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Circulaire pénale de Taubira : plutôt que de vider les prisons, pourquoi ne pas en construire des privées ?
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Libérons les prisons

La ministre de la Justice veut mettre fin au "tout carcéral" pour désengorger les prisons françaises. Un moyen pour elle de montrer sa différence avec la politique de répression du précédent gouvernement. Mais d'autres solutions existent.

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

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Dans une société idéale, la politique pénale ne saurait être un enjeu idéologique ou partisan, mais une affaire de principes consensuels. Pourtant, les mesures portées par la prochaine circulaire de la Chancellerie provoquent un revirement de la politique antérieure et modifient notablement les directions prises au cours du précédent quinquennat. Cette inflexion de la politique pénale en fonction de l’orientation idéologique des élus est regrettable pour les professionnels bien sûr mais aussi pour les justiciables, il y va de leur sécurité.

Nous savons déjà que le droit fiscal est devenu très contingent de la couleur politique de nos assemblées et de nos dirigeants, surtout dans l’incertitude d’une économie en crise. Nous ignorions que le droit pénal était conduit à subir le même sort, mais il est devenu un enjeu électoral. Aux uns le monopole de l’intransigeance, aux autres celui de l’humanité !

En vérité, ni l’humanité ni la fermeté n’appartiennent à un camp politique. C’est pourtant ce que veut nous faire croire la prochaine circulaire ministérielle, quant aux commentaires recueillis ça et là et qui perpétuent ce sentiment malsain qu’il existe une justice de droite et une justice de gauche.

En réalité, la répression comme réponse à l’insécurité pose les mêmes questions en termes de qualité et en termes de moyens avant et après les échéances électorales. En termes de qualité, il ne suffit pas d’inviter – c’est presque outrageant de penser devoir le faire - les magistrats à individualiser les peines qu’ils demandent, puisqu’il s‘agit de leur devoir légal. La liberté de leur appréciation est une soupape importante du processus judiciaire, plus encore il permet d’améliorer le sort de celui ou de celle qui montre dans les faits des signes d’amendement par des gestes à l’égard des victimes par exemple, il conduit aussi à réprimer plus sévèrement l’indifférent ou le désinvolte. Pour cette raison, l’instauration des peines planchers ne pouvaient pas franchir l’épreuve de la pratique.

Cette exigence de qualité dans la justice répressive est évidemment la contrepartie de sa capacité à être comprise. Et il est légitime d’attendre d’un juge une expertise particulière aux situations complexes et particulières qu’il doit régler. Ainsi en est-il de la répression de la délinquance des mineurs, comme il en est dans tant d’autres domaines.

Serait-il autrement légitime de solliciter une spécialisation de nos juridictions financières et économiques aux contrariétés des chiffres et d’avancer que le traitement de la violence des enfants ne mérite aucune compétence particulière ? Que l’on ne s’y trompe pas il ne s’agit ici ni d’angélisme ni de laxisme dont il est question, mais de la qualité de la justice qui est la seule réelle attente légitime. Au demeurant la sévérité des mesures pouvant être prononcées sont souvent les mêmes devant une juridiction pour majeur ou pour mineur.

Reste la douloureuse question des moyens de la justice qui eux sont superbement ignorés et de faire comme s’il avait suffit de rappeler cette exigence de qualité pour tout améliorer.

Ainsi en est-il du terrible constat que les équipements pénitentiaires ne permettent pas d’exécuter les décisions prononcées.

Non seulement la capacité d’accueil est aujourd’hui saturée, mais de surcroît, le service public est en défaut ainsi que nous le rappelle régulièrement la Cour Européenne de Strasbourg en condamnant la France pour traitement inhumain ou dégradant de ses détenus.

Il faut en convenir rudement, la justice française n’a plus depuis longtemps les moyens de ses ambitions et les mesures alternatives prônées telles que le port du bracelet électronique, la semi-liberté ne sont que des cache-misères.

Serait-il alors venu le temps de briser le tabou d’un partenariat public privé pour l’application des courtes peines et revisiter ce débat ? D’imaginer et de créer des formes de concessions de service public pour des établissements de reclassement plutôt que de sombrer dans l’alternative du gadget ou de l’entassement inhumain ? De réfléchir à un système qui permettrait de mettre à exécution ce que les juges ont décidé et qui donnerait une nouvelle forme au sens de l’efficacité d’un service public rénové.

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