que de l’Hudson pour bâtir le Paris du siècle qui s’ouvre. Un Paris fermé la nuit et le dimanche. Un Paris lent et silencieux, où l’on entend à peine les charentaises glisser sur le parquet ciré des appartements haussmaniens.

Las, le côté « plus joli village de France », no offense pour le comité de fleurissement, c’est agréable quand on est fatigué. C’est même pour ça qu’on est content d’aller y faire un break : pour le contraste. Mais la ville, et singulièrement Paris, c’est fait pour vibrer, bouger et étonner. Sinon, ça s’étiole et ça s’endort. Ça reste sympa pour les touristes dynamiques de, justement, Shanghai, Dubaï, Hong Kong, Rio à la recherche d’un patelin à pots de fleurs… Mais pour les Parisiens sans bonnet de nuit, c’est moyennement attirant.

Le gratte-ciel, c’est la traduction architecturale de cet état d’esprit volontaire. C’est la lutte contre l’endormissement à coups de grues et de parpaings. Et c’est exactement ce que signifiait la tour Eiffel en 1889, lorsque Paris était encore un Shanghai.

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