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Les Etats-Unis viennent-ils d'inventer l'arme de destruction massive de la crise en révolutionnant leur politique monétaire ?
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Bazooka monétaire

Le nouveau plan de soutien de la Réserve fédérale américaine à l'économie dispose d'un objectif réel, le retour de la croissance, mais pas de limites de temps et de montant. Un volontarisme pour l'instant impossible en Europe.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La Réserve Fédérale américaine, le 13 septembre 2012, a dévoilé la mise en place d’un nouveau programme de soutien à l’économie américaine, « QE3 », ou troisième plan d’assouplissement quantitatif. La lecture du rapport de la Fed révèle l’ampleur du bouleversement en cours aux Etats Unis, et la volonté affichée des responsables monétaires d’en finir avec la Grande Récession.

Le plan mis en place, contrairement aux précédents, dévoile un objectif économique réel, à savoir une baisse significative du niveau de chômage et un retour de la croissance. Alors que les plans 1 et 2 fixaient des limites en termes de durée et de montant, le plan actuel ne fait mention que de son objectif réel. Ben Bernanke utilise ainsi l’outil le plus efficace d’une politique monétaire, la communication. Il s’agit bien là d’un revirement majeur de la politique menée. La clarté de l’objectif permet d’influer efficacement sur les anticipations de croissance et d’inflation.

Cette  modification découle directement de l’intervention de l’économiste Michael Woodford au cours de la réunion de Jackson Hole en août dernier. Celui-ci, se prévalant de son statut d’icône de la macroéconomie, se permettait alors de critiquer les méthodes employées par la Fed, en proposant les modifications qui ont été annoncées le 13 septembre. Les erreurs concernant les limites de temps et de durée de l’intervention monétaire, l’annonce que le soutien de l’économie perdurera « pour un temps considérable » même après le retour de la croissance sont directement issues du travail réalisé par le professeur Woodford.  Ce dernier a ainsi consacré les idées développées avant lui par les Market Monetarists que sont les professeurs Scott Sumner et David Beckworth.

Le Market Monetarism, hier encore considéré comme un courant alternatif devient aujourd’hui la référence de la pensée monétaire. Les analyses développées par le Professeur Sumner, issues de son étude de La Grande Dépression de 1929, mettaient en cause le rôle des grandes banques centrales à travers le monde, au sein de la crise.

Le mérite revient également à Ben Bernanke. Bien que malmené en cette période électorale, il est parvenu à imposer une vision encore minoritaire aujourd’hui. Mitt Romney a d’ores et déjà clairement affiché son intention de limoger le président de la Réserve Fédérale en cas de victoire et les rumeurs actuelles font état de son probable remplacement par l’économiste John Taylor. Ce dernier ayant une vision plus « stricte » de la politique monétaire, un succès républicain mettrait en péril l’intervention du 13 septembre.

Les Etats-Unis, par cette décision, se donnent enfin les moyens d’en finir avec la crise. L’action entreprise ce jour commencera à se diffuser au sein de l’économie réelle au bout de quelques mois, et les hésitations, les critiques perdureront jusqu’aux premiers signes clairs d’un retournement. Le recours à la création monétaire suscite déjà de vivres réactions qui reposent sur les craintes du retour de l’inflation. Croissance et inflation ne sont pourtant que les deux faces d’une même pièce.

L’impact sur l’économie Européenne se traduira de deux façons. Une première, positive, est la retombée économique que provoque une accélération de l’activité Outre-Atlantique, notamment au travers des exportations. La seconde, plus délicate, est la baisse programmée du dollar et ses conséquences sur la compétitivité Européenne.

Cependant, l’impact majeur de cette intervention est la pression qu’elle impose à la Banque centrale européenne et aux gouvernements de la zone Euro. Le mandat de stabilité des prix, pierre angulaire du système monétaire Européen,  rend impossible toute action de ce type et révèle ainsi son obsolescence et son caractère dogmatique. La réussite du programme américain sera ainsi la plus grande menace sur les méthodes employées en Europe.

En inscrivant une méthode, et non un objectif, en guise de politique monétaire les gouvernements européens ont rendu impossible une évolution de celle-ci. La possibilité de prise en compte des évolutions académiques, dans une matière encore jeune est indispensable à la stabilité économique de la zone Euro. La nécessité de réformer le mandat de la Banque centrale européenne, en assurant à celle-ci la capacité de s’adapter au gré des apports de la recherche monétaire, représente le défi le plus ambitieux dans un objectif de sortie de crise.

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