François Hollande au JT de TF1 : le chef de l'Etat martèle son discours et peine à trouver le ton juste<!-- --> | Atlantico.fr
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Dimanche soir, François Hollande a tenu un discours churchillien en proposant du sang et des larmes sur le plan fiscal.
Dimanche soir, François Hollande a tenu un discours churchillien en proposant du sang et des larmes sur le plan fiscal.
©Reuters

Prestation

Dans l'interview qu'il a donné au journal de 20h de TF1, François Hollande n'a pas vraiment répondu aux critiques, se contentant d'affirmer qu'il a bien un calendrier en tête.

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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François Hollande a compris que la fonction de président de la République avait des exigences d’exposition médiatique incompatibles avec la façon dont il a géré la publicisation de son action depuis juin. Il a ainsi fait naître beaucoup de critiques sur son inaction supposée, ou sa diaphanéité mal à propos, que ce soit dans son camp (pour se plaindre de sa lenteur à appliquer son programme) ou chez ses adversaires (pour fustiger ce qui serait son incompétence, son manque de stature). Il a donc entamé depuis quelques jours un plan média pour sortir de cette mauvaise passe, attestée par des sondages de popularité en baisse. Le point d’orgue de ce plan de reconquête d’image était l’interview au journal télévisé de 20h de TF1.

Comment a-t-il cherché à se positionner ?

Il a martelé à plusieurs reprises quelques affirmations préparées à l’avance, qui visaient à corriger son image. Il a abordé la question des orientations pour juguler un sentiment de flou politique qui tend à se répandre dans l’opinion, et a évoqué la question du rythme de l’action politique pour contrecarrer les accusations d’inaction.

Plusieurs expressions sont à retenir dans son plaidoyer pro domo : "je dois fixer le cap et donner le rythme" ; "je suis celui qui montre la voie" ; "à chaque étape, je m’expliquerai régulièrement devant les Français" ; "mon cap, c’est un quinquennat". Il revendique donc une posture de capitaine, qui tient la barre.

Et bien sûr et surtout, il a martelé son idée d’un calendrier d’action en trois temps :

1°- Une phase d’étude et de concertation, qui reçoit une impulsion nouvelle ("il faut s’accélérer ?! J’accélère !") de façon à se terminer en 2012 ("tout sera engagé d’ici la fin de l’année").

2°- "L’agenda du redressement", "jusqu’en 2014", sur "deux ans".

3°- "Et ensuite l’agenda de la reconstruction d’une société solidaire" ou encore : "l'agenda du redressement c'est 2014 et après il nous faudra construire une société plus humaine, plus juste, plus harmonieuse".

Quel impact possible de son discours ?

Il y a tout lieu d’être assez pessimiste sur l’impact politique de sa prestation télévisée. Pour plusieurs raisons. D’abord, comme le disait le cardinal de Retz, "on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment". Or François Hollande avec son slogan du "changement maintenant" a laissé entendre qu’il agirait très vite, qu’il pourrait sans doute mener des opérations éclairs. Et là, il affirme une autre méthode, celle de la concertation, des commissions préalables, avec un calendrier très étiré : 2012 le préparatoire, 2013 la mise en œuvre des résultats de la concertation, 2014 les effets attendus sur les priorités du chômage et de la croissance, et 2017 pour construire une société meilleure. Nul doute qu’il va recevoir des critiques des deux côtés, autour de l’idée soit d’espérances trahies soit d’atermoiements coupables.

Ses propos apparaissent comme plus déclaratoires et propitiatoires, en apportant comme seule réelle information, l’annonce d’un calendrier explicite dont le sens implicite est de réclamer aux Français un délai de grâce avant de le juger sur ses résultats (deux ans). Ce faisant, il s’écarte d’une des préconisations du grand manitou de la communication présidentielle de François Mitterrand et Jacques Chirac, Jacques Pilhan, qui plaidait pour la rareté de la parole présidentielle (à l’opposé du style Sarkozy) associée à une sortie du bois pour annoncer des choses concrètes.  Là, il est juste venu affirmer qu’il fixait le cap et qu’il avait un calendrier en tête, sans annonces fortes. Autre raison de prêter le flanc à la critique.

Enfin, si on regarde l’univers des réseaux sociaux dans lequel cette intervention s’est déroulée, on constate une apathie. Peu de gens ont jugé utile et crucial de commenter son intervention. Les défenseurs du président Hollande étaient encore moins nombreux que ses détracteurs. Loin d’affoler les compteurs de Twitter, cette prestation télévisée a été reçue dans une relative indifférence (loin des passions de la campagne électorale sur les réseaux sociaux). D’après les statistiques de tvtweet, 4710 tweets ont été postés durant le JT de TF1. Les mots clés repérés se répartissent ainsi : tf1 3049, hollande 1014, jthollande 939, mollande 295, lesexperts 178, jt 101, 20h 88, chazal 80, fh 69, après30secondesdefrançoishollandeàlatélé 43, flamby 32. La bataille entre le hashtag (soutenu par l’Elysée sur son site) #JTHollande et celui goguenard de l’opposition #Mollande a tourné au coup d’épée dans l’eau.

Et le LabEurope1 relevait dès hier soir que l’un des éléments les plus débattus était le fond visuel derrière le plateau choisi par TF1, montrant une pleine nuit parisienne, là où la nuit n’était, en fait, toujours pas tombée. Bref, l’intervention de François Hollande n’a pas déchainé les foules et sa prestation n’aura pas contribué à remobiliser, à dramatiser les enjeux pour redonner une confiance pleine et entière sur sa capacité à agir, vite et bien. 

La stratégie du gros dos

François Hollande a donc choisi de persévérer dans son style, malgré les mises en cause et les appels au revirement. Il ne répond pas vraiment aux critiques qui lui sont faites, et n’endosse pas les habits de superhéros ou d’hyperprésident. Il avait déjà annoncé samedi dans son interview au Monde, qu’il ne voulait surtout pas être comme un "bouchon" flottant au fil de l’eau. Certes, il concède un peu, en disant s’engager, avec plus de fermeté que l’impression qu’il donnait, mais on sent encore une réserve, un recul. Il se déclare "en première ligne", "je vais m’engager pleinement dans cette bataille", "je suis en situation de combat", mais il n’a pas cherché à se poser en décideur de tout. Il rentre donc manifestement dans une stratégie du gros dos, se sachant en zone de turbulence pour un bon moment désormais, tout "en étant responsable devant les Français". Pari risqué, car si ceux qui déploraient l’agitation du président Sarkozy auront pu être satisfait de la prestation calme de François Hollande, ses adversaires y auront trouvé confirmation de leurs motifs de rejet, et surtout ceux qui se nourrissent d’impatience économiques et sociales seront restés sur leur faim.

Gageons que ce n’est pas avec cette prestation qu’il va ouvrir l’agenda du redressement de sa cote de popularité ! 

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