Le paradoxe Ayrault : méprisé par la presse mais numéro 2 du baromètre des personnalités politiques préférées des Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon un sondage Ifop, Jean-Marc Ayrault est très populaire auprès des Français (67% d'opinions favorables).
Selon un sondage Ifop, Jean-Marc Ayrault est très populaire auprès des Français (67% d'opinions favorables).
©Reuters

Super Ayrault

"Manque d'autorité", "accident industriel" ,"nul" : la presse se déchaîne contre le Premier ministre qui reste pourtant très populaire auprès des Français. Dans le tableau de bord politique Ifop pour Paris-Match, Jean-Marc Ayrault obtient 67% de bonnes opinions.

Alain Besson

Alain Besson

Alain Besson est le biographe de Jean-Marc Ayrault. Journaliste, il a effectué l'essentiel de son parcours professionnel au quotidien Ouest-France.

Il est l'auteur de Jean-Marc Ayrault : une ambition raisonnée (Ed. Coiffard, 2012).

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Atlantico : Dans la presse de gauche comme de droite, Jean-Marc Ayrault est sous le feu nourri des critiques. Le Figaro s'interroge sur le manque d'autorité supposé du Premier ministre tandis que Marianne évoque "un accident industriel". Pourtant, sa cote de popularité reste élevée auprès des Français (67% selon l'Ifop). Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Alain Besson : Une partie de la presse parisienne lui est hostile et le considère avec un certain mépris, notamment parce qu'il n'est pas théâtral et pas du genre à glisser des scoops à l’oreille des journalistes. C'est un provincial. Comme il l'a rappelé mercredi à Marseille, il ne faut pas compter sur lui pour jouer des claquettes ! 

Dans les jours qui précédaient sa nomination, on a eu le droit à tous les jeux de mots possibles : "Ayrault ordinaire" , "Ayrault malgré lui" ... Il y avait là, la marque d'une certaine condescendance de la part de certains journaux : Le JDD, Le Point, l'Express, Le Monde... 

Paradoxalement, le Premier ministre est moqué pour son côté élu de province alors que 80 % de nos hommes politiques viennent de province : François Fillon, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Pierre Mauroy  ou Jacques Chaban-Delmas étaient tous des élus de province avant de devenir Premier ministre. La France ne se réduit pas à Paris. Pourtant lorsqu'un provincial arrive dans la capitale, certains parisiens écarquillent encore les yeux en se disant : " voilà un paysan !". Je caricature à peine...

Le public qui lit la presse politique commence à être choqué par la "peopolisation" de certains titre parisiens, y compris Le Nouvel Observateur. Sans compter les livres qui fleurissent sur la vie de couple du président. Il est donc possible que l'acharnement et la condescendance d'une certaine presse  finissent par rendre le Premier ministre sympathique aux yeux des Français, comme semblent le confirmer les sondages. 

Je crois aussi qu'il est aimé parce qu'il est naturel et sait faire preuve de discrétion. Il n'aime pas "l'épate". Paradoxalement sa sobriété oratoire séduit le public, même si elle ne permet pas aux journalistes de faire de bons mots dans leurs éditoriaux. Alors que François Hollande cherche une posture et s'est composé un personnage de président, Jean-Marc Ayrault est resté lui-même et les gens le sentent.

Certaines critiques de la presse parisienne sont peut-être légitimes... Jean-Marc Ayrault semble parfois réellement manquer d’autorité, notamment sur ses ministres qui s’expriment en ordre dispersé dans les médias... Comment expliquez-vous ses difficultés à se faire respecter par son gouvernement ? 

Il y a quelques jours, on lui reprochait effectivement son manque d'autorité. Aujourd'hui, j'ai l'impression que c'est plutôt l'inverse. On lui reproche de donner des coups de règle sur les ministres un peu trop bavards. Peut-être qu'entre les deux, Jean-Marc Ayrault a tout de même une certaine forme d'autorité.

Peut-être aussi que certains ministres, ayant parfaitement conscience que dans la Ve République le Premier ministre est un fusible, commencent déjà à se placer pour la succession. Je ne vous fait pas de dessin ! Même de gauche, les hommes sont ce qu'ils sont ! Ils peuvent avoir des ambitions. Lui qui n'a jamais été ministre doit faire face à d'anciens ministres.

Il n'est pas impossible non plus que dans la mesure où le président de la République est lui-même en difficulté dans les sondages, il désire refiler le bébé à Matignon !

Il est également peut-être juste de dire que Jean-Marc Ayrault et François Hollande ont raté leur été. Il n'était peut-être pas opportun que le Premier ministre et le Président de la République partent tous les deux en vacance en même temps. Au moment où le chômage bat des records,  il n'était peut-être pas non plus opportun pour le président de la République de se montrer en short serrant des louches.

Une partie des critiques ne sont donc pas totalement injustes et peuvent être en partie fondées. Mais j'ai tout de même l'impression que, ces derniers temps, Jean-Marc Ayrault était une cible facile. 

François Hollande comme Jean-Marc Ayrault ont des personnalités assez "sobre". Le couple Président/Premier ministre manque-t-il finalement de complémentarité ?

En matière de sobriété, François Hollande a peut-être exagéré sa posture de président normal. Il a voulu camper un personnage à l'opposé de Nicolas Sarkozy peut-être un peu trop caricatural.

En revanche, il me semble que Jean-Marc Ayrault est resté fidèle à lui-même. A Nantes, il passait pour un homme discret et bosseur qui connaissait bien ses dossiers. Sans doute est -il trop discret pour certains journalistes... Mais les Français n'ont pas besoin d'un Premier ministre théâtral. En revanche, ils ont besoin de savoir quels vont être les axes de la politique qui va être conduite dans les mois qui viennent. 

Jean-Marc Ayrault a peut-être aussi commis l'erreur de dire qu'il ne serait pas le Premier ministre de la rigueur. A l'évidence, crise oblige, il sera bien le Premier ministre de la rigueur !

François Hollande voulait rendre toute sa place à la fonction de Premier ministre. N’est-il pas en train de retomber dans les travers qu’il dénonçait chez Nicolas Sarkozy ? Est-ce lié à la logique du quinquennat ? 

La Ve République a ses propres règles et l'opinion publique n'est pas dupe. Le Premier ministre travaille discrètement. Le vrai patron est à l’Élysée !

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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