Procès ou pas, les Français ont déjà jugé Chirac<!-- --> | Atlantico.fr
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Jacques Chirac face à son destin
Jacques Chirac face à son destin
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Jacques 1er

Le sentiment très positif des Français à l'égard de l'ancien Président de la République traduit un attachement à l'homme mais dénote surtout la persistance d'une vieille culture monarchique dans le pays.

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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Qui la Justice va-t-elle juger en faisant comparaître Jacques Chirac devant-elle ? Un chef d’Etat ou un simple citoyen poursuivi pour détournement de fonds publics ? Les Français quant à eux l'ont déjà jugé : Jacques Chirac est l’une de leurs personnalités préférées et il est fort à douter que l’issue du procès, s’il a lieu, affectera leur sentiment.

L'héritage monarchique français

Les faits reprochés à Jacques Chirac – s’ils sont avérés – sont constitutifs du délit de détournement de fonds publics. Sauf à suivre l’artifice juridique d’absence d’enrichissement personnel et direct, un tel détournement profite bien à son auteur puisqu’il lui a permis d’accéder au pouvoir suprême et donc à tous les avantages qui lui sont attachés.

La mansuétude des Français à l’égard de l’ancien chef d’Etat traduit donc une profonde révérence qu’ils ont pour ce pouvoir. La sympathie qu’inspire l’homme ne peut expliquer la préférence des Français pour lui, si le pouvoir qu’il incarnait, n’est pas accepté comme transcendant la loi commune. La passion des Français pour l’égalité – y compris devant la loi – s’arrête donc aux portes du palais. Le Président est leur monarque. Un monarque républicain certes, mais jouissant de la même révérence qu’un monarque héréditaire. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’il a une cour, qu’il fait des barons et que ceux-ci ont des fiefs ? Les mots sont porteurs de sens.

Un Président républicain représente son peuple. Un monarque incarne une nation. La représentation cesse avec le mandat. L’incarnation est attachée à la personne. Nos Présidents ne redeviennent jamais de simples citoyens. Tant que leur personne est en vie, le regard que nous portons sur eux est quasi-sacré. En réalité une grande partie des Français ne se sont jamais émancipés du pouvoir monarchique.

Un Etat moderne, c'est pour quand ?

Une telle observation ne prêterait à sourire si les conséquences de cet anachronisme n’étaient pas à l’origine de bien de maux. Il explique en effet la difficulté que nous avons à accepter la séparation des pouvoirs ou l’indépendance de la magistrature et des médias. Il nous est quasi-impossible d’imaginer notre pays gouverné sans pouvoir central fort. La raison d’Etat se confond avec la volonté du souverain. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le Président se mette en scène tel le roi. Il choisit ses interlocuteurs et les questions que ces derniers sont autorisés à lui poser. Même désavoués par les urnes, nos Présidents restent interprètes de notre Constitution par le siège qui leur est donné à vie au Conseil constitutionnel.

Les "années Chirac"  se sont inscrites dans cette perspective monarchique. Le sentiment de nombreux Français à l’égard de leur ancien Président témoigne hélas de leur nostalgie pour un régime qui empêche la France d’entrer dans la modernité républicaine. Si le procès qui va s’ouvrir pouvait avoir un seul mérite, ce serait de nous interroger sur les sentiments ambigus que nous entretenons avec le pouvoir suprême et leurs conséquences préjudiciables dans un état moderne.

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