Parlez-vous Front national ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Media
Parlez-vous Front national ?
©

Assimil

"Système UMPS", "vague bleu marine" : le succès dans les sondages de Marine Le Pen passe aussi par les mots qu'elle emploie...

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

Voir la bio »

« Contre le système UMPS, la vague bleu marine ». Le slogan n'est pas nouveau. On pouvait le voir le 12 février dernier, bien avant le fameux sondage qui affolerait le monde politique. Une éternité… Marine Le Pen clôturait le Conseil national du Front national et, du même coup, lançait la campagne de son parti pour les élections cantonales. Bien en vue derrière elle, tandis qu’elle parlait, trônait une affiche où figurait ce fameux slogan. La formule était donc déjà là, mais personne ne l’avait remarquée.

Comment répandre un slogan...

A peine l’enquête d’Harris Interactive rendue publique, Jean-Marie Le Pen, pas tombé de la dernière pluie, la lance aux journalistes, comme un appât sur lequel ils se précipitent. Le jour même, l’AFP la reprend à son compte, titrant l’une de ses dépêches : « La vague « bleue Marine » (sic) du FN continue à alarmer les politiques ». Les médias suivent. Même Jean-François Copé tombe dans le piège des mots, affirmant, le 10 mars : « il faut (…) faire dégonfler la vague « bleu Marine » ».Bref, un slogan du FN s’est imposé dans l’imaginaire collectif en un temps record.

On pourrait juger purement anecdotique cet épisode sémantique mais, dans la stratégie frontiste, l’emprise des mots a toujours accompagné la conquête des esprits. En son temps, Bruno Mégret l’avait bien compris. A la fin des années 1980, il avait supervisé la rédaction d’un fascicule de formation. Les futurs cadres du FN y apprenaient à distinguer le vocabulaire à bannir ou, au contraire, à promouvoir.

Plus de « travailleurs », mais des « Français actifs » ; plus de « conquêtes sociales », mais des « avantages sociaux » ; plus de « patrons » mais des « employeurs ». Il fallait rompre avec les stigmates marxistes et le « droit de l’hommisme » (« exclu », « exclusion », « humanité »…), imposer des mots orientant le débat public (« identité »), s’approprier les références nationales (dire « notre pays » plutôt que « ce pays »), instiller des signaux à destination des initiés (« cosmopolisme », lobby »), etc.

Quand la forme du discours influe sur le fond

Le vocabulaire du FN a toujours été un indicateur sensible de sa stratégie, et il l’est encore. Dans le discours du 12 février, déjà évoqué, Marine Le Pen a employé des slogans destinés à nourrir l’imaginaire de l’opinion (le « système UMPS ») ou des marqueurs significatifs pour ses troupes (« hypercaste », « hyperclasse »). Mais, contrairement à son père, elle a nettement allégé le registre initiatique ou clivant au profit des mots ordinaires de la proximité et de la vertu : une seule fois « clandestin » ou « immigré », mais 13 fois « morale » ou « morale publique », 10 fois « service » (« public », « d’aide sociale »…), 8 fois « justice » (sociale) ou « injustice », mais aussi « transparence », « corruption » ou « bonne gestion de l’argent public ».

Certes, le contexte joue dans le choix des mots qui portent les thèmes. Toutefois, ici, ils le dépassent. Le discours social de proximité développé par Marine Le Pen vise à installer une image rassurante, celle d’une femme pure, empathique et protectrice du peuple.

Les « mots » que tente de s’approprier subrepticement le nouveau leader du FN indiquent un repositionnement stratégique qui s’articule sur le fort besoin de protection des Français. C’est en y répondant que ses adversaires réduiront l’influence de Marine Le Pen. Pas en jouant sur les peurs.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !