La montée en puissance de la Chine sera-t-elle le détonateur de la prochaine Guerre mondiale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La montée en puissance hier de la Chine sur les plans commercial et économique alimente aujourd'hui sa montée en puissance sur le terrain diplomatique.
La montée en puissance hier de la Chine sur les plans commercial et économique alimente aujourd'hui sa montée en puissance sur le terrain diplomatique.
©Reuters

Le retour du péril jaune ?

Alors que le Royaume-Uni et la zone euro sont retombés en récession, les Etats-Unis et le Japon sont menacés du même sort. La Chine, elle, continue de prospérer. En se nourrissant d'un déséquilibre commercial international qui ruine les autres pays de la planète, la Chine sera-t-elle l'élément déclencheur du prochain conflit mondial ?

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Si dans les années 30, la récession avait été dans l’ensemble plus accentuée que celle que subissent aujourd’hui les pays développés, c’est essentiellement parce que les dirigeants politiques concernés n’avaient pas réagi à hauteur de l’adversité qu’ils subissaient.

Il n’en va pas de même aujourd’hui. Les dirigeants américains, européens et japonais, pour éviter un remake des années 30, se singularisent au contraire par une succession d’initiatives d’une audace extrême.

Fin 2008, faisant fi de l’état de leurs dettes publiques, ils décidèrent, sous l’égide du FMI et de DSK, une opération de relance budgétaire massive et simultanée qui se termina très mal : effet boomerang, les titres de leurs dettes publiques furent attaquées, obligeant le Royaume-Uni à basculer dans une austérité budgétaire marquée dès 2010 et obligeant un nombre croissant de pays de la Zone Euro à adopter eux aussi des politiques d’austérité jamais vues.

Pour faire baisser les taux longs sur leurs marchés obligataires en dépit de la défiance dont leur dette publique faisait désormais l’objet, la Banque d’Angleterre, la Fed, la Banque du Japon et très récemment la BCE elle-même ont osé pratiquer ce qu’elles s’interdisaient jusqu’alors : faire fonctionner la planche à billets, le financement des Etats par la banque centrale qui leur correspond.

Ce qui est alarmant, c’est que toutes ces initiatives de relance, bien que d’une ampleur jamais vue, n’ont accouché que d’une souris. Certes, l’ampleur de la récession est bien moindre que celle subie dans les années 30. Mais jusqu’à présent, les économies des pays développés n’ont redémarré ni significativement ni durablement. Pire, si on interrompait brusquement les perfusions artificielles qui leur sont administrées, ces économies s’effondreraient et on se retrouverait dans l’affreux scénario des années 30.

A ce stade une parenthèse s’impose. Si l’évolution est aussi décevante, c’est parce que les dirigeants dits développés n’ont toujours pas posé le bon diagnostic : la Chine, depuis qu’elle est exonérée de tout droit de douane sur ses exportations grâce à son adhésion en 2001 à l’OMC, livre une concurrence totalement déloyale aux autres pays de la planète.

Combinant un coût horaire du travail maintenu très bas (par une répression intense et permanente des salariés) et une monnaie maintenue sous-évaluée (grâce à un contrôle des changes sévère et grâce à des ventes quotidiennes de yuan par la banque centrale) la Chine bénéficie d’une compétitivité extrême et irréversible.

Or ce qui est excellent pour l’économie chinoise est  dévastateur et déstabilisateur pour les autres pays. Les excédents commerciaux énormes de la Chine en produits manufacturés se reflètent en des déficits commerciaux énormes en produits manufacturés aux Etats-Unis, en Europe mais aussi en Amérique Latine, en Inde, en Afrique….Cela s’y traduit par une désindustrialisation et une stagnation économique. A noter d’ailleurs que l’Inde, l’Afrique du sud, l’Argentine et le Brésil sont désormais conscients de ce processus et ont entrepris de s’y opposer en paroles et parfois même en actes.

A cela s’ajoute le fait que désormais les multinationales préfèrent concrétiser leurs projets de développement sur le territoire chinois plutôt que sur les autres territoires. D’où une panne de l’investissement des entreprises manufacturières dans les territoires non-chinois.

En clair, la croissance chinoise se nourrit d’un déséquilibre commercial international qui ruine les autres pays de la planète (à l’exception provisoire des pays fortement exportateurs de matières premières).

Ce processus est à l’œuvre depuis 2001. Entre 2001 et 2007, il fut contrecarré par un recours à toutes sortes d’expédients (des déficits budgétaires renouvelés et un développement de la sphère immobilière qui était excessif et qui ne pouvait être indéfiniment reconductible). La crise a éclaté en 2007 quand la sphère immobilière a amorcé un krach dans de nombreux pays dits occidentaux. Et si cinq ans plus tard, cette crise se prolonge et tend même à s’accentuer, c’est parce que le poison central, la surcompétitivité de la Chine, n’a jamais été combattu et reste largement intact.

Fermons la parenthèse et revenons à l’actualité. Confrontés à l’été 2012 à une évolution à nouveau calamiteuse de l’économie des Etats-Unis et de celle de la Zone Euro, M.Bernanke a pris sur lui d’opérer une troisième phase de recours de la Fed à la planche à billets (bien plus significative encore que les deux premières), tandis que M.Draghi réussissait à obtenir l’accord de son Conseil pour que la BCE à son tour accepte de faire marcher la planche à billets à une large échelle.

Ce faisant, les deux grandes banques centrales soulagent certes les évolutions à court terme mais en même temps mais elles introduisent à moyen termeun risque majeur pour leurs économies (le risque de retour à l’inflation ; le risque de retour à une séquence « Bulle + Krach » sur leurs marchés immobiliers ou sur leurs marchés boursiers ; et pour les Etats-Unis, le risque que le dollar perde son statut privilégié de monnaie du monde au profit de l’or ou du yuan).

Comment la Chine a-t-elle répondu à ces deux initiatives ? Au premier semestre 2012, la Chine a vu la croissance de son PIB revenir d’un rythme de 9% l’an à un rythme de 7% l’an, un rythme qui reste très confortable et très enviable. Elle a décidé un plan de relance pour que la croissance ne recule davantage. Elle aurait pu abaisser ses taux d’intérêt (elle l’a refusé parce qu’elle ne veut pas encourir une séquence immobilière « Bulle + Krach »). Elle aurait pu axer sa relance sur une revalorisation des salaires (la part de la masse salariale dans le PIB est une des plus basses au monde et continue à y reculer). Elle aurait pu axer sa relance sur une baisse des impôts sur les ménages (ses finances publiques sont en parfait état).

Nenni. Le plan de relance de la Chine sera axé sur une accentuation supplémentaire de ses exportations. Il s’agit d’alléger fortement la fiscalité des entreprises chinoises exportatrices pour qu’elles puissent  abaisser le prix de leurs produits à l’étranger et concurrencer davantage encore les entreprises américaines, européennes, indiennes, brésiliennes ou japonaises... Et de nombreux observateurs pensent comme nous que, dans cette logique, la Chine pourrait même poursuivre la dépréciation du yuan contre dollar qu’elle a amorcée récemment. Une fois encore, la Chine, pourtant très prospère, se protège en accablant davantage les autres pays qui, pour la plupart, restent en butte à des difficultés énormes.

Ce comportement du Parti Communiste Chinois est inadmissible. Une attitude coopérative aurait supposé que la Chine accepte de réduire ses exportations, y compris par une appréciation du yuan. Cela aurait soulagé sans délai l’évolution économique, budgétaire et financière de ses nombreux partenaires en crise. La Chine, en optant au contraire pour cette attitude anti-coopérative, infligera à ses partenaires un alourdissement très inopportun de leurs importations de produits chinois. Tout se passe comme si le PCC voulait nuire davantage aux économies des Etats-Unis et de leurs alliés.

Le comportement récent du Parti Communiste Chinois valide davantage en tout cas notre grille de lecture (Cf La visée hégémonique de la Chine Editions l’harmattan Janvier 2011) selon laquelle depuis 2001, il a intentionnellement  recherché puis obtenu le basculement des pays dits développés (et de beaucoup d’autres pays) dans une crise prolongée. Il s’agit pour lui de les déstabiliser et de les affaiblir pour mieux leur imposer sa domination.

D’ailleurs, en parallèle de sa manœuvre sur les terrains commercial et économique, le PCC développe d’autres manœuvres, plus graves encore, sur les terrains diplomatique et territorial.

Depuis l’été 2010, en paroles comme en actes, la Chine révèle de plus en plus fermement son intention d’obtenir rapidement la souveraineté sur la mer de Chine du sud (celle qui s’étale de Canton à Singapour et entre le Vietnam et les Philippines) et sur la mer de Chine de l’est (celle qui s’étale entre la Corée et Canton et entre Shanghai et le sud du Japon).

Notons d’ailleurs que si les deux mers revenaient à la Chine, le sort de Taïwan, qui se situe à la jonction entre les deux mers, serait prestement scellé par la Chine : une absorption immédiate et sans recours possible.

Ne nous y trompons pas. Quand le PCC et la Chine revendiquent la souveraineté, ils mettent les points sur les i. Par souveraineté, ils entendent deux choses : seule la marine de guerre chinoise aurait le droit d’y croiser ; le sous-sol sous-marin (qui est très riche en pétrole et en gaz) reviendrait exclusivement à la Chine. Leur démarche est donc très unilatérale et très agressive. Elle rappelle fâcheusement la démarche de l’Allemagne hitlérienne à l’égard des Sudètes.

Remarque majeure. Si la Chine a attendu patiemment l’été 2010 pour afficher de telles intentions, c’est parce qu’à cette date, elle pouvait enfin conclure que les Etats-Unis et leurs alliés, déstabilisés, s’affaibliraient de plus en plus face à elle.

En quelque sorte, et conformément à notre livre, la montée en puissance hier de la Chine sur les plans commercial, économique et financier alimente aujourd’hui sa montée en puissance sur les terrains diplomatique et territorial.

Et si les Etats-Unis ne parvenaient pas à organiser un front commun face aux ambitions territoriales de la Chine, la montée en puissance de la Chine irait demain se développer  sur un troisième terrain, celui, ô combien stratégique, de la monnaie : il s’agirait alors pour la Chine d’aboutir à ce que les pays exportateurs de pétrole et de matières premières facturent et se fassent régler non plus en dollar mais en yuan.

Une fois le yuan muni ainsi du privilège de monnaie du monde, il serait alors très facile à la Chine de développer à très vive allure ses recherches et ses dépenses militaires et spatiales pour mieux se soumettre le reste du monde et lui imposer à la fois sa domination géopolitique et ses règles de fonctionnement totalitaires et anti-démocratiques.

La mobilisation des pays démocratiques et de leurs alliés possibles s’avère aujourd’hui décisive. Céder aux actions unilatérales de la Chine serait en réalité totalement aventuriste. 

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