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Le clasico OM-PSG vu par le prisme de la lutte des classes
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Merci Bernard

L'Olympique de Marseille affronte ce dimanche le Paris Saint-Germain. La rivalité entre les deux clubs n'est pas historique, mais elle n'a rien à envier aux autres clasicos européens sur le plan de la symbolique sociale.

Daniel Riolo

Daniel Riolo

Daniel Riolo est journaliste sportif et écrivain.

Il est chroniqueur dans l'After Foot sur RMC et blogueur sur le site internet de RMC Sport.

Il est notamment l'auteur de OM-PSG, PSG-OM les meilleurs ennemis : Enquête sur une rivalité  (Mango Sport 2005)

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Atlantico : L’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain se rencontrent ce dimanche 7 octobre au Stade Vélodrome dans le cadre de la 8ème journée du championnat de France de football. En Espagne, le FC Barcelone accueille le Real Madrid dans son antre du Camp Nou tandis qu'en Italie les deux clubs milanais, l'Inter Milan et le FC Milan, s'affronteront pour le première fois de la saison à San Siro. Le clasico français est-il différent de ses homologues européens ?

Daniel Riolo : A sa création, le clasico français était très différent des autres gros chocs à l’étranger. Aujourd'hui, à part l’antériorité, le côté historique, on ne peut pas dire qu’il existe de grandes différences. PSG-OM, au départ, c’était juste une opération marketing. Mais cela a mis en lumière par la suite bien des aspects qui le rapprochent des autres clasicos.

Une opération marketing qui a donc rapidement pris une dimension sociale ?

Aujourd’hui notre thèse est communément admise et reprise par tout le monde (Daniel Riolo est l’auteur avec Jean-François Pérès et David Aiello de OM-PSG, PSG-OM les meilleurs ennemis : Enquête sur une rivalité). On nous faisait croire que la rivalité entre les deux équipes était historique. Il suffisait pourtant de parler aux joueurs des années 70 et 80 pour s’apercevoir que ces derniers se moquaient littéralement du « choc » PSG-OM.

Au début des années 90, Bernard Tapie, président de l’Olympique de Marseille, avait besoin d’un adversaire à sa hauteur. La chaine Canal +, qui détenait les droits de diffusion du championnat, avait quant à elle besoin de créer un spectacle. C’est un peu l’histoire des apprentis sorciers qui jouent avec des allumettes. Le feu a tout de suite pris et, s’ils ont ensuite disparu de la scène, tout s’était déjà embrasé derrière eux. Les sociologues que nous avons rencontrés à l’époque parlaient de « terreau fertile », un levier auquel personne n’avait pensé jusque-là et qui a été actionné par Bernard Tapie.

L’affaire OM-VA de 1993 a largement contribué à accentuer le phénomène. Sans elle, le PSG-OM n’aurait jamais eu la dimension sociale qu’il a aujourd’hui. Bernard Tapie, en plein milieu de la tourmente mediatico-juridique, en est rapidement venu à une forme d’instrumentalisation du match. L’idée était la suivante : « Ceux qui vous en veulent, c’est Paris. Tous les pouvoirs sont à Paris, la Fédération Française de Football (FFF), La Ligue de Football Professionnelle (LFP), la Justice etc. Il se trouve en plus que beaucoup de gens qui vous gouvernent sont supporters du PSG, il suffit de voir la corbeille du Parc des Princes. Paris c’est la richesse, c'est Jacques Chirac et le RPR !».

Le clasico français n’a donc plus grand-chose à envier à ses homologues européens et sud-américains en termes de symbolique sociale ?

A l’étranger, il y a effectivement toujours eu une grosse dimension sociale dans les clasicos. En Italie par exemple, l’Inter Milan était le club de la bourgeoisie milanaise alors que le Milan AC était celui de la classe ouvrière. Il est d’ailleurs amusant d’observer l’évolution du Milan AC. Quand Silvio Berlusconi a racheté le club, le milieu ouvrier s’est mis à supporter un club dirigé par le champion de la droite italienne…

A Rome, la Lazio était le club des quartiers fascistes romains alors que l’AS Roma était celui des quartiers populaires. Aujourd’hui, cela a beaucoup évolué, on a même pu voir des croix gammées parmi les tifosis de la Roma. Cela correspond à une évolution sociale qu’on a également pu remarquer en France. Beaucoup de gens qui, il y a 30 ans votaient communiste, votent aujourd’hui pour l’extrême droite.

Bernard Tapie a commencé à jouer de cette dimension sociale en opposant Paris et la droite et Marseille et la gauche. C’est pour cela qu’à partir de 1993 une grande partie de la banlieue en France s’est rangée derrière Marseille. Aujourd’hui encore, je pense que le club le plus supporté dans le 93 est l’OM. Marseille a rassemblé ce qu’aurait pu rassembler un deuxième club plus populaire à Paris comme le Red Star ou le Paris FC. Mais l’arrivée des Qataris est en passe de faire évoluer les choses.

Les dirigeants et hommes politiques marseillais jouent-ils toujours de cela ? L’arrivée des Qataris à Paris a-t-elle accentué les choses ?

L’année dernière, alors que Qatar Sports Investments venait d’acheter le PSG, Vincent Labrune (le président de l'Olympique de Marseille), dans une interview pour le magazine So Foot, a choisi d’adopter la posture du club pauvre et populaire. Il a déclaré que le manque d’argent leur permettrait de se « recentrer sur des valeurs ». Quand on sait que Bernard Tapie a dirigé le club et qu’il a été l’un des hommes les plus riches de France pendant des années et quand on a été dirigé par Robert Louis-Dreyfus, un homme d’affaire suisse milliardaire dont la veuve aujourd’hui fait toujours sa fortune sur le négoce de matières premières, dire cela à propos de l’Olympique de Marseille est absolument ridicule.

En même temps, je suis sûr que cela a parlé à plein de gens. A Marseille, beaucoup de gens marchent à cela. Paris renvoie l’image d’une ville de privilégiés alors que Marseille est souvent représentée comme la ville populaire par excellence. Le football véhicule des images très simplistes et il est très facile de faire marcher ces symboles. Aujourd’hui tout le monde se fout de savoir que le maire de Paris Bertrand Delanoë est socialiste, l’image perdure. Il est intéressant de remarquer que Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de Marseille, n’a jamais vraiment pris parti dans cette affaire-là.

Il est évident que tous les milliards qui tombent aujourd’hui sur la tête du PSG vont largement accentuer ce phénomène. Cependant, j’attends avec impatience de savoir quel repreneur Margarita Louis-Dreyfus va trouver pour son club. Il parait qu’ils recherchent eux-aussi un acheteur dans le Golfe. Cela sera très drôle de les entendre si le club se fait racheté par un actionnaire qatari…

Les joueurs sont-ils tous conscients de l’importance d’un tel match ?

Tous les joueurs savent ce qu’est le clasico. A leur arrivée, tout le monde leur en parle immédiatement. Même Zlatan Ibrahimovic, qui est plutôt imperméable à tout ce qui se passe autour de lui, en a conscience. Les supporters, les anciens joueurs et les dirigeants historiques sont là pour le leur rappeler. J’ai parlé à Sylvain Armand la semaine dernière (défenseur du PSG au club depuis 2004), il m’a clairement fait comprendre qu’il allait motiver les troupes autour de ce match. Le buteur parisien Pedro Pauleta disait qu’une victoire contre Marseille pouvait excuser les écarts ou contre-performances de toute une saison.

A Marseille, c’est la même chose. José Anigo, le directeur sportif du club, est là pour entretenir cela au quotidien. Tout le monde sait que ce n’est pas un match comme les autres et que cela va bien au-delà des 3 points. C’est pourquoi je doute que les supporters aient apprécié les propos de Jordan Ayew et Rafidine Abdullah en marge du match. Le premier ayant déclaré que Zlatan Ibrahimovic était son idole et le second qu’il aurait la chance de voir de près les joueurs du PSG... Ce sont des propos très respectueux qu’on ne doit pas tenir à quelques jours du clasico.

L’avant-match OM-PSG a souvent été l’occasion pour les dirigeants et entraineurs des deux clubs de faire monter la pression à coup de « petites phrases ». Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?

Il n’y a presque plus besoin de « phrases » pour envenimer l’évènement. Même si ce n’est pas complètement mort, j’ai déjà parlé des déclarations de Vincent Labrune dans So Foot. Le moindre demi-mot est aujourd’hui largement exploité. Quand Zlatan Ibrahimovic a dit dans l’émission de TF1 Téléfoot qu’il ne connaissait pas Nicolas Nkoulou le défenseur olympien, les supporters ont vivement réagi à Marseille. Tout le monde encourage maintenant Nkoulou à montrer au suédois « qui il est ».

Même si la rencontre se déroule ce soir au Vélodrome, le PSG et ses stars demeurent favoris. Quel est votre pronostic ?

Depuis que la rivalité entre les deux équipes a été créée en 1992, je serais curieux de savoir le nombre de fois où l’idée qu’on pouvait logiquement se faire de ce match (en prenant en compte le classement des équipes, les résultats antérieures et la forme du moment) a été respectée. Je pense que c’est de l’ordre de 60 à 70% de dénouements « illogiques ». Regardez l’année dernière au Vélodrome, tout le monde pensait que Paris, bien mieux placé dans le classement, allait remporter le match. Les Parisiens ont perdu 3 à 0. Dans ce match, il ne faut jamais s’attendre à rien !

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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