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Internationalisation du yuan : comment la Chine tente de s'imposer monétairement et d'écraser le dollar
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Guerre froide bis

Les dirigeants chinois cherchent à en finir avec l'hégémonie américaine, et promouvoir le statut international du yuan au détriment de celui du dollar est un bon moyen pour y arriver.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Récemment, la Chine vient d’autoriser que des conversions de dollars australiens en yuans et de yuans en dollars australiens puissent s’effectuer sans difficulté sur le territoire de la République Populaire de Chine. Auparavant, la Chine avait déjà autorisé que des conversions puissent s’effectuer en Chine entre le yuan chinois et le yen japonais.

Ce type de mesures vient s’ajouter aux initiatives de la Chine  encourageant de multiples pays à commercer avec elle en facturant leurs échanges réciproques non plus en dollars américains mais soit en yuans, soit dans la monnaie du pays partenaire.

La Chine a pris une série d’autres initiatives pour que les banques centrales de certains pays partenaires puissent se constituer concrètement des réserves de change en yuan : ces quelques banques centrales sont en effet désormais autorisées à acheter et à détenir des titres à court terme émis en yuan par l’Etat chinois, (elles sont par ailleurs autorisées à effectuer à tout moment la démarche symétrique : liquider ces titres et reconvertir les yuans récupérés dans leur monnaie nationale).

Toutes ces initiatives chinoises convergent vers un seul objectif : promouvoir le statut international du yuan au détriment du statut international du dollar ; et cela jusqu’à ce que le dollar soit définitivement détrôné par le yuan, jusqu’à ce que la monnaie du monde ne soit plus le dollar mais bel et bien le yuan.

Jusque récemment, toutes les matières premières importantes étaient cotées en dollar (pétrole, gaz naturel, charbon, métaux, matières premières agricoles, …..). Cela avait pour conséquence que les pays exportateurs facturaient en dollar, et seulement en dollar, les matières premières qu’ils livraient à l’exportation et se faisaient ensuite régler en dollar, et seulement en dollar, à l’échéance convenue. 

En conséquence de cette pratique, le dollar était auréolé de son prestige et les banques centrales des pays tiers acceptaient, très volontiers d’accumuler des dollars pour un montant de plus en plus considérable.

Et cette propension des banques centrales des pays tiers à accepter d’accumuler les dollars qui sortaient du territoire américain (après avoir été émis soit par les banques commerciales américaines, soit par l’Etat américain lui-même) permettait elle-même au système bancaire américain de pouvoir émettre des dollars très largement et sans contrainte particulière.

C’est d’ailleurs grâce à cette configuration très particulière que le système bancaire américain a pu financer depuis 2008, des déficits budgétaires colossaux et répétés sans que ni les marchés américains ni l’économie américaine n’en soit sanctionnés. C’est cela que l’on peut désigner comme le privilège du dollar.

C’est aussi ce privilège que patiemment, depuis 2008 aussi, la Chine a entrepris de remettre en cause avant de l’abattre. Et toutes les initiatives énumérées au début de cet article y contribuent fortement.

Pourquoi une telle obsession de la part de la Chine ?

Les dirigeants du Parti Communiste chinois n’oublient pas que si l’URSS a perdu en 1989 la première guerre froide avec les Etats-Unis, c’est en très bonne partie parce que, dépourvue du privilège monétaire, elle n’avait pas eu la capacité financière de répondre par une course aux armements à la guerre des étoiles que les Etats-Unis leur infligèrent à compter de 1982 et qu’ils financèrent très facilement grâce au privilège du dollar.

Aujourd’hui, ces dirigeants chinois sont à la fois pressés d’en finir avec l’hégémonie américaine et pressés de s’emparer du reste du monde (cf leur comportement depuis 2010 en Mer de Chine du sud et en Mer de Chine de l’est). 

Ils cachent de moins en moins bien leur intention de rattraper puis de dépasser  le dispositif militaire des Etats-Unis pour leur infliger une défaite militaire définitive.

Munis des leçons de la période 1982-1989, ils sont bien décidés à retirer au dollar son privilège de monnaie du monde pour l’attribuer au yuan.

De la sorte, dans la deuxième guerre froide dans laquelle nous venons d’entrer, ce serait cette fois la Chine qui serait munie d’une très forte capacité à financer ses dépenses d’armements et les Etats-Unis qui subiraient une contrainte financière majeure et qui, au moment le plus inopportun, se verraient obligés à limiter leurs dépenses d’armements.

En conclusion, il y a une articulation très significative entre les initiatives monétaires de la Chine et ses initiatives militaires et territoriales.

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