Les "pigeons" peuvent-ils faire évoluer l’opinion déplorable des Français sur les grands patrons ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Il n’y a jamais eu autant de créations d’entreprises en France que ces dernières années.
Il n’y a jamais eu autant de créations d’entreprises en France que ces dernières années.
©DR

Je t'aime, moi non plus

Les entrepreneurs français jouissent d'une image ambivalente dans l'opinion publique. Tant que le dirigeant est dans une phase de création, il reste apprécié. Qu'il grandisse, et là commencent vraiment les problèmes...

Jacques Gautrand

Jacques Gautrand

Jacques Gautrand est spécialiste de l’image de l’entreprise et la communication de ses dirigeants.

Il dirige Consulendo.comun observatoire indépendant sur l’entreprise et le management, qui s’intéresse notamment à la place de l’entrepreneur dans la société.

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Atlantico : Une étude de l'Observatoire Cegos effectuée sur 3 000 jeunes actifs de 20 à 30 ans révèle que seulement 32% d’entre eux se disent intéressés par la création d’entreprise. Dans le même temps, le mouvement des "pigeons" qui s'est élevé contre le projet de taxation des plus-values de cessions d'entreprises par le gouvernement obtient un accueil mitigé dans l'opinion. Que dire de la popularité des entrepreneurs chez les jeunes, et chez les Français en général ?

Jacques Gautrand :Ce chiffre de 32% n’est pas plus ou moins élevé que pour l'ensemble de la population. On ne peut donc pas dire que les jeunes aient moins envie de créer des entreprises que les autres.

La figure de l’entrepreneur en France n’est pas si mauvaise que cela. L’image du créateur d’entreprises est relativement bonne. Tant que le dirigeant est dans une phase de création, dans une petite structure, il est apprécié. Cela se complique lorsqu’on devient chef d’entreprise établi, et encore plus quand on devient un « patron ». Il y a plus de défiance à l’égard de l’image du grand patron car il est assimilé aux grands groupes cotés en bourse, aux plans sociaux, à l’idée des licenciements boursiers. On lui reproche de servir davantage l’actionnaire que les parties prenantes et les salariés. La mondialisation, la crise et la financiarisation de l’économie n’ont pas arrangé les choses. Cette internationalisation a clairement dégradé l’image du patron en France.

Il existe donc une ambivalence de l’image, bonne pour l’entrepreneur créateur et mauvaise pour les patrons. D’ailleurs, il n’y a jamais eu autant de créations d’entreprises en France que ces dernières années. Jusqu’au début des années 2000, il y avait un peu moins de 200 000 créations d’entreprises  par an. Avec les lois Dutreil, on a vécu une montée en puissance, on est passé à 300 000. Ensuite, à partir de 2009, grâce à la création du régime d’autoentrepreneur, le chiffre a encore augmenté. Nous sommes presque dorénavant à 600 000 créations d’entreprises par an.

De plus, il existe un autre problème en France. Beaucoup de grands patrons sont en réalité d’anciens hauts fonctionnaires qui ont été placés à la tête de grands groupes. Ce ne sont pas eux-mêmes des créateurs.

Les médias contribuent-ils à entretenir cette ambivalence dans l’image des entrepreneurs ?

Dans la presse économique spécialisée, on fait bien la différence entre un patron de PME qui se rémunère en moyenne à 4 000 euros par mois et le patron d’une multinationale ou d’un grand groupe avec des rémunérations extravagantes et des avantages comme les retraites chapeaux ou les stock-options.

Cependant les grands médias, et particulièrement les médias audiovisuels, mettent constamment l’accent sur ce qui va mal. On parle plans sociaux, on montre les occupations d’usines et il est évident que cela donne l’impression que l’économie, ce ne sont que quelques grands groupes qui ne font que licencier. Or 95% des entreprises sont des PME.

La classe politique française est-elle en phase avec le milieu de l’entreprise ?

Sur 600 députés, seulement une centaine est issue du secteur privé. Il existe dans la haute fonction publique un problème de méconnaissance de l’économie réelle, et notamment des PME et TPE. Jean-Michel Fourgous, maire d'Elancourt et ancien député de la 11ème circonscription des Yvelines, a résumé l’histoire en déclarant que la grande différence à l’Assemblée nationale n’était pas entre les députés de droite et de gauche mais entre ceux qui connaissent et comprennent l’entreprise privée et les autres. C’est donc une question assez transversale qui dépasse les clivages idéologiques.

La surreprésentation médiatique des syndicats contribue-t-elle également à creuser l’impopularité des patrons français ?

Les grands syndicats ont effectivement l’oreille des grands médias. Un plan social, même d’une magnitude relative, fera toujours plus de bruit que la création de 1000 micro entreprises ou de 10 000 TPE. L’arbre qui tombe fait toujours plus de bruit que la forêt qui pousse…

Le ministre de l’Économie a annoncé jeudi que le gouvernement pourrait modifier son projet de taxation des plus-values de cessions d'entreprises, décriée par les créateurs d'entreprises innovantes. En seulement quatre jours, ces derniers ont donc obtenu gain de cause.

Ce dispositif était clairement anti-économique. Tout entrepreneur, même un commerçant, travaille toute sa vie pour faire prendre de la valeur à son entreprise. Lorsqu’il la cède, il réalise alors le fruit du travail de sa vie. C’est vrai pour la start-up qui se revend au bout de dix ans mais c’est vrai aussi pour le commerce ou l’artisan qui a travaillé pendant 40 ans, développé son commerce et qui compte beaucoup sur la cession pour vivre une retraite heureuse. Le grand public ne semble pas comprendre qu’un artisan ou un commerçant, par rapport à un salarié ou à un fonctionnaire, a une retraite beaucoup plus faible. Ils comptent énormément sur l’accumulation de leur patrimoine professionnel cour compléter leur retraite.

Le mouvement des « pigeons » est bien ancré dans son temps. Ces derniers ont largement utilisé les réseaux sociaux et les nouveaux moyens de communication pour faire passer leur message. Ce type d’initiative est-elle de nature à combler l’écart entre les patrons et l’opinion publique ?

Les « pigeons » ont montré que les créateurs d’entreprises sont des gens comme tout le monde. Nous sommes loin de l’image d’Epinal véhiculée par certains médias de l’homme au cigare et au chapeau haut de forme.

De plus, si cette nouvelle génération est largement influencée par l’univers Internet,  les entrepreneurs qui soutiennent le mouvement des « pigeons » ne sont pas tous des dirigeants de start-up. Beaucoup d’entre eux ont des activités dites classiques.

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